Dans une douzaine de jours, Bazoum Mohamed présentera son bilan annuel en tant que président de la République. Les Nigériens auront l’occasion d’apprécier ce qu’il a fait ou commencé à faire à la tête de l’Etat, à le juger et puis, bien sûr, à le condamner sans indulgence ou à l’adouber … si ce n’est pour l’exonérer des échecs constatés. Bref, il sera face à la barre citoyenne et cela, à bien des égards, sera un moment critique pour lui s’il s’inscrit dans la lignée des chefs d’Etat nigériens inspirés par la seule volonté de faire du bien à leur peuple. Auparavant, il faut se demander sur quoi va-t-il être jugé ? Bien entendu, Bazoum Mohamed sera évalué sur la base de ce qu’il a promis. Et comme le programme de gouvernance qu’il a proposé est si vaste, il est plus raisonnable, pour une question d’efficience, de le juger sur la base des promesses solennelles qu’il a faites au peuple nigérien lors de son investiture, le 2 avril 2021.
Par-delà le long panégyrique fait à Issoufou Mahamadou, encensé tout au long de son allocution, Bazoum Mohamed a pris des engagements et fait des promesses. Il a notamment érigé les questions de l’école, de la démographie galopante, de la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics, des libertés publiques, de l’accès aux soins, à une meilleure alimentation, à l’eau potable, à un meilleur habitat, au courant électrique et à de meilleures routes parmi ses priorités. Un vaste chantier qui n’autorise aucun répit, aucune tergiversation, aucune indolence bercée de discours creux et ronflants. Les défis sont clairs.
Un an après ce beau discours qu’il a tenu, Bazoum Mohamed n’a presque pas entamé ses chantiers. Le seul auquel il s’est attaqué, la lutte contre la corruption, il l’a abandonnée aussi vite qu’il l’a entamée, impuissant face aux lobbys du parti qui l’a porté au pouvoir. « Ma conviction intime est que notre pays a devant lui un bel avenir, pourvu que nous soyons en mesure d’apporter les bonnes réponses à ses défis.
Pour cela, nous avons besoin prioritairement de faire deux choses : promouvoir une bonne gouvernance et repenser radicalement notre système éducatif dans l’optique de faire de nos actifs démographiques des dividendes économiques », a déclaré le tout nouveau président de la République. Où en est-il sur ces deux axes qu’il a lui-même dégagés comme étant des préalables obligatoires. Nulle part. Non seulement, il a échoué à instaurer les fondements d’une bonne gouvernance, mais il a continué le pilotage à vue de son prédécesseur au plan éducatif. L’unique projet sur lequel il s’est focalisé, l’éducation des filles, est un morcellement de l’idée généreuse sur l’éducation. C’est dommage que le Président Baozum ait une idée aussi réductrice de l’idée qu’il a annoncé dans son discours d’investiture : « repenser radicalement notre système éducatif ».
De la lutte implacable qu’il a annoncée contre la concussion et la corruption, allant jusqu’à souligner que « quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes et que son parti politique, sa «base», sa famille, sa communauté, ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre », Bazoum Mohamed n’a absolument rien fait. Ses premières tentatives ont tout de suite été étouffées et il a tranquillement repris sa place et la mission attendue de lui : « garder le statut quo et assurer la sécurité aux apparatchiks du régime impliqués dans des malversations financières ».
« Je serai implacable contre les délinquants parce que j’ai conscience du tort que porte la corruption au développement du pays. Elle constitue par ailleurs une grave source de discrédit pour un régime et comme telle, elle est un grand facteur d’insécurité ». À ce jour, seuls quelques menus fretins se sont retrouvés en prison, jamais jugés par ailleurs. En revanche, les grands criminels courent toujours, libres de continuer leurs sales besognes et Bazoum Mohamed semble bien s’accommoder de cette situation, sans égards pour les engagements pris. Pourtant, l’homme se dit un homme de parole respectueux de ses promesses.
Les libertés publiques, notamment de manifestation, pour lesquelles il a dit et renouvelé sa volonté de ne plus les entraver, sont toujours étouffées. Quant à la sécurité, elle est toujours sujette à caution, des Nigériens continuant à être massacrés. Si le Président Bazoum a récemment séjourné en Turquie en vue de l’acquisition d’armements modernes modernes, les Nigériens attendent de voir la livraison pour croire à l’affaire, tant ils ont des doutes quant à la volonté des autorités actuelles de livrer le combat qu’il faut à l’insécurité.
« À Diffa, comme à Tillaberi et Tahoua, j’engagerai les actions qu’il faut pour mettre rapidement fin aux souffrances des populations dont la vie est empoisonnée par les rapts, les paiements des rançons, le paiement de l’impôt aux groupes terroristes, les extorsions, les enlèvements des animaux et les crimes systématiques », a dit le Président Bazoum. Jusqu’à quand son « rapidement » s’étendra ? Ça fait déjà presque un an et les populations nigériennes ne font que souffrir des rapts, des paiements de rançons, du paiement de l’impôt aux groupes terroristes, d’extorsions, d’enlèvements des animaux et de crimes systématiques.
La qualité de l’éducation, l’accès aux soins, à une meilleure alimentation, à l’eau potable, à un meilleur habitat, au courant électrique et à de meilleures routes ? Bazoum Mohamed présentera sans doute des projets et/ou des intentions, oubliant qu’il est déjà président de la République et que le compteur est en marche depuis 12 mois. C’est un retard incompressible, particulièrement lorsqu’on sait que, la corruption qui plombe les efforts de l’État, a encore de beaux jours devant elle. Au grand bonheur de ceux qui dorment sur les milliards de l’État et/ou qui les ont coulés dans le béton de grands immeubles à Niamey, mais aussi à l’intérieur du pays. Travailler, c’est loin des discours creux et ronflants.
BONKANO