Mouvement_syndical_nigerien_de_1945_a_1991_Issoufou_BOUBACAR_KADO_MAGAGI

Synthèse de notre intervention au 60 ème  anniversaire de l’Union des Syndicats des Travailleurs, du Niger, l’USTN, le 25 septembre 2020, à l'hôtel Radisson Blu de Niamey:

 En Afrique de l’Ouest, le syndicalisme a connu un développement particulier, il a été plus politique qu’industriel contrairement en Europe.
Le prolongement du pluralisme syndical international a atteint L’Afrique de 1945 à 1955.

EN France, nous avions: la Fédération Syndicale Mondiale(FSM),  Confédération Internationale des Syndicats Libres(CISL), Confédération Mondiale du Travail(CMT), la Confédération Générale du Travail (CGT), la Confédération Générale du Travail Force Ouvrière (CGT /FO), la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT).

EN BELGIQUE : la Fédération Générale des Travailleurs Belges (FCTB),  la Confédération des Syndicats Chrétiens Belges(CSC) :

EN AFRIQUE : la Confédération Générale des Travailleurs Africains  (CGTA), la Confédération Générale des Travailleurs Force Ouvrière (CGTA/FO), la Confédération Africains des Travailleurs Chrétiens (CATC).

A la fin  de la dernière guerre mondiale le non-respect de la promesse solennelle de la décolonisation avait amené certains progressistes africains à s’organiser pour réclamer avec insistance :

  • la suppression du travail forcé,
  • la suppression du système de fourniture obligatoire
  • l’outorisation du droit de création des partis politiques
  • l’obtention du droit de création d’organisations syndicale,
  • la promulgation d’un code de travail en faveur des travailleurs salariés.
  • C’est ainsi qu’en  1946 fut créé  le Rassemblement Démocratique Africain, le RDA.


En 1956 la loi cadre ( loi GASTON DEFFERRE) fut promulguée. Cette loi interdisait le travail forcé.

En 1957 l’Union Général des Travailleurs de l’Afrique Noire, l’UGTAN,  qui défendait  la cause de l’Indépendance immédiate, fut  créée.

L’Union Panafricaine des Travailleurs Croyants (UPTC) qui défendait la cause de la communauté française fut également créée dans la foulée.

Au referendum Gaulliste de 1958 le  RDA éclata, Djibo  Bakary avait fait campagne pour  «  le non »  , Diori Hamani avait fait  campagne pour « le oui ».

En 1961 le groupe politique dit de CASABLANCA vit le jour. Puis une centrale syndicale panafricaine appelée, Union Syndicale Panafricaine, USPA, qui regroupait en son sein les tendances syndicales internationales à savoir : la Fédération Syndicale Mondiale, la FSM, la Confédération Internationale des Syndicats Libres, la CISL, et la Confédération Internationale des Syndicats Chrétiens, la CISC,  fut créée.
Avec la création du groupe politique dit de MONROVIA en 1962, seuls les groupes FSM sont restés dans l’USPA qui sera pratiquée dans les pays du groupe de CASABLANCA.

Les tendances CISL et la CISC se retrouvaient dans la Confédération Syndicale Africaine (CSA) créée par le groupe de MONROVIA.

En dehors de l’USPA  ET DE  CSA, certaines Centrales Syndicales Africaines étaient restées autonomes. Ce n’est qu’en 1973 qu’elles s'étaient ouvertes en vue de la réalisation de l’unité syndicale africaine. D’où la création de l’Organisation de l’Unité Syndicale Africaine, l’OUSA. Tous les anciens groupements syndicaux : Union Panafricaine des Travailleurs Croyants, l’UPTC, Union Syndicale Panafricaine, l’USPA, la Confédération Syndicale Africaine, la CSA et autres centrales autonomes étaient  venus se fonde pour créer l’OUSA.

 Si dans les pays européens le mouvement syndical avait  évolué dans la révolution industrielle, chez nous en Afrique il avait pris forme dans la lutte politique.
 Dans la lutte politique pour la décolonisation des anciennes colonies, le mouvement  syndical avait joué un rôle important, il était à ‘avant-garde de toutes les lutte.

La mouvement syndical avait donné au Niger ces premiers dirigeants politiques .
La majorité des dirigeants politiques nigériens avaient passé par le syndicalisme avant de venir  à la politique.
 Nous pouvons citer quelques noms pour bien illustrer cette affirmation :  Djibo Bakary, Hima Dembélé, Farka Maiga, Mamani Abdoulaye, Ahounou Mouhirou, Moussa Maharou , Boukary Mareni, Traoré Saloum , étaient des grands membres influents de l’Union des Syndicats Confédérés du Niger, USCN/CGT , proche de l’UDN/SAWABA,  Diori  Hamani , était secrétaire général adjoint du syndicat unique des enseignants, il avait  quitté cette fonction pour s’orienter vers la politique en juillet 1955, à l'occasiondu congrèsde Maradi .
Labo Hanafi, fut un membre influent de l’Union Autonome des Syndicats du Niger,  Issa Ibrahim dirigeait l’Association des acheteurs d’arachide de traite de Zinder, affiliée au Syndicat des Employés Africains du Commerce, des Banques, des Entreprises Privées et l’Industrie, le SECIN.

