Désormais, ce n’est plus des murmures de bois, c’est officiel. Ce n’est plus « Consolider et avancer », mais plutôt « Rassembler et avancer ». C’est le journal gouvernemental qui le fait savoir dans une production consacrée aux 100 premiers jours de Bazoum Mohamed à la tête de l’Etat. Une mutation chargée de sens dans un contexte politique où le tout Niamey bruit des rumeurs insistantes sur la volonté du locataire actuel du palais présidentiel de changer de paradigmes de gouvernance. Avec cette rectification de son slogan central de campagne, c’est à une véritable remise en cause du bilan de son prédécesseur que Bazoum Mohamed procède.
Au bout de 100 jours, peut-on dire, c’est le grand revirement. Alors qu’il a promis, sûrement sans y croire, la continuité, Bazoum Mohamed vient de confirmer le break attendu de ses compatriotes qui en ont perçu les signes dès le départ. Dans ce nouvel slogan « Rassembler pour avancer », il y a non seulement une part de reniement de la logique qui a prévalu sous Issoufou, mais aussi une volonté de s’en détourner. Bazoum est conscient que la gouvernance d’Issoufou est une catastrophe. Sur tous les plans. Il n’y a, donc, aucun intérêt à le revendiquer. Et s’il ne le dit pas, c’est simplement pour une raison essentielle. Il est comptable de la gestion des 10 années d’Issoufou. Que gagnerait-il à faire du bruit alors que les actes parlent pour lui ?
Il a changé de positionnement. Il y a de fortes chances qu’il décide aussi de s’attaquer au douloureux problème des deniers et biens publics détournés. Le slogan collé à sa gouvernance le laisse entendre. Bazoum est certainement conscient qu’il lui sera impossible de rassembler sans faire droit aux préoccupations des Nigériens. Or, la préoccupation essentielle des Nigériens est liée à une lutte sans merci contre la corruption et les infractions assimilées. Une promesse ferme de Bazoum Mohamed qui tarde à prendre forme. Les auteurs de corruption et de détournements de deniers publics pullulent comme têtards dans un étang, libres et même provocateurs sur les bords. Bazoum Mohamed a 95% de chances de faire taire les critiques et rejets contre sa personne en tant que président de la République. Mais, il pourrait bien perdre le pari. Le défi qu’il doit relever n’est pas simple. Il n’est, certes, pas hors de sa portée. Cependant, il lui faut une belle dose de courage et de pugnacité pour réussir. Donner le feu vert aux poursuites judiciaires attendues des Nigériens n’est pas un acte extraordinaire qui lui est demandé. Il est le magistrat suprême et, à ce titre, garant de la justice et de la préservation des deniers et biens publics.
Contesté comme candidat pour ses pièces d’état-civil, Bazoum Mohamed veut apparemment faire la preuve que l’origine ne fait pas le bon serviteur. Son challenge, c’est de montrer à ses compatriotes qu’il pourrait être un bien meilleur parti que son prédécesseur.
Dès ses premiers pas, Bazoum Mohamed a donné l’impression qu’il ne s’accommodait beaucoup du bilan de son prédécesseur. Un bilan pour le moins embarrassant pour quelqu’un qui a l’ambition de faire démentir les faits récents. Contesté comme candidat pour ses pièces d’état-civil, Bazoum Mohamed veut apparemment faire la preuve que l’origine ne fait pas le bon serviteur. Son challenge, c’est de montrer à ses compatriotes qu’il pourrait être un bien meilleur parti que son prédécesseur. Un challenge nettement à sa portée, Issoufou Mahamadou ayant particulièrement fait enfoncer le Niger dans les abîmes, aussi bien sur le plan démocratique, qu’économique et social. Bazoum Mohamed l’a fort bien compris. Il ne lui suffira que de peu de choses pour faire la différence. Et, sans trop de bruits, il a commencé à poser des actes sans grande importance pour les questions qui taraudent l’esprit des Nigériens, mais sûrement appréciés de ses compatriotes qui n’ont pas tardé à percevoir la volonté de décalage par rapport à ce qui a prévalu durant 10 ans.
La comparaison entre les deux hommes irrite au plus haut point les dignitaires du Pnds
Les petits changements apportés dans les déplacements du président, ses rapports avec les couches socioprofessionnelles, son engagement pour la sécurité et le retour des populations déplacées..., Bazoum Mohamed n’a pas mis beaucoup de temps et d’énergie à enterrer Issoufou Mahamadou. En un temps record, l’ancien président est détesté plus que jamais. La comparaison entre l’ancien et le nouveau locataire du palais présidentiel est vite devenue le sujet principal du débat public. Cette comparaison, qui irrite au plus haut point les dignitaires du Pnds, est pourtant inévitable. Les deux hommes n’ont pas les mêmes rapports avec les deniers publics. Tout comme ils n’ont certainement ni la même approche des rapports sociaux ni du rôle de président de la République, tel que le commande la Constitution.
Un pari extrêmement difficile à tenir pour Bazoum Mohamed
En attendant de voir le contenu réel de ce nouvel slogan, réaliste pour Bazoum Mohamed, les Nigériens devisent sur l’attitude convenable à privilégier vis-à-vis du nouveau pouvoir. Si certains estiment qu’il faut nécessairement être vigilant et ne pas accorder à Bazoum Mohamed un chèque blanc, d’autres pensent qu’il est essentiel de lui accorder le temps qu’il faut pour mieux apprécier ses desseins. Un débat qui va contraindre le Président Bazoum à prendre des résolutions fermes par rapport aux grands dossiers de scandales financiers. Sa marge de manœuvre est, donc, particulièrement réduite, les conséquences de nouvelles affaires pouvant, à tout moment, l’éclabousser et ruiner le deal qu’il essaie de faire accepter à ses compatriotes. Un deal de confiance trop fragile pour ne pas agir vite selon les desiderata des Nigériens.
Laboukoye