La démocratie malmenée au Niger : Issoufou Mahamadou, une fin de mandat sur fond dictatorial

Le processus électoral nigérien est en train d’accoucher d’un monstre. Hama Amadou, le candidat du Moden Fa Lumana Africa et chef de file de l’opposition a été recalé, mais Bazoum, dont les actes d’état-civil sont de toute évidence faux a passé, haut la main. Il est candidat pour briguer la magistrature suprême. Un destin bien singulier pour cet homme qui a obtenu un jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance le 10 juillet 1985 avec une fausse identité et qui, dès le lendemain, s’est arrogé le privilège d’avoir un certificat de nationalité avec les mêmes coordonnées. Sur son acte de naissance, Mohamed, son frère aîné, un ancien goumier aujourd’hui décédé – paix à son âme – lui tient lieu de père et Hadiza, sa belle soeur, l’épouse du même Mohamed, est passée pour la mère. Une fraude grossière qui s’est répétée sur le certificat de certificat qui lui confère la nationalité nigérienne. Avec cet acte, Bazoum s’est fait conférer la nationalité d’origine car acquise par une mère, virtuelle, qui, elle, est nigérienne, née d’un ascendant nigérien. La fraude est d’autant plus grossière que Hadiza, présentée comme sa mère sur ces documents, est née en 1944, soit 16 ans avant la naissance de Bazoum. Or, ce dernier est le cadet d’une famille de sept enfants. Mohamed, Fatouma, Amar, Ali, Ahamadou, Mariam et Bazoum lui-même. Comment, alors, les Nigériens se demandent, le candidat du Pnds peut avoir vu le jour en 1960 d’une mère qui est née en 1944 et qui a eu six autres enfants avant Bazoum ?

Faire dans la continuité, c’est perpétuer l’injustice, l’impunité pour les auteurs de détournements de biens et deniers publics, l’indulgence vis à vis du trafic de drogue et de ses auteurs, etc.

Bazoum peut, donc, s’estimer heureux et être fier de ses soutiens politiques. Ceux qui savent qu’il n’a pas qualité à briguer la magistrature suprême, mais qui ont décidé de l’imposer comme tel. Fortement contesté pour cette fausse identité, jusque dans les rangs du Pnds Tarayya dont il est issu, Bazoum vient de faire mentir tous les pronostics qui le donnaient pour le dindon de la farce. Si ces documents d’état-civil sont faux, il a toutefois plus fort que ceux qui contestent son éligibilité.

Il l’a prouvé et il ne reste plus aux Nigériens que de se préparer à une gouvernance pire que celle d’Issoufou Mahamadou. D’ailleurs, le poulain a maintes fois déclaré qu’il compte s’inscrire dans la continuité. Se rendil compte de l’insulte qu’il fait aux Nigériens ? Il n’en a cure. Le plus important à ses yeux, c’est de bénéficier du soutien du Président Issoufou. Le reste ne compte pas. Or, faire dans la continuité, c’est perpétuer l’injustice, l’impunité pour les auteurs de détournements de biens et deniers publics, l’indulgence vis à vis du trafic de drogue et de ses auteurs, la confiscation des libertés publiques, la permanence de l’insécurité, etc.

Celui qui compte succéder à Issoufou Mahamadou, avec le plein soutien de celui-ci, est un partisan de la force

Sur toute la chaîne, le processus électoral nigérien est l’incarnation de la primauté de la force sur le droit. Tout s’est fait par la force.

Le pouvoir en place n’a même pas peur de violer la Constitution, les lois et règlements. Leur foi réside dans cette assertion : « la raison du plus fort est la meilleure ». Bazoum, le joker d’Issoufou Mahamadou, l’a d’ailleurs déclaré formellement. « Faites comme au Togo pour espérer changer le rapport des forces ». Tout est dit dans cette déclaration qui a fait sensation en son temps. Il est dès lors clair pour de nombreux observateurs que celui qui compte succéder à Issoufou Mahamadou, avec le plein soutien de celui-ci, est un partisan de la force. Pour lui, les choses sont claires. Si vous n’avez pas la force d’en imposer à l’autre, vous devez vous taire et subir. Conclusion, la dictature sous Bazoum, sera encore plus féroce que celle que les Nigériens ont subie durant 10 ans avec Issoufou.

La dictature nuit autant à celui qui le subit qu’à celui qui l’exerce.

Un président imposé ne peut gouverner que dans la dictature. Et même lorsqu’elle est soigneusement enrobée dans de beaux discours et l’existence d’institutions qui ne valent pas grandchose comme c’est le cas sous la 7e République, il n’est pas difficile de percevoir le caractère autocratique de la gouvernance. Or, la dictature nuit autant à celui qui le subit qu’à celui qui l’exerce. L’usage de moyens de coercition, de la force publique, notamment, pour imposer des hommes et des institutions non issues de la volonté populaire peut se révéler improductive, voire contre-productive. Les élections prochaines, quel que soit l’issue, accoucheront d’institutions- monstres.

Doudou Amadou