L’Histoire du mouvement syndical nigérien est liée au processus général de la  colonisation et de sous-développement que connait l’Afrique  francophone.

Au NIGER le syndicaliste militant adroit et agressif n’était encore qu’un « individu » d’une espèce assez rare qui aurait même tendance à rencontrer une certaine méfiance voir une certaine hostilité de la part de ses congénères….. ».
Telle est la situation du mouvement syndical d’après cet extrait d’un rapport confidentiel de la 4ème brigade d’AOF (État-major 2ème bureau N° 625/2/RENS 12) mis à jour le 1er octobre 1955.
Donc dans les années 1955 un seul leader avait  émergé malgré l’abondance des syndicats et d’associations diverses. Il s’agit de DJIBO BAKARY, qualifié de chef de classe par les colons.

Il ne nous serait pas possible de traiter ici en détail de toute l’histoire du mouvement syndical nigérien. C’est pourquoi nous nous limiterons à étudier les principaux syndicats des travailleurs et employés qui avaient  existé au Niger.

Dans une première partie nous étudierons l’histoire, la situation et l’évolution des différents syndicats et unions syndicales de 1958 à 1960, puis, l’histoire de la centrale syndicale nigérienne UNTN devenue par la suite USTN, de 1960  à 1976, ensuite de 1976 à 1989, en fin de 1989 à 1991.



HISTOIRE DU MOUVEMENT SYNDICAL DE 1958 A 1960

A l’avènement de  la proclamation de la République du Niger, DIORI HAMANI était le premier président de  la République, l’U.G.T.A.N avait  connu un éclatement en raison du retrait de certains de ses affiliés qui estimaient que l’U.G.T.A.N était de tendance  communiste.
C’est ainsi que les syndicats des pays du conseil de l’entente (Côte d’Ivoire, Haute Volta, actuelle Burkina Faso,  Dahomey, actuelle Benin, et  Niger) se retirèrent de l’U.G.T.A.N. orthodoxe de SEKOU TOURE. Les gouvernements de ces pays ont créé des unions syndicales nationales sans relation avec l’U.G.T.A.N orthodoxe de SEKOU TOURE.

Compte du tenu des relations syndicats partis à cette période, un syndicaliste appartenant aux partis P.P.N.R.D.A en l’occurrence RENE DELANNE,  avait  été chargé de mettre en place l’union des travailleurs du Niger (U.N.T.N) dont le premier congrès s’était  tenu à Niamey le 25  septembre 1960

L’EVOLUTION DU MOUVEMENT SYNDICAL DE 1960 A 1976 (U.N.T.N)

L’Union Nationale des Travailleurs du Niger la centrale (U.N.T.N) naquit donc  le 25  septembre 1960. Elle a aujourd’hui 60  ans.
Le secrétaire général RENE DELANNE se trouvait ainsi « entre le marteau et l’enclume ». En effet, appartenant au P.P.N –R.D.A,  il ne pouvait démarquer la politique de la centrale syndicale de celle du gouvernement.

De 1960 à 1974, il n’y aurait pas incompatibilité entre les fonctions politiques et les fonctions syndicales.

La première crise de l’U.N.T.N éclata en 1969 quand le bureau exécutif demanda à tous les militants travailleurs de boycotter la fête du 1er Mai 1969 pour protester contre la dégradation du pouvoir d’achat des travailleurs.
Avec l’acceptation par le gouvernement d’augmenter le SMIG à la veille de la  grève, un accord fut trouvé et le défilé eut lieu le 1er Mai 1969.

En septembre 1969 se tint à Niamey le 6ème congrès de l’U.N.T.N.
Comme il fallait s’y attendre, les autorités politiques avaient organisé d’avance l’éviction du camarade RENE DELANNE. Il fut remplacé par le Camarade SIDDO HASSANE en septembre 1969.

Entre 1969 et 1974 le bureau exécutif de l’U.N.T.N s’était montré très passif face arrestations et tortures dont ont été victimes certains professeurs et étudiants. En dehors des interventions auprès des employeurs. Il n’existait pratiquement pas d’activité syndicale.

