En attendant que la Cour constitutionnelle proclame les résultats définitifs du premier tour de l’élection présidentielle du 27 décembre 2020, les Nigériens ont l’attention tournée vers les alliances électorales éventuelles. Et les rumeurs, de toutes sortes, pleuvent. Sur les réseaux sociaux, la guerre de communication est sans merci. Quand les uns écrivent que Bazoum est déjà assuré du soutien des partis politiques convoités et que le second tour n’est plus qu’une formalité, d’autres ripostent en soutenant que le 21 février 2021, le Niger entier votera Mahamane Ousmane pour mettre un terme au règne de l’injustice, des pillages des ressources publiques, de la corruption, etc. Un concert auquel Bazoum Mohamed, en personne, a mis fin, à sa manière. Dans une interview express qu’il a récemment accordée à la chaîne de télévision Africa 24 et relayée sur les réseaux sociaux, Bazoum Mohamed, le candidat du pouvoir, a tenu des propos sibyllins qui tendent à conforter la thèse du « Tout sauf Bazoum ». Interrogé sur l’éventualité d’un « Tout sauf Bazoum » qui pointe à l’horizon, le candidat d’Issoufou Mahamadou a répondu qu’il n’y aura pas de « Tout sauf Bazoum » et pour l’étayer, il soutient que le Pnds, à lui seul, détient 80 sièges de la future Assemblée et que ça vaut son pesant d’or ». Et lorsque le journaliste lui fait remarquer qu’il va falloir qu’il aille au-delà des 39% des voix qu’il a obtenues pour espérer gagner, Bazoum, manifestement à l’étroit, répond qu’il mise sur ses voix et sur la faiblesse de son adversaire. Connaît-il vraiment son adversaire ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est certain, c’est qu’il a, au détour de ses réponses, confirmé avoir échoué dans l’obtention de soutiens supplémentaires au second tour.

Les propos de Bazoum ont sonné comme un aveu de son impuissance à convaincre le Mpr Jamhuriya et le Mnsd Nassara

À la question du journaliste qui lui fait remarquer qu’il un troisième, un quatrième, un cinquième et que, si tout ce beau monde faisait bloc derrière son adversaire, Bazoum a laissé entendre que s’ils faisant bloc ensemble, ça voudrait dire que « nous, nous formerons le gouvernement pendant 18 mois et eux seraient relégués à l’opposition ». Une déclaration par laquelle Bazoum confirme qu’il est manifestement isolé dans cette course aux alliances et que le « Tout sauf Bazoum » est plus proche de la concrétisation que du fantasme. Les propos de Bazoum ont sonné, en tout cas, comme un aveu de son impuissance à convaincre des partis comme le Mpr Jamhuriya et le Mnsd Nassara qu’il représente le meilleur parti pour eux et pour le Niger. Il promet la continuité, clame-t-il.

Or, la continuité est synonyme de très mauvais souvenirs pour ces partis dont il convoite le soutien.Partis déstabilisés et instrumentalisés, méprisés et confinés à un rôle d’applaudisseurs, le Mnsd Nassare et le Mpr Jamhuriya ont subi un traitement inamical qu’on ne réserve pas à un allié politique.

L’échec résonne dans les propos tenus par le candidat d’Issoufou Mahamadou sur Africa 24.

La gouvernance publique est encore pire. Le Niger est gangrené par la corruption, le trafic de drogue, les malversations financières, etc. Des valeurs tels que l’unité nationale, la cohésion sociale et le vivre- ensemble sont mis à rudes épreuves. Les libertés publiques sont confisquées, la justice est instrumentalisée au point que, ouvertement, de grandes juridictions comme la Cour constitutionnelle sont accusées de parti pris. L’invite de Bazoum à une continuité de la gouvernance actuelle a, donc, quelque chose d’insolite. En principe, chercher et obtenir un deal quelconque avec un des partis politiques convoités est voué d’avance à l’échec. Cette mission, Bazoum et ses parrains l’ont tentée. Mais elle a manifestement échoué et cet échec résonne bien dans les propos tenus par le candidat d’Issoufou Mahamadou sur Africa 24.

C’est, donc, en fin de compte, Bazoum qui a confirmé le « Tout, sauf Bazoum ». En apportant, certes, de façon implicite, une réponse qui coupe désormais court aux spéculations politiques, Bazoum facilite la tâche, notamment, au Mnsd Nassara et au Mpr Jamhuriya qui, par respect aux convenances politiques, jugent utile d’attendre la délibération de la Cour constitutionnelle avant de décider de toute alliance électorale. Il a claqué la langue là où les partis et leaders politiques interpellés ont préféré tenir leurs langues en attendant la proclamation des résultats définitifs du premier tour. Malgré le dément public apporté par le Mnsd Nassara quant aux rumeurs d’un ralliement à Mahamane Ousmane, Bazoum Mohamed a déjà parlé. Et tout le Niger a compris.

Doudou Amadou