Mais, ce n’est pas tant la faculté de migrer au gré des opportunités qui a fait la réputation de Brigi Rafini. Car, dans ce domaine, il fait figure de pitoyable outsider devant certains compatriotes. Le fort de Brigi Rafini, c’est d’avoir su, malgré cette transhumance politique qui ne l’honore pas, garder un semblant de « virginité » politique, les Nigériens lui ayant toujours accordé, sinon une innocence totale dans la gouvernance désastreuse qui a ruiné le Niger, tout au moins le bénéfice du doute quant aux dérives de son camp politique actuel. Une perception qui est trop loin de la réalité mais que Brigi Rafini a mise à profit pour jouer sur deux tableaux : l’un, officiel qui lui attribue, au sein de la mouvance présidentielle, un rôle de sage et de soldat de faction pour le respect de ce qui vaut la peine d’être préservé ; l’autre, officieux où le vrai Brigi Rafini s’affirme avec fermeté et intransigeance, se laissant aller au point de piétiner, lui aussi, les lois et règlements de la République qu’il a pourtant juré, la main sur le Saint Coran, de respecter et de faire respecter. Cette aptitude à se dédoubler dans la conduite des affaires publiques a conféré à Brigi Rafini, l’homme qui n’a presque jamais haussé le ton, une réputation de sage dont on ne trouve, pourtant, nulle part la source du mérite. Pour son âge sans doute, mais aussi pour son tempérament, l’homme a été crédité d’atouts qu’il n’a pas. Et n’eût été cette sale affaire de contentieux avec Africard, il ne laisserait à ses compatriotes que l’image d’un homme pondéré, juste et débonnaire.

« De nature, je suis calme, mais le sang coule aussi dans mes veines ». L’homme qui s’affirme ainsi le 26 novembre 2014, comme pour dire à ceux qui se trompent sur sa personnalité, qu’il sait aussi "mordre", est passé, pendant longtemps, entre les mailles des filets d’une opinion publique qui sait adopter les bonnes âmes mais qui n’hésite pas à vomir ceux qui abusent de sa confiance, de leur pouvoir ou de leurs privilèges. Les Nigériens sont, donc, déçus et choqués en découvrant les contours scabreux de ce qu’un confrère a appelé "Brigigate". Car, l’homme a abusé de son pouvoir et de ses privilèges pour faire annuler un contrat régulièrement signé afin de le réattribuer à un groupe nigérian, CONTEC GLOBAL, avec lequel ses compatriotes ne peuvent que le soupçonner d’avoir des rapports personnels. Il a fait la sourde oreille aux conseils avisés de ses collaborateurs, pourtant pas toujours clean tel que Gandou Zakara, et craché pratiquement sur l’arrêté de la Cour d’État, la plus haute juridiction de son pays. Pour aboutir à quel résultat ? Un contentieux judiciaire dans lequel, par sa faute et son entêtement à persister dans la faute, le Niger doit à Africard Ltd, la prodigieuse somme de 23 milliards de francs CFA ; de l’argent que la société du LibanaisSleiman Obeid compte récupérer dans la vente des biens immobiliers de l’État nigérien qu’elle a fait saisir par voie d’huissier, le dernier étant la superbe résidence de Central Park, à New York. Telle est la face cachée de l’Iceberg, restée longtemps à l’abri des regards et des jugements conséquents, car immergée. Aujourd’hui, Brigi Rafini a étalé son vrai visage, celui d’un homme qui, malgré l’expérience notable dans l’administration et la gestion des affaires d’État, a préféré faire un peu comme tout le monde, autour de lui. Car, son acte, malheureusement, n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une logique pernicieuse qui consiste sous Mahamadou Issoufou, lorsqu’il faut atteindre un objectif, à passer par dessus les textes de loi, y compris la Constitution qui a été maintes fois violée. Sans état d’âme, comme dirait Mohamed Bazoum !

Attention aux eaux dormantes, dit-on. N’est-ce pas choquant de découvrir que derrière ce visage rassurant, Brigi Rafini dissimule un autre qui ferait peur à n’importe quel militant zélé mais patriote ? Au nom de quel (s) intérêt (s) a-t-il posé cet acte qui privilégie des intérêts privés au détriment de ceux de l’État ? Brigi Rafini n’a aucune parade pour se défendre. Il n’a non plus aucune excuse valable. Ce qu’il a fait est plus que choquant. Il a mis en péril des intérêts stratégiques du Niger et ce ne sont pas les vaines pantalonnades d’un Gandou Zakara qui y changeront quelque chose. Est-il possible de démentir ceux qui parlent d’irresponsabilité et d’insouciance ? NON. Et ce qui est davantage choquant dans cette histoire, en lieu et place des actes d’humilité auxquels les oblige l’immensité de la faute commise, ils essaient de tromper davantage les Nigériens en prétendant, sans aucune preuve, que Le Courrier a raconté des mensonges. L’arrêt de la Cour d’État du Niger, la plus haute juridiction de notre pays, est-il un mensonge ? La décision de la Cour d’arbitrage de l’OHADA est-elle un mensonge ? Celle de la Cour d’arbitrage internationale de Paris est-elle un mensonge ? Les deux sentences de la Cour de justice de Columbia, aux États-unis, sont-elles fausses ? Gandou Zakara, proposé ou qui s’est proposé pour apporter une vaine réplique à des informations soutenues par des preuves concrètes, est dans un baroud d’honneur pas du tout honorable. Beaucoup de gens savent parfaitement pourquoi Gandou s’agite ainsi. L’homme faisait partie de la misérable mission qui a accepté, d’une part, le renoncement du Niger à toute immunité d’exécution, cette renonciation à l’immunité d’exécution couvrant toutes les catégories de biens listés dans l’accord amiable, quelle que soit leur date d’acquisition, c'est-à-dire qu’elle soit antérieure, concomitante ou postérieure à la signature de l’Accord amiable du 30 juillet 2016 ; d’autre part, qui a admis irrévocablement la compétence de toutes les juridictions française et étrangères qui pourraient être saisies par Africard d’une procédure d’exécution de la Sentence à l’encontre de la République du Niger, notamment celles des États signataires de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères signée à New York le 10 juin 1958. Trois vérités s’imposent dans cette affaire :

  • Le Brigigate est une réalité, douloureuse pour le Niger.
  • Le premier responsable n’est que Brigi Rafini.
  • Les intérêts stratégiques du Niger ont été mis en péril au profit d’intérêts particuliers privés.

BONKANO.

31 janvier 2017
Source : Le Canard en Furie