Depuis le 10 juillet 2021, le Président Bazoum Mohamed a bouclé ses 100 jours à la tête de l’Etat. Une occasion traditionnelle saisie pour dresser l’ébauche d’une nouvelle gouvernance.

Le Pnds Tarayya, parti du président Bazoum Mohamed, s’est, donc, farci d’une déclaration rendue publique, le dimanche 11 juillet 2021. Une déclaration qui a laissé paraître le malaise qui s’est installé dans les rangs du parti depuis que les Nigériens, de tous bords, se sont mis à apprécier le fossé qui semble exister entre l’ancien et le nouveau président. Mais, le malaise, manifestement, n’est rien à côte de l’angoisse du lendemain qui tenaille les auteurs de corruption et de détournements massifs des deniers publics. La crainte de voir Bazoum Mohamed se mettre à faire poursuivre les indélicats par la justice est de plus en plus forte, au regard des actes posés par l’intéressé et qui tendent plutôt à conforter chez eux l’idée d’un changement dans la gouvernance. Une perspective d’autant plus inquiétante que de très nombreux apparatchiks du parti sont impliqués dans de grands scandales financiers.

Des crimes économiques doublés, comme dans le cas de l’affaire du ministère de la Défense, de crimes de sang et de haute trahison

Pour certains Nigériens qui ont presque immédiatement réagi à la déclaration du comité exécutif national (CEN) du Pnds Tarayya, il ne s’agit ni plus ni moins que de la réaction, planifiée et organisée à dessein de ceux qui se sont rendus coupables de crimes économiques graves. Des crimes économiques doublés, comme dans le cas de l’affaire du ministère de la Défense, de crimes de sang et de haute trahison. Faut-il attendre de commencer à passer à la trappe pour faire la mise au point nécessaire ? Le Cen du Pnds n’a pas cru devoir attendre plus longtemps. Dans cette déclaration faite, officiellement pour magnifier les 100 premiers jours de Bazoum Mohamed, mais qui a servi à rappeler Bazoum luimême à l’ordre, le Cen du Pnds a péché par une grave omission sur ce qui caractérise plutôt ces 100 jours du président actuel. Ils ont mis trop le faisceau sur Issoufou Mahamadou et ses réalisations, en laissant dans l’ombre les faits et actes qui constituent la marque de ces 100 jours bazoumiens. Un discours incohérent qui n’est pas passé inaperçu.

Le CEN du Pnds a mis les pieds dans les plats.

Si les Nigériens, dans leur majorité et toutes opinions politiques confondues, trouvent dans les premiers pas du nouveau locataire du palais présidentiel des chances réelles de gouverner conformément aux attentes populaires, les membres dirigeants du Pnds Tarayya ne voient pas d’un bon oeil les pratiques inaugurées par le camarade Bazoum. Pour eux, la rupture d’avec le slogan « consolider et avancer » est clairement perceptible et ce ne sont pas uniquement l’opposition qui s’en félicite. Les militants du Pnds Tarayya sont les premiers à s’en féliciter et à le chanter, preuve qu’ils ne partagent pas ce que Issoufou Mahamadou a fait subir au Niger pendant 10 ans. Pour la plupart des Nigériens, il n’y a pas de doute que Bazoum est en train d’inaugurer une nouvelle façon de gouverner qui tranche d’avec les pratiques décriées de son prédécesseur.

En évoquant des réalisations qui n’ont rien à voir avec les 100 jours de Bazoum, tout en occultant ce qui fait le mérite de Bazoum, le Cen a effectivement fait, comme cela était pressenti, une déclaration de soutien à Issoufou Mahamadou.

La pirouette consistant à lier les deux noms tout au long de la déclaration ne peut éclabousser cette volonté.Rien, absolument rien sur tout ce qui est magnifié par les Nigériens au cours de ces trois premiers mois de gouvernance bazoumienne. Comment expliquer l’absence de la moindre référence sur ce qui caractérise les 100 jours de Bazoum Mohamed à la tête de l’Etat ?

