Plusieurs groupements mutualistes se sont imposés aujourd’hui en leaders sur l’échiquier national et international, où ils exposent des produits artisanaux riches et variés. Dans toutes les zones nomades d’Agadez, les bijoux sont confectionnés avec art. On y trouve des fanfreluches qu’affectionnent les Touaregs, la croix d'Ingall ou Tanfuk tan' Azref (Azref en Tamasheq signifie argent) apparue, vers le milieu du XXè siècle et qui figure de nos jours au nombre des croix des régions touarègues du Niger comme celle d’Agadez ou Teneghelt qui, depuis le début du siècle connait une grande notoriété.

Très particulier dans la tradition des Touaregs de l’Aïr, la Teneghelt tan’ Agadez dénommée par les européens «croix d'Agadez» est l'un des plus anciens bijoux. Aussi, pendant de nombreuses années, il est le seul, à être appelé ainsi et a gardé son nom jusqu'à aujourd'hui.

Agadez est aussi renommé depuis longtemps pour son artisanat du cuir : cela va des «boîtes magiques» (bata en haoussa), porte -feuille, cartables, etc.

L’appui de l’Etat et des Ong

Dans la région, les femmes s’adonnent à l’artisanat où elles sont soutenues et encouragées par des mesures appropriées négociées avec elles, à travers leur structure, le SAFEM (Salon de l’Artisanat pour la Femme) l’Etat et les ONG. L'activité artisanale est si importante pour la population qu’elle représente l’une des principales sources de revenus des nomades qui ont perdu leurs troupeaux lors des dramatiques sécheresses des années 70 et 80.

Grâce à l’ONG suisse Bald, un service Artisanat a été créé au sein de l’URC (union régionale des coopératives) et a mené des activités pour améliorer les conditions de vie des populations vulnérables. Afin de coordonner cette activité traditionnelle, améliorer la qualité des objets fabriqués et les commercialiser en Europe, le SAA (Service Artisanat d'Agadez) regroupait il y a une décennie environ 3000 femmes des coopératives de la région.

Les femmes artisanes targuies travaillent surtout le cuir, matériau à la disposition de tous les éleveurs pour fabriquer des sacs, portefeuilles et housses de coussin.

Il n’y pas que les femmes targuies qui excellent dans le savoir-faire traditionnel. il y a aussi les femmes Peulhs Bororos ou Wadaabé qui travaillent le cuir et réalisent des objets utilitaires, comme les sacs, ou d’autres relevant plutôt de la parure, comme les colliers ou les miroirs en associant souvent cuir, perles, matériaux récupérés (verre, cuivre, laiton, …) ce qui dénote une ingéniosité artistique dans les compositions des tissus brodés, tuniques, pagnes ornés de motifs brillants, riches et multicolores, délicats et variés.

‘’Les bijoux, parures de fêtes ou de tous les jours, qui rehaussent la beauté des femmes, expriment tout un univers de traditions, de représentations symboliques du monde touareg, accompagnent les femmes et les hommes depuis la nuit des temps. Ils constituent un langage et remplissent de multiples fonctions : talisman, cadeaux de mariage etc. A cela s’ajoutent les colliers, pendentifs, croix, bagues, boucles d'oreilles, bracelets en cuivre ou en argent, sertis parfois de pierres semi-précieuses, ou incrustés de bois.

La mévente : un véritable problème

Malheureusement ces dernières années, le secteur va mal en raison de l’insécurité qui lui a porté un coup dur. Depuis l’arrêt de l’activité touristique, les artisans confrontés à un problème de mévente n’arrivent pas à s’en sortir. Le salut vient ici des   foires nationales et sous régionales. Certains grâce à la notoriété des produits du secteur se sont tournés vers   les marchés Européens porteurs. Il convient de rappeler qu’en 2005-2006, 70 000 touristes ont visité le Niger. Principalement des Français, Italiens, Allemands, Américains et Canadiens. Pour cette période, le tourisme a rapporté 27 milliards de Francs CFA au Niger. L’artisanat emploie plus de monde que le tourisme et a plus d’effets sociaux induits. Plus de 600 000 personnes exerçant 210 métiers travaillent dans l’artisanat dont plus de 360 000 dans des petites et micro entreprises. Cette activité représente 23% du Produit Intérieur Brut (PIB).