Le 8ème congrès fut tenu en septembre 1974. A l’issue de ce congrès des jeunes syndicalistes regroupés autour du camarade AHMED GARBA avec le soutien des enseignants et étudiants faisaient leur entrée dans la direction syndicale. Le 5 Août 1975 à l’issue d’une réunion  ordinaire du bureau exécutif de l’U.N.T.N et à la suite d’une discussion houleuse entre les membres du bureau exécutif, neuf camarades démissionnèrent tandis que six autres demeurèrent  fidèles à AHMED GARBA.

En octobre 1975, le camarade AHMED MOUDDOUR fut élu en congrès extraordinaire secrétaire général de l’U.N.T.N.

En mars 1976 un coup d’Etat fut  déjoué, le camarade AMED MOUDDOUR est impliqué, il fut exécuté avec ses compagnons : MOUSSA BAYERO, ISSAKA DAN-KOUSSOU, SIDI MOHAMED,IDRISSA BOUBE  etc.… Sanoussi Tambari DJACKOU et Ilili TARI BAKO avaient été relaxés.

En 1976 au 9ème congrès extraordinaire le sigle U.N.T.N devient USTN  (Union des Syndicats des Travailleurs du Niger). Le camarade BOUREIMA MAINASSARA fut élu secrétaire général.



SITUATION DU MOUVEMENT SYNDICAL NIGERIEN DE 1976 A 1989

Afin de concrétiser le changement dans la conduite des affaires syndicales née des assises du 9ème congrès statutaire de septembre 1976, une réorganisation radicale tant au niveau de la structure qu’à celui de l’orientation s’opéra.

De nouvelles structures furent créées : les commissions spécialisées et les sections au niveau des chefs-lieux des départements. Contrairement à la politique du « suivisme» entre 1960 et 1974 une charte fut adoptée avec un contenu digne d’une organisation syndicale. Le préambule de la charte stipulait clairement que l’U.S.T.N se voulait une centrale indépendante de tout pouvoir politique en place.

Malgré la pratique de la participation responsable de 1978 à 1990 l’U.S.T.N n’avait  pas encore atteint le stade souhaité au plan de son organisation structurelle à cause de la carence de la quasi-totalité des syndicats affiliés ainsi que de ses sections.

D’autres facteurs résidaient dans l’impossibilité pour le congrès de choisir des responsables qui même s’ils ne sont pas syndicalement bien formés, ont au moins la foi et la vocation nécessaire pour se dévouer au syndicalisme. D’où la nécessité de s’intéresser à la différence entre la lutte syndicale des années 1990 et la lutte syndicale actuelle.

La différence entre la lutte syndicale d’années 1990 et la lutte syndicale actuelle :

La lutte syndicale des années 1990, a bénéficié de l'unité du mouvement syndical, une seule centrale syndicale existait, émergeait, Union des Syndicats des Travailleurs du Niger, USTN, avec 26 syndicats affiliés.
L’appartenance politique d'un dirigeant syndical n'a pas d'influence sur les motivations à la lutte pour la défense des intérêts matériels et moraux des militants.
Cependant, en réalité les clans déjà existaient dans les années 1978/ 1979, d'une part, un clan des inconditionnels du camarade Boureima Mainassara autour duquel gravitaient , les camarades : Mohamed Moussa, Kadri Kalla, Issou Chaibou, Ibrahim Mayaki , Irène Meon , Sahabi Barthé, Bello Amadou , Jafarou Dodo , Namagaré Harouna, Ekadé , Saadi Alkassoum,  ,la liste n'est pas exhaustive et d'autre part un autre clan autour du camarade Laouali Moutari , composé des camarades : Goumar Allassane, Mme Bagna Aissata, Brah Oumarou , Mansour Dado, Moctar Ballaré, Mme Ibrahim, Touré, etc. . Le camarde Abdou DIOUGA sans l’apport duquel le journal « MA AYKATCHI » ne saurait prospérer,  semblerait garder sa neutralité par rapport aux clans.
 Telle était la situation du mouvement syndical nigérien en mars 1979 quand nous avions fait notre entrée dans la lutte syndicale à travers le Syndicat National des Impôts et Trésor, le SNIT, dont nous avions été le secrétaire général.

À l'avènement de la 2ème République, l'USTN prônait la participation responsable, grâce à la participation responsable son secrétaire général, le camarade Boureima Mainassara avait été coopté pour être député national et membre du Conseil Supérieur d'Orientation, Nationale, le CSON, dirigé par le général Ali Chaibou.
Avec le départ du camarade Boureima Mainassara, le camarade Laouali Moutari assurait l'intérim du camarade Boureima Mainassara lorsque la tuerie des étudiants nigériens avait eu lieu le 9 février 1990. C'était le point de départ entre autres, de la rupture avec la participation responsable et de la lutte pour la tenue de la conférence nationale souveraine et de la proclamation du multipartisme intégral au Niger.

