Comme pour désavouer le jury qui lui a attribué le prix Mo Ibrahim, à la grande et scandaleuse surprise de ses concitoyens, Issoufou Mahamadou s’échine à faire de ses derniers jours au pouvoir, un véritable cauchemar pour ses concitoyens qui vont devoir boire le calice jusqu’à la lie. Les interpellations, procès à la va-vite et incarcérations se succèdent au rythme de la tragédie qui semble se nouer petit à petit. A la moindre occasion, protestation, dénonciation ou simple avis d’opinion, on gaze, embastille et jette en prison. L’après-midi du lundi 15 mars 2021 a été également marquée de gaz, d’embastillement et d’incarcérations. Regroupées à la devanture du siège du Rdr Tchandji, les femmes des partis membres de la CAP 20-21 et alliés ont décidé de faire, là, un sit-in, jusqu’à la libération de tous les prisonniers politiques. Mal leur en a pris. Elles ont été copieusement gazées et dispersées. Les leaders, dame Bayard et dame Maïzama, ont été embastillées avec d’autres femmes et conduites à la police judiciaire. Sans autre forme de procès. Pourtant, elles n’ont ni occupé la chaussée, ni entrepris la moindre manifestation bruyante et intempestive. Encore moins, une marche qui aurait pu être assimilée à une volonté de troubler l’ordre public.
Le pays pourrait brusquement basculer dans l’instabilité et les troubles.
L’arrestation de madame Bayard, de la dame Maïzama et d’autres femmes s’inscrit dans une logique d’intimidation du pouvoir en place ; une sorte de mise en garde quant à l’intolérance qu’il observerait en cas de contestation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, attendu avec anxiété par les Nigériens des deux bords. Si personne, au Niger, ne se faite la moindre illusion quant à l’épilogue de cette attente, il reste que l’inquiétude est réelle. Le pays pourrait brusquement basculer dans l’instailité et les troubles. Déjà, à la suite de la proclamation des résultats globaux provisoires par la Ceni, Niamey a été marquée par des manifestations violentes qui ont duré quatre jours. La proclamation des résultats définitifs, qu’ils sois en faveur de Bazoum Mohamed, le candidat du président Issoufou, ou de Mahamane Ousmane candidat de CAP 20- 21 vont être la goutte d’eau qui fera déborder le vase.
Mahamadou Issoufou ne mérite pas ce prix, mais il l’a déshonoré aussitôt qu’il l’a reçu
Vu de l’extérieur, les Nigériens se demandent comment le jury du prix Mo Ibrahim et ceux qui ont applaudi cette consécration du président Issoufou, peuvent expliquer cette propension à gazer, à interpeller et à jeter en prison. À une poignée de la fin du mandat d’Issoufou Mahamadou, ce réflexe, qui n’a rien de surprenant pour les Nigériens, est tout de même une belle gifle du récipiendaire au Jury et à la fondation Mo Ibrahim. « Le bilan de l’heureux récipiendaire du prix Mo Ibrahim n’est pas seulement médiocre en matière sociale ; il l’est également en matière de respect des droits et libertés, quotidiennement bafoués », a écrit Moussa Tchangari, acteur de la société civile nigérienne. Quoi de plus juste. Le gazage et l’interpellation des femmes des partis de l’opposition en sit-in devant le siège du Rdr Tchandji ne peuvent être interprétés que comme la primauté de la force sur le droit. La fondation Mo Ibrahim en est forcément ridiculisée. Selon nombre de voix entendues ici et là, non seulement Issoufou Mahamadou ne mérite pas ce prix, mais il l’a déshonoré aussitôt qu’il l’a reçu. Preuve que d’autres considérations malsaines ont été mises en avant pour le lui attribuer.
La fondation Mo Ibrahim dans l’embarras
De l’avis de nombreux Nigériens, la fondation Mo Ibrahim doit impérativement, pour préserver sa crédibilité, s’il lui en reste, retirer ce prix attribué à Issoufou Mahamadou. Le gazage et l’interpellation de femmes paisibles qui n’ont commis aucun crime, aucun délit que d’exprimer leurs opinions, est un acte probant de déni des droits humains. L’histoire retiendra que le prix Mo Ibrahim a été décerné à un homme, un chef d’Etat en exercice qui gaze, interpelle et jette en prison à tout vent. Un chef d’Etat chez qui on dénombre plusieurs prisonniers politiques et d’opinion. Dans cette tragédie nigérienne se joue, selon toute vraisemblance, l’avenir d’un prix que l’on a considéré prestigieux jusqu’à ce que, du moins pour les Nigériens, il soit attribué à Issoufou Mahamadou. Et c’est cette même histoire qui se chargera de souffler sur la poussière ocre qui couvre la gouvernance scabreuse qui a prévalu au Niger au cours des années qui s’achèvent. La fondation Mo Ibrahim doit être certainement dans l’embarras. Elle n’a pas d’autre choix que de retirer ce prix et d’en justifier la décision. Dans le cas échéant, elle en prendra pour toute une vie.
YAOU