Plusieurs ONG, à travers des formations en faveur des groupements mutualistes contribuent à l’essor de l’artisanat touareg. C’est le cas de l’ONG HED –TAMAT dont les efforts à l’endroit des femmes sont remarquables. Ces deux dernières années, les femmes de la région d’Agadez ont bénéficié des appuis de cette ONG à travers de séries de formations sur les arts et le savoir-faire traditionnel. L’ONG HED –Tamat a fait de   la promotion des arts et du savoir-faire traditionnel, une de ses priorités pour faire du sous-secteur de l’artisanat un facteur privilégié de la croissance économique et du développement régional.

Dans ce cadre, la volonté de cette ONG, s’est traduite par le renforcement des structures locales, les formations en poterie, tresse traditionnelle, tenue traditionnelle homme/ femme Peulh, vannerie Peul, natte traditionnelle Touareg/ tchissibrene, couverture Touareg/ tchibardawene, broderie Peul, dispensées à Abarakan/Timia, Foudouk/Ingall, Tchinibro/Aderbissinet, Tagdoum/Ingal, Tchinagarof/ Aderbissinet, Tiguindé/ Ingall, Amanzagaghnene/Ingall, Tchirozérine. Il s’agit à travers ces formations menées en 2016 de relever les défis de la lutte contre le chômage et la pauvreté. Pour ces formations, l’ONG HED- Tamat a dépensé plus de 35.405.279 de FCFA.

En effet, la réussite des femmes artisanes a été aussi possible grâce aux efforts déployés par l'Agence SAFEM (il y a quelques années Secrétariat Permanent de l’Artisanat) qui a bénéficié des appuis des autorités nigériennes, au premier rang desquelles SE Issoufou Mahamadou, Président de la République, Chef de l'Etat, qui ne cesse d'apporter tout son soutien politique et des appuis multiformes au fil des différentes éditions.

En outre, depuis ses débuts, l'Agence SAFEM bénéficie de l'appui de la Première Dame Hadjia Aïssata Issoufou, marraine des éditions du Salon de l'Artisanat pour la Femme, à travers des appuis conseils et soutien à la promotion de l'artisanat au Niger, ainsi que de la coopération espagnole qui, à travers le nouveau partenariat pour le développement en Afrique (NEPAD), appuie les groupements féminins au Niger en général, et des femmes des régions d'Agadez, In'Gall et Tchirozérine en particulier .

Au Niger, le NEPAD s'est aussi résolument engagé dans une autonomisation socioéconomique des femmes sur toute l'étendue du territoire national. Les compétences de ces femmes ont été renforcées dans le secteur artisanal afin qu'elles puissent se positionner sur le plan national, sous-région et international. La qualité des produits artisanaux des femmes touarègues atteste des résultats de ces appuis aux femmes dans le nord Niger.

L'objectif visé par l'agence du SAFEM et de ses partenaires, est de permettre aux femmes nigériennes du secteur artisanal de créer de moyennes et petites entreprises pour insuffler un dynamisme nouveau au secteur de l'artisanat au Niger. L'agence SAFEM est en train d'aider les femmes à relever ce défi important pour l'avenir.

Abdoulaye Harouna, Onep/ANP Agadez

 

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Mme Inani Amado Mamoudou, présidente communale des femmes artisanes d’Agadez : Les produits artisanaux de la région ont acquis une notoriété aux plans national et international

La présidente communale des femmes artisanes d’Agadez, Mme Inani Amado Mamoudou fait partie des femmes qui ont réussi à se faire un nom dans le secteur de l’artisanat. Connue aussi sous le nom d’Irzaganhat, elle s’est spécialisée dans la teinture. ’’C’est grâce à la Nigetech que j’ai appris le métier de teinturière sinon j’étais auparavant couturière .Cela fait aujourd’hui 20 ans que j’exerce en tant que teinturière et cette activité m’a conduit jusqu’au Mali où j’ai fait des formations de haut niveau toujours grâce à Nigetech».

