Conference_presse_Hama_Amadou

 Au cours d’une conférence de presse tenue le mardi 22 septembre 2020, à Africa Hall, le chef de file de l’opposition a craché ses vérités, de façon crue comme il sait le faire. Le processus électoral, notamment la volonté de l’interdire de prendre part à l’élection présidentielle, la gouvernance démocratique, la gestion des ressources, la pauvreté, l’école nigérien, l’agriculture, etc., tout, pratiquement, a été abordé au cours de ce face-à-face qui a duré plus d’une heure d’horloge. Hama Amadou a parlé, comme diraient les Ivoiriens. Des vérités qui glacent certaines ambitions et plombent des projets, concoctés sur une volonté machiavélique de remporter les élections sans rien faire d’autre que d’imposer un code électoral taillé sur mesure, une Commission électorale et une Cour constitutionnelle qu’ils attendent de voir agir en lieu et place des électeurs.

Processus électoral : L’article 8, une bombe à retardement pour le Niger

L’article 8 du code électoral est, selon toute vraisemblance, une bombe à retardement qui risque d’emporter l’apparente mais fragile stabilité sociopolitique du Niger. Cet article 8 souligne que « sont exclues des listes électorales les personnes condamnées à un an d’emprisonnement ferme ». Une disposition qui vise précisément le leader du Moden Fa Lumana Africa et chef de file de l’opposition, Hama Amadou que le Pnds Tarayya et son candidat à l’élection présidentielle redoute d’affronter dans les urnes. Pour cause ? En 2016, Issoufou Mahamadou, déjà à la tête de l’Etat, a dû faire emprisonner Hama Amadou afin de l’empêcher de battre campagne. Le prisonnier l’a, malgré tout, sans la moindre heure de campagne, contraint à un second tour qu’il n’a pu gagner qu’à sa façon, après un hold-up électoral jamais connu au Niger. Or, selon des confidences dignes de foi, le même Issoufou Mahamadou a toujours considéré qu’au Pnds Tarayya, derrière lui, il n’y a que le désert. Comment alors faire pour empêcher à Hama Amadou, très populaire, d’aller aux élections ? La solution trouvée est toute alambiquée. Lors du procès à l’issue duquel Hama Amadou a été condamné après une procédure viciée sur toute la ligne, le juge a refusé de suivre la requête du procureur de la République qui demandait la déchéance de Hama Amadou de ses droits civiques et politiques pendant cinq ans. C’est la panique au sommet du Pnds Tarayya. C’est après cet échec que le projet de code électoral va être retouché. Le texte initial de l’article 8, tel que retenu par l’ensemble des partis politiques autour du National democratic institut (Ndi), programmait deux ans de condamnation pour être exclu des listes électorales. Vite, on rattrape le texte, déjà transmis à l’Assemblée nationale, et la mouture initiale fut ramenée à un an. De façon unilatérale par les responsables du Pnds.

Il n’y a pas de peine qui soit mise en exécution sans avoir été prononcée au préalable par un juge.

Seulement, même ramené à un an d’emprisonnement ferme, l’article 8 ne règle pas juridiquement l’équation Hama Amadou. Les juristes sont formels. L’article 8 du code électoral est anticonstitutionnel. L’article 47 de la Constitution qui énumère les critères d’éligibilité indique simplement qu’il faut être Nigérien de nationalité d’origine. Et Hama Amadou est Nigérien de nationalité d’origine puisqu’il est né à Youri, à quelques encablures de Niamey et que ses parents directs y sont nés également. « Mon père, dit-il, est né à Youri et ma mère est de Niamey ». Même l’article 38 du code pénal, qui dit que, de plein droit ; celui qui est condamné à un an de prison perd ses droits civiques et politiques, est battu en brèche. L’article 10 du même code pénal pose un principe universel. Il n’y a pas de peine qui soit mise en exécution sans avoir été prononcée au préalable par un juge. C’est un principe qui est dessus de toutes les autres dispositions contenues dans le code pénal. Donc, l’article 38 ne peut s’appliquer que si le juge individualise la peine, car il n’y a pas d’automatisation en matière de droit pénal. « Le juge ne m’a pas condamné à perdre mes droits civiques et politiques », a déclaré Hama Amadou qui a indiqué que le gouvernement a déjà violé la Constitution en refusant de l’inscrire sur la liste électorale et qu’il envisage manifestement de faire de même en l’interdisant d’aller aux élections ».

Dans moins de trois mois, si rien n’est fait pour mettre un terme à cette tendance fâcheuse, le Niger risque de connaître des temps douloureux.

L’élection présidentielle prochaine, dont le premier tour est prévu le 27 décembre 2020, s’annonce, donc, sur fond de confit électoral. Les partisans de Hama Amadou, ses soutiens objectifs à travers le vaste Niger sont très nombreux et n’admettraient sans doute pas qu’on leur vole leur victoire pour une seconde fois. Le hold-up électoral de 2016 est encore dans les mémoires. Même seul, face aux électeurs, Issoufou Mahamadou a essuyé le refus des Nigériens de le reconduire à la tête de l’Etat et il a fallu passer par la méthode forte. Les Nigériens, on l’entend par-ci, par-là, ne sont pas prêts à accepter une usurpation de leurs suffrages. Or, les élections approchent à grands pas. Dans moins de trois mois, si rien n’est fait pour mettre un terme à cette tendance fâcheuse, le Niger risque de connaître des temps douloureux. Les Nigériens, de tous bords politiques confondus, sont très nombreux à faire le pari que Hama Amadou est l’homme qu’il faut pour diriger le Niger. Leur sympathie va au leader de Lumana au nom des situations difficiles qu’il a su déjà gérer au mieux des intérêts du Niger. En 1995, comme au début des années 2000, c’est lui qui a su tirer le Niger de situations économiques presque désespérées.

Laboukoye