Les députés de l’opposition de Niamey et de Tillabéry interpellent le Premier ministre, Brigi Rafini, sur la démission de son gouvernement face à ses obligations constitutionnelles

Les pluies diluviennes, cette année, ont provoqué de graves inondations, un peu partout, au Niger. De Niamey à Agadez, en passant par N’guiguimi et Ayerou, ces inondations ont occasionné des pertes en vies humaines, animales et matérielles et précipité des milliers de ménages dans des écoles, vivant dans des conditions jurant d’avec leur dignité ; une dignité pourtant protégée par l’article 11 de la Constitution selon lequel « la personne humaine est sacrée. L’État a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger ». C’est cette situation, poignante à plus d’un titre, que les députés de l’opposition de Niamey et de Tillabéry, les régions les plus affectées par ces inondations, ont tenu à dénoncer en interpellant le Premier ministre, Brigi Rafini, sur la démission de son gouvernement face à ses obligations constitutionnelles. Absence d’anticipation, démission totale, refus délibéré de porter assistance à des populations laissées à elles-mêmes, sevrées de tout soutien de l’État dans des conditions extrêmement difficiles, le pouvoir en fin de mandat d’Issoufou Mahamadou ne peut mal finir. Lisez plutôt.

Niamey, le 1er octobre 2020

Les honorables députés de l’opposition de Tillabery et Niamey

A

Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement- Niamey

Objet : lettre ouverte

Excellence,

Comme vous le savez, cette année, les fortes précipitations ont occasionné des inondations d’une rare violence au Niger. Les zones de la région du fleuve notamment les régions de Tillabéri et de Niamey ont été de loin les plus affectées. Avec la crue exceptionnelle du fleuve, les différentes visites de terrain que nous avons effectuées nous ont permis de toucher du doigt l’ampleur réelle des dégâts caractérisés par des pertes en vies humaines, des destructions généralisées des aménagements hydroagricoles, des ouvrages et des cultures, l’effondrement des habitations; des villages entiers engloutis, des milliers d’animaux emportés, des réserves pour la période de soudure entièrement détruites; bref, partout ce sont des scènes effroyables de désolation et de désespoir.

Cette situation a jeté plusieurs milliers de ménages regroupant plus de 150 000 personnes dans une précarité indescriptible qui tranche d’avec les valeurs de dignité que notre Loi fondamentale reconnait aux citoyens nigériens.

Nous avons également été consternés et atterrés de constater un manque total d’anticipation du gouvernement en dépit des alertes répétées des services compétents sur l’exceptionnelle pluviométrie de cette année et les risques y afférents.

C’est bien pourquoi, seules les salles de classes épargnées par la calamité ont pu servir à la hâte de refuge, dans une désorganisation totale, à ces familles en détresse, entassées comme du bétail dans une promiscuité qui viole leur intimité, leur intégrité et leur dignité. C’est aussi pourquoi certaines familles ont préféré, en désespoir de cause, ériger elles même des abris de fortune pour échapper à la violence des eaux et faire face aux intempéries alors qu’elles étaient dans le dénuement total.

C’est également pourquoi ces populations ont été obligées de se rabattre sur les pirogues malgré les dangers potentiels afin d’assurer leurs déplacements et subvenir ainsi à leurs besoins les plus pressants car coupées de tout. On dénombre à ce sujet d’ailleurs plusieurs cas de décès par noyade.

Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement ; L’absence d’anticipation et de prise en charge de ces évènements dramatiques qui est une faute politique et morale condamnable et impardonnable n’est pas la pire chose que nous dénonçons aujourd’hui, mais l’impression d’un refus délibéré de porter assistance à toutes ces populations laissées à elles- mêmes, sevrées de tout soutien de l’Etat dans des moments extrêmement difficiles. De manière unanime, le constat est la démission totale des pouvoirs publics face au drame vécu par des nigériens durant de longs mois. Seule la générosité de certaines Organisations Non Gouvernementales et des bonnes volontés permettent à ces concitoyens de survivre tant bien que mal, dans des conditions d’humiliation qui jurent d’avec nos valeurs culturelles.

Ce faisant, Excellence Monsieur le Premier Ministre, votre Gouvernement a délibérément violé l’article 11 de notre Constitution qui stipule : « La personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger ».

L’heure est grave !

Les bilans de principe et autres déclarations d’intention doivent laisser la place à des actes concrets et salutaires pour nos concitoyens qui ne savent plus à quel saint se vouer.

Pour toutes ces raisons et en notre qualité de représentants du peuple ayant relevé avec indignation cette situation de fuite de responsabilité, de manque de compassion et d’insouciance du Gouvernement que vous dirigez, nous vous interpellons et vous mettons face à votre devoir politique et moral qui vous impose de considérer à sa juste gravité la situation de désastre qui affecte nos concitoyens et qui exige des mesures proportionnelles et urgentes.

Ont signé :

  • Adamou SEYDOU
  • Amina ABDOU SOUNNA
  • Assoumi TAHIROU
  • Boureima KARIMOU
  • Garba HIMA
  • Hamadou ILLIASSOU
  • Kadi ZAKARI
  • Karimou NIANDOU
  • Nassirou HALIDOU
  • Oumarou MOUMOUNI DOGARI
  • Ramatou HIMA
  • Soumana HASSANE
  • Soumana SANDA