Au fil des ans, elle est devenue formatrice pour les besoins de plusieurs groupements féminins et des jeunes de la région. «J’ai assuré la formation de plusieurs d’entre elles à la demande du PNUD, HED-Tamat, ONG GAGE et Nigetech pour les femmes car la teinturerie est exercée ici par les femmes .Cela m’a conduit à des déplacements dans la région pour toujours former les jeunes ‘’, ajoute t-elle.

Pour Mme Inani, c’est bien bon de former, « mais je pense que les Projets et ONG doivent surtout apporter des appuis financiers aux jeunes formées pour leur permettre de mener durablement leurs activités .La peinture vous le savez coûte excessivement cher, car un kilogramme coûte 50.000 FCFA et pour créer un atelier et le faire fonctionner, il faut plusieurs kilos de peinture pour en faire des palettes de couleurs mais aussi du matériel .C’est ce qui fait que malgré la formation, il n’est pas donné à tout un chacun d’exercer sur le terrain », précise la présidente des femmes artisanes d’Agadez.

Irzaganhat affirme également que du point de vue de la qualité des produits, elles ont toujours participé au SAFEM et «Dieu merci l’artisanat d’art à Agadez se vend bien tant au Niger qu’à l’extérieur». Elle reconnait qu’un moment, l’insécurité a porté un coup dur à leurs activités car les touristes ont fui la zone, «mais aujourd’hui avec les activités d’orpaillage, nous avons beaucoup de raisons d’espérer car les populations nomades amènent des habits pour la teinturerie ou bien lancent des commandes».

Selon la présidente des femmes artisanes d’Agadez, la fête du Bianou constitue une des plus grandes opportunités qui s’offrent à leur secteur. «Nous sommes même débordées en cette période où chacun prépare ses tenues d’apparat pour la fête .En raison de 5000 FCFA la teinture d’un habit nous arrivons à gagner 50.000 FCFA par jour même si ce n’est pas en période de fête, car ici ce sont les nomades qui sollicitent beaucoup nos services». Irzaganhat nourrit l’espoir que la clientèle européenne va renouer avec l’Aïr surtout que la paix est en train de se consolider avec les efforts du gouvernement. «Mais je tiens à préciser que nous sommes soutenues ici par la Direction régionale du tourisme et de l’artisanat d’Agadez et quelques ONG», mais malgré tout, «nous demandons une assistance accrue pour les artisanes de la région d’Agadez car l’artisanat est une activité génératrice de revenus pour les ménages, un domaine vital pour l’économie de la région voire du pays dans son ensemble», ajoute-t-elle.

L’artisanat des agadésiennes est aussi un secteur d’activité important au Niger et contribue à la formation du Produit national brut (PNB) indique Mme Inani Amado Mamoudou. C’est à juste titre qu’elle rend un hommage mérité aux femmes de la région dans leur détermination à relever les défis de la lutte contre le chômage, la pauvreté , dans un environnement physique et écologique austère ainsi qu’ une grande vulnérabilité aux aléas climatiques.

En s’investissant dans le secteur de l’artisanat, on se rend compte que les femmes ont acquis une certaine indépendance qui leur a permis de devenir capables de satisfaire certains de leurs besoins de la vie courante (habitation, transport) approvisionnement en vivres, élevage. Aussi les activités artisanales des femmes ont connues ces dernières décennies une véritable mutation en s’ouvrant sur le monde extérieur.

Au regard de la manne financière que peut générer l’artisanat, certaines femmes se sont organisées en groupement mutualiste et leurs produits sont exportés vers de nombreux pays européens (France, Suisse).

16 juin 2017
Source : http://lesahel.org/

 

 

Abdoulaye Harouna(onep)