Depuis quelques jours, l’on entend partout cette expression revenir dans les débats, dans les communications et l’on se demande, à juste titre, pour quelle urgence l’on le fait. La cohésion sociale, peut-on enfin savoir aujourd’hui qu’elle serait menacée pour s’en préoccuper et laisser entendre tant de grands bruits souvent inutiles parce que mal à propos autour du sujet ? La seule vérité que l’on peut relever dans ce regain d’intérêt somme toute hypocrite par rapport à la cohésion nationale est au moins de montrer que l’on sait que ça ne va pas dans le pays, que le pays est aujourd’hui traversé par des malaises, et peut-être qu’on peut aussi se rendre compte que les hommes que l’on «pilotait» pour la suture des fractures sociales, pouvaient ne pas être les bons car leur ralliement alimentaire au régime n’aura finalement servi à rien. Le Niger, à la vérité, n’a jamais été aussi divisé et cela vient d’une politique de la vendetta, de la rancoeur, de la rancune aussi, pour rendre des coups qui n’existent que dans l’imaginaire ainsi que d’autres, pour leur combat inavouable, l’avaient inculqué en certaines populations nigériennes. Aucune région dans le pays n’est plus développée qu’un autre et personne ne peut apporter les preuves du contraire, en tout cas jusqu’en 2021.

Le problème de la paix sociale est donc réel, faut-il en convenir. Mais alors qu’il est profond, le régime tâtonne, cherchant par des voies détournées à le régler, et chaque fois sans succès parce qu’empruntant de fausses pistes.

Depuis Issoufou…

S’étant brouillé avec Hama Amadou et son parti, Issoufou Mahamadou qui savait son pouvoir fragile sans le soutien de son allié de l’époque, opta pour le choix des additions arithmétiques, jouant avec des calculs simplistes pour croire qu’il pouvait régler avec des problèmes qui sont fondamentalement sociaux, humains. Il dynamita le MNSD, s’empare d’une partie conduite par Albadé mais puisque ce n’est pas le bon morceau qu’on voulait pour taire des rancoeurs, il allait, non sans appât, à la conquête de l’autre morceau que tenait Seini Oumarou pour croire enfin qu’il gagnait une partie du Niger qui lui manque, oubliant que cet homme s’est d’autant discrédité, qu’il ne pouvait plus avoir d’écoute ni même d’ancrage qui puisse lui permettre d’offrir au socialisme les parts manquées du pays qui refusent la servilité qu’on veut leur proposer. Ceux qu’on avait débauchés du parti de Hama Amadou, non plus, ne réussirent pas à détruire son leader charismatique et à donner au PNDS tout le poids électoral du parti grâce auquel, il gagnait les élections pour la première fois au Niger, en 2011.

Mais le nouveau roi a vite oublié. Le pouvoir grise et fait perdre des lucidités…

On ne peut pas éteindre un homme qu’un peuple porte dans son coeur…

Aux élections de 2016, l’on a fini par se rendre compte que la persécution ne fit rien à l’aura d’un homme qui dérange et plus que jamais, Hama Amadou finit par s’affirmer dans des élections même truquées pour s’imposer, malgré son incarcération et pendant que tous les autres candidats battaient campagne, comme challenger à un président sortant qui le redoutait pourtant pour croître qu’il ne peut gagner une élection normale dans le pays ou gérer tranquillement tant que l’homme restait libre et jouissant de ses droits civiques. L’étiquette qu’on voulait alors imposer à son parti finit par voler en éclats lorsque le parti, à l’issue de ces élections, prend dans toutes les régions du pays, des députés et ce malgré une campagne immorale faite à discréditer l’homme et son parti. On ne peut d’ailleurs pas comprendre qu’Issoufou qui, dans sa région – Tahoua en l’occurrence – pouvait tout se donner et refuser tout aux autres partis politiques du pays, au motif fallacieux que se serait son fief et donc sa région, qu’il puisse souffrir que les autres aient plus d’ancrage que lui dans leur région même lorsqu’ils peuvent faire des places à d’autres partis politiques, y compris le sien, qui peuvent aussi s’y exprimer sans que l’on ne s’en offusque ? Cet PNDS, est donc mal placé pour accuser un autre de sectarisme, lui qui l’a fondé pour croire que «sa région» pouvait seule arbitrer des élections dans un pays pour lui désigner, non imposer, un président. Ça n’existe dans aucune démocratie. Et au Niger c’est un habillage qui, par son artificialité, finira par montrer ses limites.

Atermoiement de la Renaissance acte III sur le sujet…

Hama Amadou n’est pas seul. Et on l’a vu : alors que la solution maintenant que son incarcération au plan électoral aura montré ses limites, il fallait une autre solution pour anéantir son leadership notamment en l’empêchant carrément de se présenter aux élections, lui arrachant par méchanceté politique, ses droits civiques, et sans que la communauté internationale ne puisse s’en indigner. Qui n’a pas vu comment, soutenant Mahamane Ousmane, il mobilisait dans toutes les régions les Nigériens pour porter la candidature qu’il choisissait, à défaut de la sienne récusée injustement, pour le Niger ? Exclure un tel homme sur de tels artifices dans le débat national, notamment électoral, c’est provoquer des malaises, c’est donner l’impression à des millions de Nigériens qu’ils n’existent pas dans la démocratie et dans la nation. On créait alors une grave blessure dans le corps social.

