A une décade, à a peine, de ses 100 premiers jours à la tête de l’Etat, Bazoum Mohamed est pris au piège de ses discours et de ses premiers pas. S’étant rapidement démarqué des façons de faire de son prédécesseur, Bazoum Mohamed a réussi le tour de force de le distinguer comme différent de Mahamadou Issoufou. Au bout de deux mois… et quelques propos et actes suffisamment réfléchis pour ne pas susciter quelque admiration au sein de l’opinion nationale. Les Nigériens en parlent comme d’un gage de la volonté de Bazoum de gouverner différemment. Il a tenu des discours et a posé des actes tendant à conforter les Nigériens dans la sincérité de ses propos. Seulement, des observateurs avertis indiquent qu’il risque gros dans ce jeu mi-figue mi-raisin. Il a placé la corde trop haut pour s’en sortir à bons comptes. En parlant, notamment de son dessein contre la corruption et les détournements des deniers publics, Bazoum a surtout fait monter les enchères par rapport aux attentes de ses compatriotes visà- vis de sa gouvernance. Des attentes qui, selon une lecture lucide des faits et des considérations politiques, pourraient toutefois être déçues.
Les dossiers dans lesquels l’Etat a été spolié de ses ressources et de ses intérêts sont si nombreux qu’il n’a pas d’excuses pour ne pas se mettre très vite à l’ouvrage.
Depuis qu’il a claqué la langue pour confirmer, devant les organisations de la société civile, sa volonté de mener une lutte sans merci contre la corruption et les infractions assimilées, Bazoum Mohamed est attendu avec impatience sur les dossiers à grands scandales. Ses compatriotes sont nombreux à douter de sa volonté de mener cette lutte à bien. Il n’a pas encore trois mois à la tête de l’Etat mais il risque d’être jugé pour inertie et/ou complicité passive. Bazoum, il est vrai, n’a pas beaucoup de temps pour prouver sa bonne foi. Les dossiers dans lesquels l’Etat a été spolié de ses ressources et de ses intérêts sont si nombreux qu’il n’a pas d’excuses pour ne pas se mettre très vite à l’ouvrage. Le récent dossier dit « affaire Ibou Karadjé » en est une illustration. Ebruitée de façon fort surprenante dès les premiers pas de Bazoum Mohamed, l’affaire Ibou Karadjé est perçue comme cette volonté tant affirmée par l’actuel locataire du Palais présidentiel. Et selon des informations dignes de foi, le rapport d’inspection devant faire le point sur le montant détourné et les réseaux de complicité est déjà sur le bureau du Président Bazoum.
Bazoum ne fait pas que face à un système qui l’a «généré» et auquel il doit tout. Il est également un acteur-clé de ce système.
Bazoum Mohamed est désormais dans un instant de vérité. Le contenu du rapport, selon les mêmes sources, ne lui rend pas les choses faciles. La responsabilité et la complicité de personnalités très proches de l’ancien président seraient en cause. Une situation fort embarrassante pour Bazoum Mohamed qui est manifestement au bout des discours. Ibou Karadjé, lui, garde prison, attendant de voir si la justice mettra aussi le grappin sur ses complices. Pour le moment, aucune interpellation du public. Pourtant, les quatre milliards de francs CFA détournés n’ont pas tous terminé dans l’escarcelle d’Ibou Karadjé. Les complices, actifs et passifs, dorment sur leurs lauriers, persuadés qu’il sera seul à payer de ses turpitudes. Les intérêts touchent à des groupes et personnalités face auxquels Bazoum Mohamed est totalement impuissant. Impuissant ? Bazoum ne fait pas que face à un système qui l’a «généré » et auquel il doit tout. Il est également un acteur-clé de ce système.
La position de Bazoum sur le dossier de la Défense est sans ambiguïté
Dans le scandale du ministère de la Défense nationale, Bazoum Mohamed, on s’en souvient, a eu une position et un discours sans ambiguïté. Face, notamment, aux étudiants de l’université Abdou Moumouni de Niamey, celui dont les Nigériens attendent réparation pour les graves préjudices causés à l’Etat et au peuple nigérien, a déclaré en substance que le ministre de la Défense nationale de l’époque, Issoufou Katambé, a menti dans ses propos, subtilement enregistrés et diffusés sur les réseaux sociaux. Bien avant, longtemps avant, que le rapport d’audit soit diffusé via les mêmes réseaux sociaux. Cette position, assumée par Bazoum Mohamed, met le doute sur ses réelles intentions face à la corruption et aux détournements des deniers publics. Un homme pareil, font remarquer les plus sceptiques, ne peut être en mesure de mener une lutte contre la corruption. D’autres dossiers, encore plus emblématiques, attendent d’être portés devant la justice et les Nigériens y accordent un prix.
La lutte contre la corruption ? Un challenge qu’il ne gagnera jamais
Bazoum ne peut ni s’en prendre à un Karidio Mamadou, ni à Hassoumi Massoudou, encore moins demander des comptes à un Pierre Foumakoye Gado pour la question, trouble, du pétrole. La liste, dans cette optique, est longue et les personnalités concernées, toutes autant puissantes et intouchables les unes que les autres. Il ne peut non plus s’en prendre aux opérateurs économiques dont il connaît mieux que quiconque les implications dans les grands dossiers sur lesquels il est attendu. Bazoum se serait-il mis la corde au cou ? A l’issue des 100 jours, ses compatriotes, fortement divisés sur le jugement à porter sur ses premiers pas, attendent de voir s’il prendra une résolution ferme par rapport à tous ceux qui sont impliqués dans le dossier Ibou Karadjé. C’est un test de vérité et les discours et les approximations ne feront pas l’affaire. En attendant, ceux qui se disent plus lucides estiment que Bazoum est entrain d’amuser la galerie et que son challenge ne restera que verbal.
Doudou Amadou