Le Pnds Tarayya a-t-il d’autres valeurs que celles de la République, de la démocratie, de la justice, de la reddition des comptes et de l’impératif pour le président de la République de se comporter en président de tous les Nigériens ?

La question est peut-être quelque peu exagérée dans la mesure où, bien qu’il ait régné sur le Niger depuis une décennie, ce parti ne regroupe pas que de voleurs de l’Etat, de violeurs de lois, de trafiquants de drogue et autres bandits rétifs à un redressement de la gouvernance tordue que Issoufou Mahamadou a instaurée dans ce pays. Il y en a qui sont si jaloux de leur pays qu’ils sont malades de ce que Issoufou a fait subir à ce pays et à son peuple. Ces militants sont la plupart de ceux qui se retrouvent dans la nouvelle logique imprimée par Bazoum Mohamed. Une nouvelle logique qui déplaît de plus en plus dans le camp composé des prédateurs et de l’oligarchie du parti.

Le problème n’est pas simple. Bazoum Mahomed ne s’est pas encore attaqué aux intérêts claniques et/ou individuels des oligarques. Pourtant, il fait mal, très mal ou plutôt il dérange les consciences de ceux qui se reprochent des choses vilaines.

À travers les discours et les actes qui prennent totalement le contre-pied des pratiques d’Issoufou, le président actuel est d’abord celui qui, mine de rien, construit sa gouvernance, ses rapports avec ses compatriotes, les libertés publiques, etc.

Une omission volontaire qui trahit les motivations de la déclaration du Cen/Pnds

En commettant l’omission volontaire de taire les prémices de la lutte contre la corruption telle qu’il l’a promis lors de son discours d’investiture et à l’occasion de sa rencontre avec les organisations de la société civile, le Cen du Pnds a déclaré, sans le dire, son opposition à cette option du Président Bazoum. Le Cen ne s’est pas félicité de cette tendance prometteuse pour le Niger, à plus forte raison la soutenir et l’encourager. Pourtant, il n’ignore pas que c’est l’axe central des engagements pris par le Président Bazoum. Aucune allusion sur la question. Les actions d’assainissement entrevues par les oligarques du parti à travers l’affaire Ibou Karadjé ainsi qu’à travers les inspections d’Etat et de la Halcia en cours, sont visiblement perçus comme un danger qu’ils ont rapidement décidé de conjurer. Ce sont, mal malheureusement, des mérites que le Cen ne pouvait évoquer sans écorcher celui que les Nigériens croient être derrière cette machine politique contre Bazoum Mohamed.

Un rappel de rigueur à celui qui est là et qui doit impérativement respecter cet engagement d’entretenir la gabegie des ressources, les détournements massifs des deniers publics, la corruption et bien sûr l’impunité pour leurs auteurs.

Les Nigériens sont nombreux à trouver dans cette déclaration du Cen/pnds une volontaire de mettre en garde Bazoum Mohamed contre toute idée de lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Dès l’entame de la déclaration, les dés sont jetés : « Rappelant les deux mandats couronnés de succès du Président Issoufou Mahamadou et le passage de témoin historique, le Président de la République Mohamed Bazoum avait, lors de son discours d’investiture du 2 avril 2021, déclaré (je cite) : « le programme électoral que j’ai soumis au peuple nigérien, sur la base duquel j’ai été élu le 21 février 2021, s’inscrit dans la continuité du travail remarquable accompli par le Président Issoufou Mahamadou. Il en consolidera les acquis en les approfondissant et il apportera les améliorations partout où cela s’avèrera nécessaire ». Un rappel de rigueur à celui qui est là et qui doit impérativement respecter cet engagement d’entretenir la gabegie des ressources, les détournements massifs des deniers publics, la corruption et bien sûr l’impunité pour leurs auteurs. La comparaison, inévitable entre Issoufou et Bazoum face aux défis de l’heure, mais qui semble irriter les ténors du Pnds, n’est, donc, pas forcément le fait de l’opposition. Le décalage entre les façons de faire des deux est net et dans cette délcration, le Cen/pnds le corrobore.

Doudou Amadou