La fonction de président de la République est sublime, très noble et très exigeante, mais surtout difficile à honorer par tous les hommes qui ont la chance de l’assumer. Voici dix ans qu’Issoufou Mahamadou préside aux destinées du Niger.

Avec lui, par le discours qu’il a eu à l’opposition, les Nigériens avaient naïvement cru que le Niger aura une gouvernance différente, meilleure. Mais il n’en est rien : ils ne virent rien du Lion – Zaki – sobriquet dont on le flattait sinon que de garder ses traits de violence pour faire mal notamment par l’injustice qui a caractérisé sa gestion et violence économique qui a détruit le pays et enrichi ses proches. Jamais l’on n’a compté autant de voleurs et de délinquants, de grands bandits d’Etat, d’acteurs de gros poils de l’économie criminelle que sous son régime et pire, jamais, une telle pègre ne put répondre de ses crimes, assurée de vivre sous sa protection car incapable de sanction contre ceux qui, de son camp, commettent des fautes, se rendent coupables de crimes. Pourquoi donc peut-il avoir tant de faiblesse pour ce monde qui ne l’aide pas pourtant à marquer l’histoire par la promotion de valeurs de justice et de vérité qui peuvent honorer son passage à la tête de l’Etat pour laisser la postérité – l’Histoire – parler en bien de lui et de son passage à la tête de l’Etat ? Cette exigence morale, politique et républicaine, commande de l’élévation pour se mettre au dessus de la mêlée et pouvoir aider, dans cette posture, à préserver la cohésion et la paix sociale dans le pays.

Il est dommage de constater, au dernier moment tant de voix qui s’élèvent, souvent hypocritement, pour appeler à la tenue d’élections apaisées, quand depuis des années, ils peuvent voir la manière cavalière par laquelle le processus est conduit, sans aucune volonté de dialogue et de consensus, laissant par leurs silences coupables, la situation se dégrade jusqu’à ce que, depuis des jours, sinon des semaines, les positions se cristallisent, exposant le pays à de graves dérapages. Le président sortant luimême, s’en est-il préoccupé quand on peut voir son indifférence calculée affichée face à la détérioration du climat politique aujourd’hui exacerbée par tant d’extrémismes qui trouvent portant leurs racines, dans le passé par la liquidation du cadre de dialogue politique, par la volonté de son régime d’écraser des hommes, de faire de l’injustice le pilier central de sa gouvernance, laissant ainsi les colères se fermenter dans le peuple. Et on peut voir depuis des jours, à l’occasion de la campagne qui vient de finir, des signes qui effraient.

Tout le monde sait que le problème nigérien réside en l’injustice instituée par la Renaissance qui a fait de ce pays et de sa démocratie, la propriété privée d’une camarilla arrogante et irrespectueuse de l’autre pour lequel elle n’a que du mépris, excluant des pans importants dont les opinions ne doivent plus compter dans la gestion du pays et de sa démocratie. C’est dans un tel climat que depuis des jours, le président sortant, sans doute agacé par l’inconfort dans lequel son candidat s’est planté, pataugeant dans le rejet d’un peuple qui se réveille enfin, ne pouvant plus convaincre des populations qui ont dit clairement depuis des mois, leur désir incorruptible de changement. Peut-être, a-til pensé, pour éviter la catastrophe qu’il fallait courir au secours de son poulain quand les alliances qu’il aurait nouées à son profit ne semblent pas à mesure de lui éviter la débâcle annoncée. En tout cas, depuis quelques jours, courant d’un lieu à un autre avec le beau prétexte d’inaugurer pont, route et marché, le président qu’une élégance politique aurait pu confiner dans son palais à observer à distance le jeu électoral, perdant ainsi ses sérénités, semble ne plus être capable d’avoir cette conduite magnanime, s’en mêlant presque car, on l’aura compris, c’est lui qui a voulu de ce candidat, souvent contre la volonté de la majorité du parti qui aurait aimé, le jeu de primaires au sein du parti pour trouver le leadership capable de rassembler et défendre toutes les forces du Pnds-Tarayya dont beaucoup d’entre elles, déçues de la manière, n’expriment aucun enthousiasme pour ces élections dont l’enjeu est crucial pour le Niger et pour sa démocratie. Issoufou Mahamadou a sans doute peur de perdre derrière le candidat qu’il téléguide et ce d’autant plus aussi, qu’en face, il peut voir venir les hommes auxquels il aura fait plus de mal dans le pays, ceux contre qui, tout son pouvoir, en dix années d’acharnement, avait été déployé pour leur nuire.Mais le président Mahamadou Issoufou peut se rendre compte que l’inauguration d’un troisième pont à Niamey ne peut aider son candidat dans cette circonscription définitivement acquise à l’opposition et donc au candidat Mahamane Ousmane. Pas même à Goudel qui a aussi des comptes à régler à ce régime aujourd’hui moribond. Mais c’est à Tahoua qu’on peut comprendre, comme le lui reproche le candidat du RDR-Tchanji, que le président sortant, semble, dans cette démarche maladroite, peu correcte politiquement en une période de campagne électorale, par laquelle il s’autorise de sortir sous la lumière pour mener ces activités que tous les observateurs s’accordent à confondre à une campagne déguisée, menée tambour battant, peut être pour sauver Bazoum Mohamed du naufrage ? Comment ne pas le croire d’ailleurs quand, faisant le bilan des infrastructures que son régime a réalisées, comme pour justifier dans quel esprit se fait son déplacement depuis des jours dans le pays, il parle, comme son candidat dont c’est le slogan de campagne, de «consolider» mais se gardant de parler de «continuer» pour brouiller des pistes. Mais tous les analystes avertis ont compris l’enjeu de ces inaugurations propagandistes qui ne visent ni plus ni moins qu’à sauver un candidat – le sein – qui a aujourd’hui du plomb dans l’aile avec un Seyni Oumarou aujourd’hui vomi par les bases qui ne peuvent le sauver de la débâcle. On aura par ailleurs compris que dans les comparaisons auxquelles il s’était livré, l’intention était de justifier la «continuité» que prêche son dauphin naturel derrière lequel se cache le Fils devenu invisible dans son aventure. Zinder, Diffa, Maradi, Dosso, Tillabéri et Niamey, totalement acquises au changement, forcément, feront la différence surtout quand on sait qu’ Agadez et Tahoua devront être âprement disputées dans ces élections cruciales, on ne peut plus difficile pour un candidat qui, en vérité, était peu préparé à l’aventure qui est venue comme pour le surprendre. Et lui-même pouvait le dire, confiant qu’il n’avait jamais rêvé d’un destin présidentiel auparavant. Mais l’appétit est venue récemment pour l’en saouler et ivre de vertigo, l’homme vivant depuis des jours la gueule de bois à la suite de sa dernière cuite, peut enfin retrouver des lucidités pour comprendre que tout devient pour lui difficile. Disons le mot : impossible. Et le rêve se brise.

