{xtypo_quote}Si le choix de Mahamadou Issoudou, dans sa quête forcée d’économies budgétaires ne s’est pas porté sur le train de vie de l’Etat et les milliers de conseillers qu’il entretient pour sauvegarder son pouvoir, mais plutôt sur l’école, il n’y a rien à dire en termes de commentaire.{/xtypo_quote}
« …la prorogation des mandats des conseils municipaux et régionaux est renouvelée pour une durée de six (6) mois à compter du 17 août 2017. Toutefois, cette prorogation de mandat ne concerne pas le conseil de ville de Niamey et ses démembrements à savoir les conseils d’arrondissements communaux Niamey 1, Niamey 2, Niamey 3, Niamey 4 et Niamey 5 dont les missions seront assurées par des délégations spéciales qui seront installées à cet effet, conformément à la législation en vigueur ».La dissolution des conseils d’arrondissements communaux de Niamey est non seulement illégale, mais aussi symptomatique d’un pouvoir qui a perdu toute relation avec les exigences d’une démocratie républicaine. Mahamadou Issoufou sait parfaitement qu’il viole la loi. Mais, que voulez-vous, il en a fait pire pour s’arrêter en si bon chemin. Par cet acte grave, il entend faire savoir qu’il est résolument inscrit dans une logique de forcing et qu’il n’entend pas reculer parce que des gens crient au scandale.
Voici un homme qui prétend avoir été élu à 92,51% mais qui décide, pour asseoir son pouvoir, de passer par des méthodes de régime d’exception. Il dissout à sa convenance personnelle des conseils élus pour y placer des hommes de main à tout faire ; autrement dit, il rompt avec les règles démocratiques et républicaines pour en faire à sa tête. Et de la même façon que Mamadou Tanja a voulu se construire une république à lui, selon ses fantasmes politiques, pour ne pas parler de folies, Mahamadou Issoufou a déjà réalisé 50% du parcours de combattant qu’il s’est imposé. Il a fait un hold-up électoral, il est passé. Il a maintes fois violé la Constitution, il est passé. Il a renvoyé aux calendes grecques le renouvellement des conseils élus, il est passé. Il a refusé d’obtempérer à un arrêt de la Cour constitutionnelle, il est passé. Pourquoi alors se priver d’aller plus loin ? Mahamadou Issoufou a donc dissout les conseils municipaux de Niamey, tout en prorogeant le mandat des autres conseils du pays. En attendant qu’il applique la nouvelle loi électorale, adoptée le 28 juillet 2017, de façon rétroactive, pour désigner carrément un remplaçant au défunt député Maman Oumarou, les Nigériens doivent être certains d’une chose : le Niger traverse une période trouble et nul ne peut savoir, à moins d’être devin des temps anciens, vers quel rivage nous mène cet homme qui a pourtant juré, la main sur le Coran, de respecter et de faire respecter la Constitution.
Ce forcing de Mahamadou Issoufou a une raison simple : il ne trouve aucune alternative à sa situation que de poursuivre ce parcours de combattant plein d’embûches ; un parcours que personne n’a encore réussi à faire au Niger. Et puisqu’il ne peut le faire avec succès dans le respect des règles du jeu, il a choisi de jouer au dur : soit ça passe ; soit ça casse. Il joue une sorte de va-tout qui le met dans une posture de « seul contre tous », étant entendu que même au sein du Pnds Tarayya, il rame à contrecourant. Et pour qu’un homme se conduise ainsi, de façon si désespérée en foulant au pied les lois qu’il doit être le premier à respecter, c’est qu’il est parfaitement conscient de ses échecs. Non seulement il sait qu’il a échoué, mais il est également persuadé qu’il n’a plus le moindre espoir de rétablir les grands équilibres que sa gouvernance a rompus. Alors, que faire ? Foncer, tête baissée, avec une chance sur mille de réussir son coup. La tentative de résolution des problèmes financiers générés par la corruption, les trafics, les détournements de deniers et biens publics, l’enrichissement illicite, …à travers la démolition du système d’enseignement est symptomatique de cette option dangereuse que Mahamadou Issoufou a prise.Déjà, des informations en provenance d’agences spécialisées des Nations Unies font état de milliers d’enfants d’éleveurs, dont 17 169 à Zinder et 12 043 à Tahoua, qui ont abandonné l’école en cours d’année scolaire pour suivre leurs parents à la recherche de zones de pâturage favorables. Avec cette démarche inédite dans le monde d’apprécier les compétences académiques et pédagogiques des enseignants à travers un examen sur table, ce sont des milliers d’enseignants qui vont emboîter le pas à ces enfants contraints par l’insécurité alimentaire.
Il faut se dire la vérité. Dans la même logique des assertions servies à l’entame de cette rubrique, aucun chef d’Etat, dans l’histoire du Niger, n’a semé autant de troubles dans le secteur éducatif. Si le choix de Mahamadou Issoudou, dans sa quête forcée d’économies budgétaires ne s’est pas porté sur le train de vie de l’Etat et les milliers de conseillers qu’il entretient pour sauvegarder son pouvoir, mais plutôt sur l’école, il n’y a rien à dire en termes de commentaire. C’est la preuve que l’intérêt qu’il prétend accorder à l’école n’est que pur slogan. Ses véritables intérêts sont ailleurs.
Bonkano
16 août 2017
Source : Le Canard en Furie