Le camarade Boureima Mainassara s'était senti d’ailleurs  trahi par le clan de Laouali Moutari qui l'avait lâché au profit de l'avènement de la 3ème république.

 En réalité le clan de Laouali Moutari n'avait pas de choix, il devrait suivre le courant de l'histoire ou se faire évincer par le nouveau clan qui s'était formé suite à la tuerie du 9 février 1990. C'était un clan composé des jeunes syndicalistes très dynamiques et bien organisés. C'était ainsi que le bureau dirigé par le camarade Laouali Moutari avait bien compris, bien manœuvré et bien conduit la lutte des travailleurs jusqu'à l'avènement de la conférence nationale souveraine et du multipartisme intégral.

Nous nous rappelions encore, certains camarades qui étaient contre l'arrivée des jeunes syndicalistes, avaient suggéré nuitament au Président Ali Chaibou de régler le compte à certains d'entre nous, comme le fut son homologue du Mali , le Général,  Moussa Traoré à l'égard de certains activistes maliens, le général Ali Chaibou, en tant qu'homme de décrispation ,  avait décliné l'offre de certains faucons de son régime, il avait dit : " laissez- les ! Ils voulaient la démocratie, ils l'auront, je ne vais tirer sur personne ! "
Donc avec la concrétisation du multipartisme les divisions s'étaient exacerbées au sein du mouvement syndical. Évidemment avec l'infiltration des syndicats par certains anarcho-syndicalistes, l'unité du mouvement syndical s'était retrouvée sérieusement affectée.
En effet, une lettre de désaffiliation de certains syndicats à l'USTN, signée par le camarade Issou Chaibou , en 1993 ,  avait fait  ressortir au grand jour le germe de la division qui existait déjà . C'était pendant cette période que nous avions été élu secrétaire général Adjoint de l'USTN, donc adjoint à Ibrahim Mayaki , certains camarades  avaient été battus par vote à bulletins secrets, ils avaient alors décidé de quitter le congrès et avaient décidé de poursuivre leur réflexion sur la création d'une nouvelle centrale syndicale.  
Avant le multipartisme intégral, l'USTN, était la seule centrale syndicale avec 26 syndicats affiliés.
Depuis la proclamation du multipartisme, plusieurs partis politiques étaient créés. Par la suite plusieurs syndicats étaient également crées à l'ombre de certains partis politiques.
Avant l'avènement du multipartisme la lutte syndicale se faisait dans l'unité malgré quelques problèmes qui étaient réels. Il faudrait reconnaître que même au sein du bureau exécutif de l'unique centrale, il y avait certaines réticences par rapport à l'exigence de la tenue de la conférence nationale souveraine et de l'exigence du multipartisme intégral formulée dans le discours du 1er mai 1990 par l'USTN. Ce discours avait été rédigé par un comité essentiellement composé des syndicalistes en activité.
Nous nous souvenons encore, du conseil syndical de Goudel, qui avait permis aux syndicats du comité des six de se réconcilier avec la centrale syndicale, grâce à la vigilance de certains camarades. (Camarades : Bazoum Mohamed, Sabo Saidou, Mohamed Moussa, Ibrahim Boubacar, Moussa Oumarou dit MAO etc.) Même en 1990, la tâche n'avait pas été facile, il avait fallu beaucoup de patience, et de stratagèmes pour y parvenir.
Nous avions beaucoup souffert des actions de sabotage de certains anarcho-syndicalistes et des petits partis politiques de l'extrême gauche.
Avant l’avènement de la conférence nationale souveraine, il n’existait pas de multipartisme au Niger, un seul parti Etat dominait la scène politique, le Mouvement National Pour la Société de Développement, le  MNSD,  avec l’autorisation du multipartisme, le Parti Etat était  devenu MNSD/NASSARA. Les partis politiques nouvellement créés étaient à la remorque de L’USTN, toutes les décisions importantes du cadre de lutte se prenaient au siège de l’USTN, jusqu’à la tenue de la  conférence nationale souveraine,  aujourd’hui c'est l'effet inverse, les syndicats sont à la remorque des partis politiques.
À notre avis la lutte syndicale telle que nous l'avions menée ne peut plus être rééditée aujourd'hui. Les choses ont changé, le contexte n'est pas le même, les partis politiques ont infiltré les syndicats.
Avec  quatorze  centrales syndicales, dont certaines sont dirigées par des chômeurs, des retraités, des camarades à la solde du patronat, il n'est pas facile aux jeunes responsables syndicaux de bien conduire la lutte comme nous l'avons vécue dans les années 1990.
Nous ne connaissons pas autrefois des grandes divergences, de tendances. Certes il y avait quelques petits partis politiques d'extrême gauche qui avaient tenté d'infiltrer les syndicats, en vain, aujourd'hui ces petits partis d'extrême gauche n'existent plus du fait de leur manque de réalisme et de mesure.
Seuls les grands partis politiques dominent la scène syndicale, aujourd'hui, une triste réalité. Le secteur de l'éducation en lui seul, compte aujourd'hui près de 143 syndicats, en 1990 il y avait un seul syndicat très agressif et efficace, le SNEN.
Dans notre secteur des finances publiques, en 1990 il y avait un seul Syndicat, le Syndicat National des Impôts et Trésor, le SNIT,  qui émergeait, aujourd'hui nous avons près de six syndicats dans le secteur des finances publiques. Le SNIT avait connu plusieurs dénominations.
Dans le secteur de la santé publique, en 1990, un seul syndicat émergeait, le  syndicat unique de la santé et de l’action sociale, le SUSAS, aujourd'hui, nous ne connaissons plus le nombre exacte, ils sont près d'une vingtaine.
 Les difficultés résident au niveau de la diversité de plusieurs syndicats qui n'arrivent pas à s'entendre sur une plateforme revendicative commune et les actions de luttes.



