Lettre au “président de la République” Monsieur le “Président” Votre loi de finances est non seulement antisociale, mais elle est également contraire à nos valeurs religieuses, notamment aux prescriptions du Saint CoranVotre histoire est pathétique. Si vous n’aviez jamais eu ce pouvoir d’État, vous auriez continué à prétendre que vous êtes le meilleur parti pour le Niger. Hélas, il a suffi de six années pour se rendre compte que vous êtes plutôt le chaos. Vous avez tout détruit, absolument tout. Le Niger, sous vos bottes, est un chaos généralisé. Et les Nigériens ont compris que votre unique pré- occupation est de rester là où vous êtes, quoi qu’il en coûte au peuple nigérien. Pour moi, il n’y a rien de si surprenant, car vous ne devez rien à ce peuple. Au contraire, vous avez tout pour lui en vouloir. Candidat unique à l’élection présidentielle de mars 2016, vous n’avez pu vous faire réélire que grâce à un hold-up électoral. Votre reconnaissance, vous la devez à d’autres acteurs à qui vous retournez d’ailleurs si bien l’ascenseur. Ce sont eux qui comptent pour vous. Tout le reste n’est que détails futiles. Autant en emporte le vent ! Monsieur le’’Président’’

Vous refusez obstinément d’écouter le cri de détresse du peuple nigérien. Vous refusez de travailler conformément à votre serment coranique, en cherchant les voies et moyens d’alléger, à défaut de réussir mieux, les conditions de vie de vos concitoyens. Vous refusez d’être juste et équitable, en vous appliquant d’abord les mesures d’austérité qu’impose la situation financière et économique ; une situation catastrophique dont vous êtes, à tous points de vue, le responsable principal. Bref, vous vous sentez si fort pour ignorer les pleurs de vos concitoyens et je comprends. Vous êtes si fort, non pas des suffrages de votre peuple, mais d’autres sources de pouvoir antinomiques avec celui du peuple. Tous vos actes le traduisent. Avec cette loi de finances 2018, vous achevez de le démontrer. Il n’y a plus à rien à espérer de votre gouvernance que le pire de tout ce que vos compatriotes ont connu. Le pari de la gouvernance par la force procure, certes, des avantages pé- cuniaires énormes. Il peut également permettre d’ignorer royalement les cris de dé- tresse de ses concitoyens qui peuvent aller se plaindre là où ils veulent, protester, pleurer et même hurler comme des loups. Mais pour combien de temps ?

Monsieur le ‘’Président’’

Les députés à qui vous demandez de voter la loi de finances 2018 ne sont-ils pas avant tout des citoyens ? Vous leur demandez, donc, de se faire hara kiri, car quel que ce soit ce que vous leur donnerez ou promettrez de leur donner, vous ne pourrez jamais leur garantir deux choses : vous ne pourrez pas leur garantir un mandat à vie et vous ne pouvez pas leur garantir également l’absolution devant Dieu pour ceux qui croient en l’Éternel. Tant pis pour ceux qui ne croient pas. Par conséquent, aussi bien du point de vue social que du point de vue religieux, les députés sont appelés à se mettre dans l’œil du cyclone. Votre loi de finances est non seulement antisociale, mais elle est également contraire à nos valeurs religieuses, notamment aux prescriptions du Saint Coran par rapport au partage de l’héritage. Comment pouvez-vous être si distant de votre peuple, même si la majorité n’a pas voté pour vous ? S’il s’était agi d’un cafre, vos compatriotes ne trouveraient sans doute rien à redire. Mais lorsque cela vient d’un homme qui a publiquement professé que sa gouvernance sera à l’image de celle de l’Emir des croyants, Umar Ibn Al Khattab [ndlr : que Dieu soit satisfait de lui], ça pose problème. Pouvez-vous aujourd’hui réitérer cette déclaration ? Tel que les biographes l’ont rapporté, Umar Ibn Al Khattab est un homme honnête, digne, humble et plein de compassion pour son peuple. Lorsqu’un seul d’entre eux n’a pas mangé, il pleure son impuissance et implore le Tout Puissant de l’aider à lui venir en aide. Bref, c’est un truisme de le dire que les épreuves difficiles que vous voulez imposer au peuple nigérien à travers la loi de finances 2018 est à l’opposé de tout ce que le calife Ibn Al Khattab, ce serviteur zélé de Dieu, a fait pour son peuple.

Monsieur le ‘’Président’’

Je disais tantôt que même lorsqu’on n’a pas été élu par le peuple et qu’on peut éprouver du ressentiment pour ça, on ne met pas un tel fardeau sur les épaules de ses concitoyens. De la même façon que vous avez «tué» le petit commerce à travers les déguerpissements sauvages, portant un rude coup à l’économie nationale, votre loi de finances ne peut être que synonyme de désastre financier et social. Pour la plupart des Nigériens, c’est une provocation de trop de votre part. L’école est par terre, la santé est hypothéquée, l’énergie électrique est sujette à caution, les finances publiques sont dans le rouge et tout le monde sait la direction que des centaines de milliards ont prise. De la même façon que vous ne pouvez pas demander davantage d’argent à la France, aux Etats Unis ou à l’Union européenne sans avoir récupérer les milliards détournés ; de la même façon, il est indécent, voire provocateur et insultant de demander aux citoyens nigériens de payer pour les fautes que vous avez commises.

Monsieur le’’Président’’

Vos compatriotes sont furieux. Ils estiment que vous devriez plutôt commencer par ré- duire de façon drastique la taille monumentale de votre gouvernement, diminuer vos fonds politiques et ceux du président de l’Assemblée nationale et ceux du Premier ministre ; supprimer tous les postes budgétivores qui ne rapportent pratiquement rien à l’État, notamment les milliers de postes de conseillers et de chargés de missions ; supprimer tous les postes budgé- taires qui, de la présidence au Cabinet du Premier ministre, constituent des sources potentielles de détournements massifs de fonds ; ramener dans les caisses de l’État les 200 milliards que Hassoumi Massoudou a transférés à Dubaï et récupéré tout ce qui a été détourné dans l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel, le détournement de l’aide alimentaire pakistanaise, le Mukurigate ; le pillage de la Soraz, etc. L’argent est ailleurs et vous le savez bien. Je sais que vous ne seriez pas capable de le faire et que vous allez miser sur les élé- ments des forces de police, de gendarmerie et de la Garde nationale, pour museler le peuple. Mais sachez une chose : les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite et/ou le planifie.

26 octobre 2017 
Source : Le Monde d'Aujourd'hui