Tous les ingrédients susceptibles d'installer notre pays dans une grave crise post-électorale sont en train d'être réunis progressivement par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sous l'oeil apparemment bienveillant du président Issoufou Mahamadou et du gouvernement. Les causes sont connues de tous. Une crise post-électorale survient généralement quand le processus n'est pas conduit de manière inclusive et transparente, qui implique nécessairement la participation de tous les acteurs concernés. Sommes- nous dans ce schéma au Niger ? La réponse est non ! De la mise en place de la CENI à la phase d'audit du fichier électoral dit biométrique élaboré par cette dernière en passant par l'organisation des audiences foraines pour l'établissement de pièces d'état civil aux citoyens en âge de voter qui n'en possédaient pas, la non-participation de l'opposition à la conduite du processus n'a pas été perçue comme une préoccupation majeure par le pouvoir. ''Nous avons des délais constitutionnels à respecter pour l'organisation des élections présidentielles'', a assené à moult reprises le Premier ministre Brigi Rafini au cours des sessions du Conseil national de dialogue politique (CNDP). Sans se préoccuper véritablement de l'absence des représentants de l'opposition dans la conduite du processus.
Pour faire semblant, il se contente simplement de les appeler à venir occuper leurs sièges au sein du CNDP et de la CENI. Un appel inaudible par les opposants qui considèrent que les dés sont déjà pipés en amont à travers notamment la modification unilatérale du code électoral par le pouvoir et la composition de la CENI, qui a été taillée sur mesure. C'est le moins qu'on puisse dire au regard des péripéties qui ont entouré la désignation du vice-président de la CENI et les dénonciations, preuves à l'appui, par l'opposition des pratiques illégales qu'elle a constatées à l'occasion des audiences foraines pour l'établissement des pièces d'état civil. Le parti MPN Kissin-Kassa d'Ibrahim Yacoubou comme le MNSD Nassara de Seïni Oumarou ont eu à dénoncer des cas flagrants. La CENI et le gouvernement se sont complus dans un mutisme assourdissant par rapport à la dénonciation de ces pratiques susceptibles de fausser la sincérité et la transparence du jeu électoral. Malgré cela, la CENI a continué son travail en procédant à un enrôlement contestable et contesté des électeurs potentiels en violation flagrante des dispositions du code électoral. L'opposition a observé faire. C'est à la fin de la phase d'enrôlement que la CENI est sortie dire aux Nigériens que le fichier qu'elle a élaboré est biométrique mais que les cartes d'électeurs qui leur seront délivrés sont juste sécurisées.
En clair, le vote à l'occasion des différents scrutins sera manuel. Allez comprendre quelque chose dans cette démarche étrange ! Un fichier biométrique suppose normalement l'établissement de cartes biométriques et un vote électronique. Pourquoi changer les règles du jeu de manière unilatérale à la dernière minute ? Où est la sincérité de la CENI dans la conduite du processus ? Mais ce n'est pas tout comme surprise. L'opposition, comme on le sait, a exigé l'audit dudit fichier par des experts indépendants. Et c'est le président Issoufou qui a personnellement répondu à l'opposition, en annonçant avoir demandé à la CEDEAO et à l'OIF de venir auditer le fichier. L'opposition n'a rien dit. En prélude à l'arrivée des auditeurs, la CENI lui a adressé une correspondance pour lui de demander de désigner deux experts qui siégeront avec les experts de l'OIF et la CEDEAO. Ce qu'elle a fait sans poser une quelconque condition. Un gage de bonne foi qui prouve qu'elle tient aux élections. Mais contre toute attente, quand les experts étrangers et l'équipe de la CENI ont débuté le travail, on fait comprendre aux deux représentants de l'opposition qu'ils sont là en tant que simples observateurs. Qu'ils ne peuvent pas par conséquent accéder à la base des données de la CENI. Ça veut dire quoi ? Peut-on apprécier un travail sans savoir comment il a été fait ? Les choses sont claires à présent. Le pouvoir veut organiser des élections à sa convenance. Il revient aux opposants et à tous les démocrates sincères de se mobiliser pour créer les conditions en vue que lesdites élections soient sincères, inclusives et transparentes. Et c'est bien possible !
Tawèye