Les déceptions sont donc grandes et c’est à croire qu’un autre, pour l’en dispenser, aurait raison de dire que «l’Afrique ne serait pas mûre pour la démocratie». Tant il est vrai que les Africains, incapables souvent d’élévation, ne se seront pas montrés à la hauteur, passant tout leur temps dans des chamailleries futiles, versant dans le dénigrement de l’autre, disons dans la médiocratie. La démocratie tropicale a autorisé et amplifié le bavardage, sacrifiant l’action qui construit.
Au Niger, la situation est plus grave. Depuis trente ans que le Niger est en démocratie, commençant avec une troisième République, le pays est aujourd’hui à la septième République avec aujourd’hui encore, des incertitudes qui planent sur le processus. Il est ainsi devenu impossible pour les enfants du pays de tirer les leçons de l’histoire pour comprendre l’urgence à mettre en avant de tout, l’intérêt supérieur de la nation et non les désidératas d’acteurs égoïstes qui ne pensent qu’à eux seuls. Notre démocratie vit donc les mêmes convulsions qui lui ont coûté les déboires que l’on sait et qui auront été un grand recul pour le pays et pour la démocratie elle même.
Depuis quelques jours, avec l’effervescence l’effervescence qu’on ne lit que chez le Pnds, effervescence liée à l’imminence des prochaines élections dans le pays qui devraient consacrer la première alternance pacifique dans le pays, l’on assiste à des créations tout azimut de partis politiques qui viennent si ce n’est de renforcer le champ politique au moins de le fragiliser et y semer davantage la chienlit. Les enjeux de ces élections sont d’autant plus importants que tous les acteurs y accordent un intérêt particulier. Pour les analystes avertis, ces élections pourraient être, dans l’entêtement des gouvernants et les extrémismes de tous les acteurs, les élections les plus difficiles de l’histoire démocratique du pays. Toute chose pour laquelle certains observateurs n’arrêtent pas d’interpeller la conscience nationale pour que des hommes, pour leur seule ambition, ne sacrifient pas la quiétude du pays, la paix dont nous avons grandement besoin dans ce pays, hier havre de pays, qu’on ne reconnait plus.
Mais comment faut-il lire, dans une telle situation, l’irruption de nouveaux partis politiques sur l’échiquier politique ? Est-ce un point positif à capitaliser pour l’avancée de notre démocratie ? Il va sans dire que par le nombre, l’arrivée de ces nouveaux partis politiques, ne constitue en rien un atout majeur pour la démocratie et pour sa qualité. Du reste, dans le syndicat, nous avons assisté au même phénomène qui a conduit à discréditer le syndicalisme et les syndicalistes auxquels les travailleurs ne croient plus, car incapables de défendre leurs militants qu’ils ont fini souvent par mettre dans des situations inconfortables, incapables de les protéger et souvent de protéger leurs acquis en face de gouvernements dont ils se sont faits les complices les plus sournois. La multitude de syndicats, même en promouvant le pluralisme syndical, n’aura rien apporté aux travailleurs sinon que de réduire, d’annihiler leurs moyens de pression et de lutte. Ce ne devrait pas être très différent de ce que nous avons sur l’échiquier politique avec cette multitude de partis politiques qui n’existent souvent que dans des cartables, impossible de voir pour eux des sièges et même des militants qui s’en réclament. D’ailleurs, tout le désordre que l’on observe aujourd’hui sur la scène politique n’est que le fait de ces partis-girouettes qui n’ont aucune conviction que de tourner au gré des vents et de quelques intérêts mesquins, se vendant à qui mieux pour ne donner à l’autre qu’une gueule pour faire du bruit et polluer l’atmosphère politique. Ces micros-partis, partis satellites ou partis microscopiques pour d’autres, ne permettent d’avoir aucune lisibilité sur le champ politique, si ce n’est de mettre du désordre pour soutenir tout le temps le faux, car ils ne sont pas créés pour faire de la politique et donc faire de l’opposition mais pour être tout le temps de ce qui serait le bon côté pour participer au pouvoir afin d’assurer, au gré des partages, leur survie. Vingt millions d’habitants, ont-ils franchement besoin de plus de cents partis politiques ? Peut-on avoir cent idéologies à défendre pour ne pas être capables de s’entendre sur des plateformes minimales où les hommes peuvent être fédérés ? On peut dès lors comprendre que ce n’est pas sérieux.