À notre époque les décisions d'aller en grève ou de signer des accords avec les partenaires du gouvernement ou du patronat, étaient prises en réunion, mais depuis que certains anarchistes ont infiltré les syndicats, ces derniers ont des difficultés à retrouver leur cohésion car les anarchistes n'ont pas le même agenda que les syndicats.
Au sein du mouvement syndical nigérien, il existe aujourd'hui des jeunes courageux animés de bonne volonté et du courage, mais les contraintes à l'efficacité de leurs actions sont liées aux ingérences politiques dans les affaires syndicales. Il y a trop d'intrigues.
Des syndicalistes comme : ceux SNEN,  de la CNT, ceux du SUSAS, SYNPHAMED, SNECS, certains affiliés  de la CDTN, pour ne citer que ceux-là, sont en train de lutter, donc nous ne pouvons pas généraliser et dire que les syndicats ne sont pas dynamiques.
À la création de la Confédération Démocratique des Travailleurs du Niger, la CDTN, nous étions hors du Niger mais nous avons bien suivi les péripéties grâce à nos contacts avec les syndicats du secteur des finances publiques qui sont aujourd'hui tous affiliés à la dite centrale.
Aujourd'hui les choses ont avancé,  elles sont  claires, la CDTN est d'obédience PNDS/TAREYYA donc d’obédience socialiste.
Certains camarades soupçonneraient la CNT d'être d'obédience libérale, elle n’a rien dit à ce sujet.
Nous avions été  édifiés  avec l'avènement des élections professionnelles car beaucoup des centrales syndicales disparaîtront d'elles-mêmes.
Pour le moment, seules cinq centrales syndicales sont déclarées représentatives suite aux premières élections professionnelles.
Au Niger à notre connaissance, l'incompatibilité entre être membre d'un bureau d'une structure syndicale et être membre du bureau d'une structure d'un parti politique est consacrée dans la majorité des statuts et règlements intérieurs des syndicats des travailleurs.
Donc l'incompatibilité entre fonction politique et fonction syndicale est claire dans les statuts et règlements intérieurs des organisations syndicales.
Le fait d'être militant d'un parti politique de l'opposition ou d’un parti politique au pouvoir ne doit avoir aucune influence sur une lutte syndicale digne de ce nom.

LA SITUATION  DU MOUVEMENT SYNDICAL DE 1989 A 1991

Le Syndicat National des Enseignants du Niger (S.N.E.N) fut le premier syndicat pendant l’année 1989 -1990 à  donner  le ton pour un syndicalisme de mobilisation et de lutte conséquente. En effet, ce dernier déclencha du Jeudi 19 octobre 1989 au 26 octobre 1989 une grève largement, suivie sur toute l’étendue du territoire national par les enseignants en vue de protester contre la politique éducative du gouvernement en général et en particulier contre la suspension de leurs indemnités et des salaires des auxiliaires. Suite à une rencontre entre  le bureau exécutif du S.N.E.N, dirigé par IBRAHIM MAYAKI, le chef de l’Etat de l’époque, le général ALI CHAIBOU est revenu sur sa décision, un compromis avait été trouvé.

Il  y a 30 ans, les étudiants nigériens avaient organisé une marche pacifique, le 9 février 1990, pour réclamer les meilleures conditions de vie et d’études, cette marche avait été violemment réprimée par les forces de l’ordre du pouvoir de la 2ème République, trois étudiants avaient été tués, Maman Saguirou, Alio Nahantchi , Issaka Kainé et plusieurs blessés graves avaient été enregistrés.

