Une machine bien huilée …
Aux législatives de 2011, sur les 113 députés que comptait le parlement, le PNDS-Tarayya, le parti du président Issoufou s’était retrouvé avec 37 sièges, suivi du MNSD-Nassara de Seïni Oumarou (26 sièges) et du MODEN FA Lumana de Hama Amadou (25). Venaient ensuite les autres partis dits « petits » qui avaient entre 8 et 1 siège.
En 2016, l’effectif de l’Assemblée nationale est propulsé à 171 députés. Le PNDS-Tarayya se taille la part du lion avec 75 sièges contre 25 pour le MODEN FA ayant supplanté le MNSD-Nassara qui a fini la course avec 19 sièges. En analysant ces résultats électoraux, l’on se rend compte que le score du principal parti d’opposition à la veille des élections de 2016 qu’était le MNSD a chuté de 5 sièges. Curieusement, le MODEN FA Lumana a conservé le même nombre de sièges qu’en 2011 et ce, malgré l’augmentation de 58 nouveaux sièges.
En extrapolant, l’on découvre que 38 des 58 nouveaux sièges créés ont échu au PNDS-Tarayya, et tout le reste est revenu à ses alliés dont certains venaient juste de créer leur parti politique comme c’est le cas du MPR-Jamhuria d’Albadé Abouba qui a récolté 15 sièges malgré qu’il soit créé quelques semaines avant les élections de 2016. Donc le seul parti politique à bénéficier de l’augmentation du nombre de député n’est autre que le parti qui a opéré cette augmentation : le PNDS-Tarayya.
Les choses ne se seraient pas passées comme prévu.
En tout cas, malgré son extraordinaire « performance électorale » illustrée par le presque doublement de son effectif à l’Assemblée nationale, l’objectif du PNDS-Tarayya n’était pas atteint. Lui, et ses alliés « inconditionnels » ne totalisaient pas les 4/5 indispensables à une révision constitutionnelle. Et c’est là que le débauchage du MNSD-Nassara s’est avéré obligatoire. Cela rappelle les hypothèses avancées, au lendemain du premier tour, par ceux qui prétendaient que le MNSD-Nassara avait été sciemment défavorisé pour être troisième. Avec son ralliement obtenu grâce à l’implication personnelle du président de la République, l’on est obligé de tenir compte de ces hypothèses. Parce qu’au vu des conditions dans lesquelles la rupture de l’alliance PNDS-Tarayya et MODEN FA Lumana s’étaient déroulée et l’inimitié sauvage qui s’en était suivie, le président Issoufou même avec ses talents hors pairs de « charmeur politique » pour faire allusion aux charmeurs de serpents savait pertinemment qu’il ne pouvait plus convaincre le parti de Hama Amadou de lui prêter main forte avec tout ce qu’il lui a infligé malgré que ce parti soit à l’origine de sa victoire électorale en 2011. Fermons cette parenthèse pour revenir à notre chronologie. S’étant rendu compte que ni l’augmentation du nombre de députés encore moins la « tropicalisation » des élections ne lui ont permis d’avoir les 4/5 nécessaire pour modifier la loi fondamentale, le Président Issoufou a fini par se tourner résolument vers le MNSD-Nassara. Et c’est justement de-là que viendra son salut. Avec le ralliement du MNSD de Seïni Oumarou, le président de la République a eu la majorité des 4/5 du parlement et a pu modifier la Constitution. Et à en croire le député Nassirou, avec cette modification opérée dans la loi fondamentale, il y a quelques jours, pour remplacer une loi ordinaire par une loi organique, c’est la porte ouverte à un règne sans limite. Voici ce que le député NassirouHalidou a confié à L’Éclosion : « puisqu’ils ont déjà modifié pour changer la loi ordinaire en loi organique qu’ils vont bientôt transmettre à l’Assemblée nationale pour adoption, et là, ils n’auront plus besoin de 4/5 mais ils n’auront besoin que d’une majorité simple pour l’adopter. Or, puisque la loi organique a cette possibilité « d’interpréter la Constitution », ils peuvent interpréter la Constitution à leur guise en se basant sur la loi organique. C'est-à-dire que la loi organique qu’ils vont transmettre au parlement peut contenir tout ce qu’ils veulent, je dis bien : tout ce qu’ils veulent. » Cette inquiétude du député est confortée par la pression exercée, au moyen de l’appareil de l’État, sur tous ceux qui osent dénoncer et condamner les agissements dictatoriaux du régime. La modification d’une dizaine d’articles de la Constitution ne peut pas être la finalité de tout ce plan machiavélique savamment cogité et exécuté avec une précision d’horloge. Un Tazartché suivra indubitablement. Tout ce qu’on ne sait pas pour l’instant, c’est quel visage il prendra. Celui du règne d’un président à vie ou d’un parti-État ?
14 juin 2017
Source : L'Eclosion