Le deux juillet dernier, le président président Bazoum a bouclé ses cent premiers jours à la tête du Niger. En d’autres temps, cela aurait été marqué d’une pierre blanche : des tabloïds à la pèle sont édités avec l’appui de la présidence. Pour celui qui avait pour thème de campagne la continuité, cela ressemble fort à une rupture. Durant ce premier trimestre, tous les actes, tous les gestes du président Bazoum sont perçus, par beaucoup, comme une résolution de rompre avec les faits et habitudes de son prédécesseur. Plus d’interminables attentes au passage du cortège présidentiel, l’allègement du dispositif, le respect des droits des citoyens par la garde présidentielle, la parcimonie dans la nomination des conseillers à la présidence, le retour à la norme administrative avec la suppression du poste directeur de cabinet dans les ministères, les déplacements au stade à l’occasion de la finale de la coupe nationale de football et à Diffa, sont autant d’actes et des décisions qui tranchent avec la gouvernance de Mahamadou Issoufou.
La très médiatisée entrée en scène de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et des Infractions Assimilées participe de cette dynamique. Les informations relatives à l’annulation de contrats passés sous le règne de Mahamadou Issoufou aussi. Sans compter les inspections d’Etat dont les conclusions sont sur le bureau du président. Et si tout cela n’est que poudre aux yeux. Juste un moyen pour détourner le regard du Nigérien qui fonde tout son espoir sur la remise à jour de tous les dossiers relatifs aux détournements sous le règne précédent. Si les premiers actes du président Bazoum ont eu le mérite de susciter l’admiration et les applaudissements des Nigériens, même de certains farouchement opposés à sa candidature lors des dernières élections, il n’en demeure pas moins que ces actes sont simplement anodins et anecdotiques. L’entrée en scène et les ‘’prouesses’’ de la HALCIA, en cette période charnière, amènent des interrogations. cette autorité a pour mission de traquer les délinquants financiers. A-t-elle les moyens humains et techniques nécessaires pour confondre les plus grands délinquants qui ont, dans le domaine du contournement du fisc, des longueurs d’avance sur les services des impôts ? Ne prend pas t-elle pas dans ses nasses que des menus fretins ? D’autant que les grandes boîtes suspectées préfèrent toujours aller au contentieux. Là, beaucoup échappent du fait même de la qualité des hommes chargés du travail d’investigations de cette autorité. Le recouvrement lui est généralement attribué. Est-ce sa prérogative ? Que font alors les fonctionnaires payés pour faire ce travail ? A qui iront les ristournes ? A moins qu’il n’y ait double ponctions.
Les agents des finances prélèveront-ils sur ces recouvrements le fameux zéro six ? Et la HALCIA des commissions ? A propos de contrats annulés aussi, un doute raisonnable subsiste. Les journaux n’en parlent qu’au conditionnel. Aucune source officielle ne l’évoque. Pourtant se serait une décision lourde de conséquence. Si l’on sait que par le passé, le Niger a été condamné à payer des dommages et intérêts à des sociétés pour ruptures abusives de contrats, il est légitime de mettre en doute ces informations qui ont eu pour mérite de semer le doute et la panique dans les rangs du parti au pouvoir. D’où la sortie de certains ténors pour réaffirmer la solidité des relations entre Issoufou et Bazoum, estimant que ces informations sont de vaines et maladroites tentatives d’opposer les deux camarades. Le plus important contrat qui aurait été ou serait sur le point d’être annulé est celui de la construction du pipe line pour le transport du raffiné de Zinder à Torodi, ville proche de la frontière avec le Burkina Faso, l’un des principaux, avec le Mali, clients de la Soraz. Ce contrat est détenu par une société d’un pays étranger. Des sociétés de ce pays ont bénéficié d’importants contrats sous le règne de l’ancien président. Des contrats qui ont fait jaser plus d’un. Et depuis quelques temps des Nigériens, et non des moindres, sont suspectés détenir d’importantes parts dans ces sociétés. C’est là que le président Bazoum est attendu par le Nigérien : démanteler tous les échafaudages ayant eu cours ces dix dernières années. Où des responsables de ce pays ont usé de leur position pour se faire riches comme Crésus au détriment du pays. Il doit aussi donner suite aux dossiers déposés par l’Inspection Générale de l’Etat ; dépoussiérer ceux en souffrance depuis Issoufou ; conduire des inspections sérieuses dans la gestion du pétrole, l’uranium, l’or ; inspecter les contrats de réalisations des infrastructures ; initier des inspections dans tous les services.
Les Nigériens lui seront éternellement reconnaissants et il sortira par la grande porte. A moins qu’il n’y ait pour seule mission d’amuser la galerie par ces actes anecdotiques, ayant pour objectif de se façonner une image d’homme du peuple et avoir une certaine légitimité après des élections tropicalisées, alors que l’avenir du Niger et se pense et se joue ailleurs. Les Nigériens ne doivent pas oublier que le PNDS a, à un moment, fait courir des informations sur son intention de garder le pouvoir pour cinquante ans. Il y a quelques semaines, il a été procédé à l’officialisation de la Fondation Issoufou Mahamadou. De part sa composition, cette fondation ressemble fort à un Présidium, à l’image des partis communistes très centralisés. Il aura probablement une mission de réflexion, d’orientation et de prise de décision. Les membres de cette fondation ont le temps, les moyens humains et financiers. Ils sont les nouveaux bourgeois qui ont amassé d’énormes richesses au cours des dix dernières années. Le président Bazoum animera la galerie, sous les applaudissements de crédules Nigériens, alors que le Présidium présidera aux destinées du pays. Jusqu’à quand ?
Modibo