Le Niger traverse sans doute une situation de gouvernance insolite. Au pouvoir depuis une décennie entière, soit deux mandats consécutifs d ’Issoufou Mahamadou et une continuité assurée avec Bazoum Mohamed, le Pnds Tarayya est curieusement l’objet de dissensions internes feutrées et dans certains cas, carrément exposées au grand jour. Les réactions inappropriées et décousues de certains militants et dirigeants du parti ne sont pas que de simples réponses justifiées. Elles traduisent dans bien des cas un malaise qui s’installe progressivement que Bazoum Mohamed prend en mains les rênes du pouvoir.
En fait de pouvoir, Bazoum Mohamed ne semble jouer que les chrysanthèmes. Le pouvoir réel est toujours entre les mains de son mentor et prédécesseur, Issoufou Mahamadou, dont les principaux gardiens du temple ont toujours pignon sur rue. Et c’est probablement pour l’enfoncer une fois pour toutes dans le crâne de ceux qui, contexte et démarche nouveaux obligent, ont cru l’ancien président enterré, que Issoufou a dû mettre les pendules à l’heure.
Bazoum Mohamed, que certains ont déjà vu dans un rôle de rectification en cours, a dû se plier aux exigences de son mentor en confirmant à leurs postes de responsabilité deux ténors du pouvoir issoufien. Les généraux Tchiani, chef de corps de la Garde présidentielle, et Chékou Koré, patron de la Direction générale de la documentation des services …(Dgdse), ont été récemment maintenus à leurs postes par le Président Bazoum Mohamed.
Bazoum Mohamed a rétabli, bien avant la célébration de ses 100 premiers jours à la tête de l’Etat, la vérité sur ses desseins de gouvernance
La confirmation des deux généraux piliers du régime est un message fort du locataire actuel du palais présidentiel. Un message à la fois pour les militants du Pnds qui ont besoin d’être rassurés et tous ceux qui espèrent voir Bazoum entreprendre d’audacieuses mesures, notamment, à l’encontre des auteurs de corruption et de détournements des deniers publics. En même temps qu’elle rassure les premiers sur les desseins prêtés à Bazoum, la confirmation des deux généraux est un acte destiné à décourager les ardeurs des Nigériens qui espèrent voir Bazoum Mohamed dans un rôle de rectification « C’est un acte sans aucune ambiguïté », a commenté un internaute. Bazoum Mohamed a rétabli, bien avant la célébration de ses 100 premiers jours à la tête de l’Etat, la vérité sur ses desseins de gouvernance.
Est-ce justement cette peur bleue qui a fait réagir Kalla Moutari et consorts ?
Pourtant, malgré tout, l ’ e n t o u r a g e d’Issoufou panique. En plus des militants de base qui s’égosillent à longueur de journée pour défendre l’hypothèse d’un Bazoum Mohamed fidèle, jusqu’aux bouts, aux moeurs du régime, inspirées et entretenus par son prédécesseur, de gros bonnets, à l’instar de Kalla Moutari, ancien ministre de la Défense nationale et de Sani Iro, ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale participent activement au débat sur les orientations présentes et futures de la gouvernance sous Bazoum. Il est vrai que depuis qu’il a amorcé un certain nombre de changements constatés, en particulier lorsqu’il a décidé du retour des déplacés dans leurs localités, Bazoum Mohamed inspire plutôt, sinon la peur, du moins, des interrogations. Des interrogations légitimes sur ce qu’il pourrait entreprendre de faire à propos des innombrables dossiers de malversations financières. Est-ce justement cette peur bleue qui a fait réagir Kalla Moutari et consorts ? Ce n’est pas impossible.
L’absolution totale pour les auteurs de malversations financières ?
La conservation du pouvoir et de ses principaux leviers, matérialisée avec le maintien à leurs postes des généraux Tchiani et Koré, est peut-être de nature à rassurer autour d’Issoufou Mahamadou. C’est une garantie sérieuse que le chef de l’Etat n’entreprendra rien contre eux. Selon des sources bien informées, leur confirmation a été arrachée de hautes discussions. Le compromis, aussi boiteux qu’il soit, permet pour le moment de sauver les meubles. Mais, ça ne saurait durer dans la mesure où les Nigériens attendent fermement le Président Bazoum qui a promis une lutte sans merci contre la corruption. Or, à moins de leur accorder l’absolution totale, ce dernier se retrouvera rapidement dans la position délicate du nouveau protecteur des prédateurs que les Nigériens attendent de voir derrière les barreaux.
YAOU