Ceux qui viennent, sont-ils véritablement mus par des réelles ambitions pour le pays et pour la démocratie, motivés par des intentions réelles de changer la gestion de la démocratie dans le pays, ou par un besoin immense de changer radicalement la gouvernance dans sa globalité et plus particulièrement dans la gestion des deniers publics qui a révélé toutes les faiblesses de la nouvelle élite postconférence nationale, gloutonne et cupide ? Veulent-ils pour le Niger une image plus honorable qui en fait une terre de paix et de justice, de grandeur et de magnanimité ? Il est difficile a priori de répondre à ces préoccupations étant entendu que ceux qui viennent sont pour l’essentiel des jeunes et donc pour beaucoup d’entre eux des novices en politique et surtout des inconnus de la sphère politique. Portent-ils des ambitions nobles pour le Niger et pour les Nigériens, eux seuls peuvent le dire, mais peut-on les croire ? Deux lectures sont plausibles pour comprendre ces nouvelles agitations que l’on peut observer sur l’échiquier. D’abord – et c’est la plus crédible pour nous – lorsque ces jeunes qui viennent affichent tout de suite leur intention de briguer la magistrature suprême du pays, sans faire leur «service civique politique» afin de s’aguerrir aux subtilités de la chose politique, l’on peut croire, comme en d’autres temps qu’il s’agit – pour certains en tout cas – de personnes manipulées par quelques hommes politiques qui pourraient, si des déboires leur arrivent, se servir de leur appareil pour rebondir. Mamane Ousmane, l’un des félins de la faune politique nigérienne, du reste, s’est déjà servi de cette stratégie par laquelle il a surpris bien de ses adversaires qui, voyant l’inconfort dans lequel ils le plaçaient, croyaient l’avoir définitivement anéantit politiquement par les épreuves iniques qu’ils lui avaient imposées. Mais ces partis politiques qui apparaissent comme une nuée de sauterelles, pourraient aussi être l’oeuvre du pouvoir surtout qu’on peut soupçonner que le ministre sortant de l’intérieur et candidat du pouvoir, pourrait avoir facilité la création de ces nouveaux partis pour en faire, peut-on le croire, «son» opposition qui donnera une certaine normalité à son élection qu’il entrevoit sans l’opposition institutionnelle qui boude le processus électoral actuel. Quelques menus fretins dont la participation aux présidentielles ne peut l’agacer pourraient donc servir d’opposition bis et donc à lui donner une opposition quand l’autre qu’il craint, aura fait le choix de la chaise vide pour le laisser aller seul dans ces élections oubliant que cette opposition – et elle l’a dit maintes fois – n’est pas prête à laisser aller dans des élections qui se feront sans elle. En tant que Nigériens, comme un autre, les opposants entendent forcer s’il le faut à avoir leur place dans les prochaines compétitions : ou il y aura une élection pour tous ou il n’en y aura pas. Le pouvoir même s’entête, le présent aussi et c’est pourquoi il tourne en rond avec ces CNDP qui ne font pas bouger les choses et avec cette CENI qui s’engouffre dans les justifications et dans des activités folkloriques qui doivent dire qu’elle existe alors même que des pans entiers des acteurs pour lesquels elle doit travailler ne la reconnaissent pas. C’est le sens de tous ces bruits qu’on peut entendre ces derniers jours, appelant à la tenue d’élections crédibles, justes, transparentes et inclusives, chacun des mots portant et parlant sur des faits bien précis. Même si le PNUD semble avoir choisi d’accompagner une CENI controversée dans un processus controversé en finançant une formation au profit de journalistes, on peut relever que lors de sa dernière audience à la présidence de la