L’USN a été toujours à l’avant -garde de la lutte pour le triomphe de la démocratie au Niger et le respect des libertés publiques.
Nous nous  rappelons encore de  l’important travail que nous avions  effectué avec l’USN à l’époque, dirigée par Moussa TCHANGARI et Boubacar SABO.
La tuerie de 9 février 1990, avait provoqué une gigantesque marche de protestation suivie d’un grand meeting à la place de l’Unité (rond-point de l’ENA), le 16 février 1990. Toutes les organisations Socioprofessionnelles étaient présentes pour réclamer que la justice soit faite.
Après le meeting de protestation, les manifestants s’étaient recueillis auprès des tombes des martyrs aux cimetières musulmans de yantala, de Niamey.
Depuis lors une tradition s’était installée à l’occasion de l’anniversaire des événements du 9 février 1990, des cérémonies des commémorations suivies des prières pour le repos des âmes des martyrs sont organisées sur toute l’étendue du territoire national.

La marche du 16 février 1990 avait été filmée par le journaliste GREMAH BOUCAR, correspondant de la voix de l’Amérique au Niger. Il avait eu des petits soucis avec les services des renseignements de l’époque, grâce à la prompte réaction des  forces démocratiques, il avait vite retrouvé sa liberté, son film lui avait été restitué.

Le 20 mars 1990, un gigantesque meeting fut organisé par les forces démocratiques, les principaux animateurs du meeting étaient l’USN et L’USTN. A l’occasion de ce meeting, le camarade Laouali Moutari, Rabiou Daouda, Bachir ATMANE, Boucary Bouja, Mohamed Moussa , Moussa Tchangari et Issoufou Boubacar KADO , chacun en ce qui le concerne ,  a apporté sa contribution pour le lancement explicite de la revendication de la démocratisation du pays .La foule était galvanisée par ces différents orateurs qui se succédaient sur le toit de la Toyota  4X4 de l’USTN . Nous apercevions  du toit de la voiture, le cameraman de la police qui nous filmait  à partir du toit de la direction générale de la police.
Le 1er mai 1990 à l’occasion du discours de la fête du travail , l’USTN a exigé des autorités de  la 2ème république  l’instauration du multipartisme intégral au Niger .
Le mouvement de protestation avait pris une grande ampleur et s’était transformé en une revendication d’ordre politique et économique.

Suite aux tergiversations du bureau exécutif de l’USTN à conduire la lutte avec vigueur, un comité composé de six structures syndicales avait été spontanément mis en place pour porter le flambeau de la lutte, allumée  par les étudiants. Ce comité était composé de : l’Union des Scolaires Nigériens (USN), le Syndicat National des Enseignants du Niger (SNEN), dirigé par le camarade Ibrahim Mayaki, paix à  son âme, le Syndicat des Impôts et Trésor(SNIT),( éclaté aujourd’hui en trois structures syndicales, SNAT, SNAI et SNAF)dirigé par le camarade Issoufou BOUBACAR KADO, le Syndicat des Enseignants Chercheurs du Supérieur (SNECS), dirigé par le camarade Bachir Atmane, le Syndicat du personnel  de l’hydraulique et de l’Equipement Rural(le SNAHER ),dirigé par le camarade Namata, Bonnet Rouge et le syndicat Unique du Personnel des Ressources Animales ( le SUPRA) dirigé par le camarade  Abdou MAIGANDI, paix à son âme .
Au fur et à mesure que la lutte avançait , le comité s’élargissait, il était devenu un comité de neuf avec l’arrivée : du Syndicat des Travailleurs des Bâtiments et  des Routes (SYNBAROUTE) dirigé par le camarade SEKOU, paix à  son âme , du Syndicat du Personnel Administratif et Technique  de l’Université de Niamey (SYNPATUNI), dirigé par  les camarades Amadou et Maiga, et le Syndicat Nationale des agents de l’Agriculture du Niger ( SNAAN), dirigé par les camarades Halidou et Marou .
 Le syndicat des Agents des Douanes , le SNAD, dirigé par Ibro Ayouba avait été également d’un grand apport dans la suite de la lutte .
Le conseil Syndical de GOUDEL avait été le point de départ de la réconciliation entre le comité de neuf Syndicats et le bureau exécutif de l’USTN. En effet, après des débats très houleux, avec les interventions très habiles des camarades : Bazoum MOHAMED, Moussa OUMAROU, Ibrahim BOUBACAR, Seidou SABO, Mohamed MOUSSA, etc. Il avait été demandé au comité des six  Syndicats  signataires de l’appel à la mobilisation, accusant  le bureau exécutif de L’USTN  d’être  corrompu, de présenter des excuses au bureau exécutif de l’USTN.
Le comité avait donné suite  à la demande de la plénière, en contrepartie le bureau exécutif  de l’USTN avait retiré sa plainte contre le comité des six  Syndicats auprès de la justice. Les choses étaient  rentrées dans l’ordre, le bureau exécutif de l’USTN avait repris le chemin de la lutte.
Des conférences débats étaient organisées et animées par des éminentes personnalités : Le Professeur Abdou MOUMOUNI DIOFFO, paix à son âme , savant en énergie solaire, Ancien Ministre Léopold Kaziendé, paix à  son âme, Son Excellence DJIBO BAKARY , leader du parti SAWABA, ancien chef du gouvernement du Niger, ancien syndicaliste craint par les colons, paix à son âme,  Dr BEN ADJI, économiste au ministère du plan, paix à  son âme, SAO MARANKAN, ancien magistrat, paix à  son âme etc.
Depuis les évènements du 9 Février 1990 et la grande marche du 16 Février 1990, la réunion du bureau exécutif de l’U.S.T.N était élargie aux secrétaires généraux des syndicats affiliés pour les raisons d’efficacité dans la lutte. Les réunions étaient présidées par le camarade Laouali MOUTARI, Secrétaire Général de l’U .S.T.N .
Malgré les arrestations et menaces d’emprisonnement proférées à l’endroit des responsables syndicaux, notamment l’arrestation du camarade Issoufou BOUBACAR KADO, Secrétaire Général du Syndicat National des Impôts et Trésor (SNIT) et de son adjoint, Amadou MAIRIJIA, paix à  son  âme,  Sanoussi Tambari Djackou , Bello Tchousso , paix à son âme , etc , en  juin 1990, les travailleurs nigériens et les scolaires avaient soutenu avec enthousiasme et détermination toutes les luttes engagées pour le triomphe de la démocratie et l’avènement d’une conférence nationale souveraine et sereine.