Ces sorties assez osées en un moment aussi tendues du fait d’une campagne électorale faite d’intolérance et d’extrémisme, ne peut nullement arranger la situation quand, au même moment, on pousse des structures à se prononcer par rapport à ces élections et surtout à appeler à un comportement pacifiste de la part des électeurs et des acteurs politiquement alors que – et tout le monde le sait – sa parole sincère à demander et à exiger la transparence autour de ces élections, pourrait mieux décrisper l’atmosphère et plus facilement que ces voix souvent lugubres commandées qu’on entend, téléguidés elles aussi, peu crédibles auprès des Nigériens. Mais on comprend bien pourquoi, depuis des jours, le président Issoufou ne cesse de courir dans tous les sens, oubliant que la grosse erreur est d’avoir choisi de coopter ce candidat qui, à défaut d’être celui de la France, serait certainement celui de l’International socialiste, et ce dans l’ignorance des tares qu’il traine et qui, au-delà de l’article 47 en débat, a cette autre tare qui fait que l’homme est incapable de fédérer le parti autour de lui, pire, d’avoir une parole publique qui soigne son image d’homme d’Etat qui pourrait aspirer à la fonction suprême. Cet homme, par le caractère qui est le sien, ne peut jamais se départir de ses élans partisans pour être un «président de tous les Nigériens». C’est depuis le lancement de sa campagne au Centre de Conférence Mahatma Gandhi que l’on peut lire chez le candidat de la continuité dans les malaises et les souffrances quelques doutes. Il a sans doute compris que le peuple est fort ; qu’il est plus fort que son parrain. Et chaque jour qui passe ne fait que conforter ce sentiment chez l’homme qui a fini, selon bien de confidences à en être irrité, au point d’être souvent désagréable vis-à-vis d’alliés qui ne peuvent lui être d’aucune efficacité pour le délivrer de l’effondrement de ses espérances récentes d’un sacre escompté au soir du 21 février, devenues chimère.

Il est évident qu’au regard des mobilisations que l’on a vues autour du candidat de l’Opposition, porteur de changement, il y a de quoi vivre un désarroi et surtout de la hargne dont fait montre l’opposition à s’investir dans ses élections pour refuser à tout prix – l’expression est exacte – toute maldonne dans ces élections.

Une action qui ne change rien au sort d’un candidat mal parti qui semble définitivement scellé. Les Nigériens ont fait le choix d’un changement. Et la situation est d’autant tragique pour la continuité qu’au sein même de son parti, des voix discordantes, discrètes, disent ne pas voter pour le candidat rose, imposé.

Puis, dans toutes les régions, des bases importantes de ses alliés, avaient clairement dit qu’elles voteront pour Mahamane Ousmane, le candidat du changement, de la sagesse, de la responsabilité. De l’espoir aussi.

Par les intimidations du régime et de ses suppôts, on aura compris que la peur a changé de camp et que convaincu de ne plus avoir une maitrise de la situation, il ne peut être tenté que de braquer ces élections, une option dangereuse car l’Opposition, par la parole de ses leaders et de ses militants, ne se laissera plus faire, décidés à ce que la vérité et la sincérité des urnes soient protégées, défendues. Vaille que vaille.

Et le Niger, est à un tournant crucial.

Un vent tourne. Terrible.

A.I