République, l’Ambassadeur d’Amérique dit avoir parlé avec le président de la République, de la tenue des prochaines consultations électorales que son pays – les USA – voudrait irréprochable. Beaucoup de partenaires ont compris que si le Sahel se trouve aujourd’hui dans des situations difficiles, c’est d’abord et surtout à cause de problèmes de gouvernance, car ceux qui sont aux commandes depuis quelques années ont montré qu’ils ne sont pas à la hauteur parce qu’il a suffi que les anciens dirigeants partent pour que bien de pays de l’espace sahélien sombrent, avec aujourd’hui pour certains, l’Eta qui est menacé dans son fondement. L’adversité de ces partis microscopiques ne saurait crédibiliser les élections que le Pnds veut organiser dans les conditions que l’on sait, pas plus qu’elle pourrait les revêtir du sceau de la légitimité étant entendu que la majeure partie des partis politiques les plus représentatifs se trouvent à l’écart de l’élection. Dans ces conditions celui qui brille tant à être élu sait qu’il ne pourra gouverner que difficilement pour avoir une opposition d’une telle taille. C’est dire que les prochaines années risqueront d’être encore les plus difficiles pour les Nigériens surtout que l’homme dont il est question, manquant de tact, ne peut que faire recours à la brutalité policière pour régenter le pays pour tenter de mettre aux pas des Nigériens insoumis. Du reste, on le connait, en tout, il ne voit que la prison pour un autre. Les Nigériens n’ont pas oublié et se souviennent pour longtemps de ses démesures et de ses rigidités…
Cependant, peut-on peut-être compter, sans doute du bout des doigts, parmi ces partis nouveaux, quelques-uns qui peuvent nourrir de réelles ambitions politiques pour le pays, ulcérés par le comportement indécent d’aînés qui ont fait la scène politique, un espace de pugilat. Mais auront-ils les moyens de se frayer un chemin dans la jungle, et rendre audible leurs discours pour embarquer une partie de l’électorat ? Ce n’est pas évident car en dehors des grands partis qui ont éclaté, aucun autre parti nouvellement créé n’a eu une assise importante, l’électorat étant resté fidèle à ses choix nonobstant quelques perturbations qui ne chamboulent pas pour autant la carte politique restée statique et ce, en dépit de ce que des élections bancales en 2016 auront montré comme étant la nouvelle architecture de l’échiquier politique nigérien pour révéler le Pnds – mensongèrement sans doute comme le plus grand parti politique du pays. Un grand parti qui a peur des petits partis… Ça fait sourire.
La vérité est que le Niger n’a besoin de tant de partis politiques. Et pour ce, il y a urgence à assainir le champ avec des lois nouvelles qui viendront baliser le terrain avec désormais des obligations qui devraient être faites à tout parti politique qui voudra exister. Par exemple, tant qu’un parti ne peut avoir dans toutes les régions un siège régional et un siège national dans la ville de son choix, tant qu’un parti ne peut aller dans une compétition électorale quelconque, un tel parti doit être dissout, du moins on doit lui retirer sa reconnaissance officielle. De même, il faudrait envisager de dissoudre tout parti politique qui ne peut avoir au moins un conseiller dans deux, voire cinq communes du pays. Pourquoi donc, lorsqu’on peut même ne pas avoir un conseiller municipal peut-on venir agacer le champ politique ? Ce désordre, il est temps de l’arrêter.
A quoi peuvent servir d’ailleurs des partis qui ne peuvent participer à des compétitions électorales et qui n’existent que dans la poche de leur fondateur ? Il y a urgence à répondre à cette question pour arrêter ce désordre et civiliser notre démocratie.
Ne jouons pas avec la démocratie…
A.I