Nous avons encore en mémoire : les sketches animés par les infatigables  Boubé Namaiwa et Noura pour galvaniser la troupe à la place de la concertation, des orateurs de talents, Afela Farouk, Kaka Doka, Zakaria Abdouramane, Sayabou dit TSA, Hima, etc.
Que du bon vieux temps, des  souvenirs des luttes syndicales glorieuses et des amères défaites qui donnaient des tonus pour aller de l’avant  jusqu’à l’obtention du multipartisme intégral, le 15 novembre 1990,  et de la tenue de la conférence nationale souveraine du 29 juillet 1991 au  3 novembre 1991.
Les luttes étaient axées sur deux objectifs : économique et politique.
Sur le plan économique : le mouvement syndical avait mobilisé comme seul homme tous les travailleurs et scolaires en vue de revendiquer  notamment la levée des mesures adoptées par le gouvernement portant atteintes aux maigres salaires et au  faible  pouvoir d’achat des travailleurs.
La revendication avait porté également sur la levée de la mesure remettant de nombreux auxiliaires à la disposition  des collectivités territoriales déjà déficitaires.
Suite aux différents meetings et marches de protestation les travailleurs et les scolaires avaient dénoncé la gabegie et l’enrichissement illicite de ceux qui dirigeaient le pays.
Des projets du régime tendant à privatiser des sociétés bien portantes comme la S.N.T.N, l’O.F.E.D.E.S, la NIGELEC, la S.N.E, la SONIDEP et de mettre encore au chômage d’autres camarades avaient  été violement critiqués à la place de la concertation (lieu des grands meetings de protestation).
Au plan politique: l’U.S.T.N avait  demandé au gouvernement de juger les auteurs du massacre des étudiants et élèves du 9 Février 1990 et de faire la lumière sur les évènements de TCHNITABARADEN  et avait exigé que justice soit faite.
Et enfin l’organisation d’un débat qui permettra à tous les nigériens à travers des cadres démocratiques de se retrouver autour d’une même table et de penser avec sérieux les conditions pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvait  le Niger.
Sur le plan politique malgré l’évolution de notre démocratie en dents de scie, nous pouvons dire que la démocratie est en marche au Niger car aucun régime ne peut la remettre en cause. Cependant sur le plan économique beaucoup reste à faire.
L ‘ histoire retiendra que le Programme d’Ajustement Structurel, le PASS, rejeté, avait  passé un an après la tenue de la conférence nationale souveraine, d’où les limites de certaines recommandations et décisions de la conférence nationale souveraine.

 La lutte doit être  poursuivie par la génération montante en y innovant  avec des nouvelles formes de lutte en tenant compte de la réalité du terrain.
 Car l’unicité de cadre de lutte  et la solidarité agissante entre les forces vives de la  nation dont a bénéficiés  notre génération, se font défaut aujourd’hui à cause de la diversité des objectifs et des certaines influences exercées par les organisations politiques sur certaines  organisations de la société civile.
D’où la nécessité de travailler avec abnégation pour l’unité des forces vives de la nation en vue de tenir  bien le flambeau allumé  par la génération précédente,  en vue de continuer la lutte pour la  sauvegarde des acquis  démocratiques et des respects des libertés publiques.

CONCLUSION

Cette évolution historique du mouvement syndical nigérien nous a permis de dégager les principales étapes  qu’il a parcourues en dents de scie.
De 1946 à 1947 il existait d’une part une union syndicale très influente et combative (union des syndicats confédérés du Niger U.S.C.N/CGT) dirigée par DJIBO BAKARY et d’autres par un ensemble d’Unions ou de Syndicats divers peu actifs. La création d’une centrale syndicale dénommée Union Générale des Travailleurs d’Afrique noire (U.G.T.A.N.) en 1957 consacra l’unité et l’autonomie du mouvement syndical africain des territoires sous domination française dont le Niger faisait partie.
Malheureusement ce regroupement ne fut que de courte durée avec l’avènement des pays africains à l’Indépendance à cause des rivalités politiques. D’où la création de l’union des travailleurs du Niger la centrale syndicale (U.N.T.N) en septembre 1960, devenue en 1976 au 9ème congrès Union des Syndicats des Travailleurs du Niger (U.S.T.N).
Malgré la diversité des organisations syndicales de 1946 à 1957, toutes unies ont lutté pour arracher les acquis que nous avons aujourd’hui : le code du travail, la sécurité sociale, les congés payés, les allocations familiales, la protection contre les accidents du travail, les maladies professionnelles, les retraites vieillesse, les indemnités de licenciement etc.…

De 1960 à 1974 la centrale syndicale U.N.T.N n’a pas pu s’affirmer à cause des relations parties syndicats (U.N.T.N-P.P.N/R.D.A).

De 1974 à 1978 nous avons assisté à des tentatives en vue de rompre avec le passé syndical très léthargique et donner une nouvelle orientation à la centrale U.S.T.N. Au 10ème congrès tenu à Niamey du 25 au 30 septembre 1978, l’U.S.T.N opta pur une politique de participation responsable c'est-à-dire une politique de dialogue de concertation et de construction tout en gardant son autonomie vis-à-vis du pouvoir en place.
 C’est à partir de 1989, après avoir surmonté habilement de nombreuses difficultés et surtout ses contradictions internes dues à la diversité des syndicats qui le composent, que le mouvement syndical nigérien a pris ses responsabilités devant l’histoire et les travailleurs comme ce fut le cas en 1953.
 Soutenue par le climat de décrispation qui sévissait dans le pays, le réalisme du Général Ali Chaibou,  le vent de démocratie qui soufflait dans le monde entier cette détermination a trouvé consécration.
Ainsi l’U.S.T.N avait intensifié les luttes pour la défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs qui étaient gravement compromis à cause de la situation socio-économique difficile : mais surtout pour l’instauration de la démocratie au Niger. C’est dans ce contexte que le pouvoir de la 2ème République a été contraint à autoriser la création des partis politiques et l’organisation d’une conférence nationale souveraine.
Maintenant qu’il est clairement établi que la victoire n’est acquise que dans l’action et dans l’unité, les travailleurs nigériens  ne devront jamais oublié ces facteurs essentiels (unité, abnégation) aux succès des luttes engagées depuis 1990.
Enfin,  pour éviter que le mouvement syndical ne soit soumis aux influences contradictoires des partis politiques. Il serait très souhaitable que les responsabilités dans les bureaux exécutifs nationaux des partis politiques soient considérées comme incompatibles avec les responsabilités au sein des bureaux exécutifs nationaux des syndicats, de leurs sections, sous-sections et de la centrale.
«Car au sein d’un mouvement syndical digne de ce nom. Il n’y a pas et il ne saurait avoir de place pour les compromissions, ni pour les tricheries qui sont monnaie courante de plusieurs formations politiques ».
Comme disait le Doyen, DJIBO BAAKARY,  le 6 novembre 1990 (à la conférence syndicale tenue devant la Bourse de Travail). Ce qui n’exclut pas un débat permanent contradictoire pour aboutir à des compromis nécessaires et acceptables pour toutes les parties.

La problématique qui se dégage est de savoir  comment organiser les luttes efficaces dans l’unité d’action,  étant donné que  le nombre des centrales syndicales ne fait que s’accroitre    (au nombre de quatorze  actuellement)  et surtout certaines  sont créées de toutes pièces par  des  partis politiques ?

Par  Issoufou BOUBACAR KADO MAGAGI