Bazoum Mohamed semblait mieux comprendre le problème pour décider autrement de le régler. Son «ressembler pour avancer», annoncé dans l’éditorial de l’hebdomadaire gouvernemental du 18 décembre dernier avait fait croire que le régime se décidait enfin à reconnaître le problème pour lui apporter la réponse qui sied. Mais il finit vite par être récupéré par les faucons, par le clan qui l’a fait roi, décidé à l’avoir sous ses pieds pour manipuler son pouvoir et de jour en jour, l’homme qui se rapprochait du peuple par bien de signes que les Nigériens appréciaient à l’époque, finissait par s’en éloigner et à laisser prospérer les malaises dans un pays douloureux. L’homme, en vérité, est incapable de rassembler, et l’on peut, aisément, comprendre pourquoi. Il est l’otage d’un système qui l’a produit et la survie autant que la longévité de son pouvoir, pouvait en dépendre. Il se cherche.

Et depuis des jours, si ce n’est des artistes qu’on emploie, ce sont des acteurs sans envergure qui sont utilisés à servir leur politique de «cohésion sociale», prêchant dans un désert immense où on ne les entend plus.

Ali Téra, la mission impossible…

Ainsi que le soupçonnent beaucoup de Nigériens, le pèlerinage entamé par l’ancien pensionnaire de la prison de Haute sécurité de Koutoukalé, se fait-elle pour le régime qui doit s’être rendu compte qu’il y a à servir cet idéal pour lequel il dit se déplacer dans la sous-région pour s’entretenir avec la communauté expatriée du pays ? Il est clair que l’homme a beau être celui qu’il a été, célèbre devant l’Eternel sur les réseaux sociaux qu’il animait avec la poigne et les dérives que l’on sait, il ne peut jamais prétendre avoir l’écoute qu’il faut auprès des Nigériens pour régler le problème pour lequel il s’est engagé. Ceux qui peuvent croire à ses services dans cet investissement qui déborde de zèle, savent bien qu’il ne peut être capable du meilleur que ne purent Seini Oumarou, Ladan Tchana, et récemment Issoufou Issaka, pour ne citer que ces trois. Si les deux premiers l’ont compris, le premier en choisissant de se taire, et le second, d’abandonner le camp du complot pour se battre pour le Niger, le troisième s’est lui égaré par ses calculs et ses rêves échoués de grandeur. Ali Téra se balade dans le monde, mais, sa mission est délicate et peutêtre qu’il s’est déjà rendu compte qu’il ne peut être la bonne personne pour une telle entreprise on ne peut plus délicate.

Forum pour la paix et la cohésion sociale à Tillabéri…

Dans la même foulée, l’on apprend parallèlement à la mission d’Ali, qu’un forum sera organisé dans la région de Tillabéri pour la paix et pour la cohésion sociale. L’initiative est sans doute louable mais le format a fini par faire douter de ses intentions car soupçonnée de faire de la récupération en lieu et place de ceux qui se battent depuis quelques années que prend de l’ampleur le phénomène de l’insécurité dans la région. C’est à l’occasion d’un point de presse que des visages finissent par se dévoiler derrière le projet de tenue du forum avec des acteurs bien connus tant sur l’échiquier que dans la région et dans les deux espaces, ces personnalités sont loin de faire l’unanimité et surtout d’avoir une parole crédible pour voir l’ensemble de la région se mobiliser derrière eux. Ils le savent du reste mais puisse que la cooptation qui les mobilise pour la paix sort certains du chômage pour trouver de quoi grignoter quand on sait que l’Etat pourrait avoir mis les moyens pour un tel objet qu’il vise, il y a à croire que l’on est parti pour un fiasco inévitable. Il est clair que les hommes que l’on a vus ne peuvent pas être à la hauteur de la mission dans une région aussi clivée et dans laquelle, en plus, ils restent peu audibles pour se faire entendre, pour se faire écouter. Pour bien d’observateurs, le régime lui-même en est conscient mais puisque certains semblent ne pas vouloir de bonnes solutions, alors il se contentera de la piètre prestation de ses ouvriers de service qui ont déjà vu des signes qui dénotent de leur impopularité et de leur manque d’ancrage dans leur propre région. Qui n’a pu la foule maigre, avec des chaises vides, exposées, les hommes et les femmes de la région ayant boudé l’initiative, et refusé de répondre à leur appel somme toute hypocrite. Il va sans dire que le régime lui-même a pu lire à l’occasion de la tenue de ce point de presse, des signes d’un échec prévisible. Dans cette démarche, il est évident que la vérité est que l’on se ment.

Faux débat…

Les acteurs dont se sert le régime n’ont pas l’envergure nécessaire pour ressouder un pays divisé. C’est pourquoi, de ce forum il ne faut rien attendre. La régionalisation de la solution du problème qui ne serait plus un problème de la nation, est une manière assez maladroite de regarder dans le sujet et d’envisager sa solution. L’Etat seul, par la mobilisation de ses moyens et la sincérité de son action, peut rapidement mettre fin à la descente aux enfers. Comment peut-on comprendre, quand l’Etat dit marquer sa présence dans la région, qu’on puisse continuer presque tous les jours à tuer sans qu’on ait de la part du gouvernement des explications qui rassurent ?

Aujourd’hui, face à l’ampleur de la dégradation de la situation sécuritaire, il n’y a aucune solution à envisager sinon que d’opter pour le rassemblement, celui-là que le 18 décembre dernier, l’on annonçait entre des lignes, sans en avoir, hélas, le courage.

Parler avec l’ensemble des Nigériens…

Si tant est que Bazoum Mohamed est décidé à régler le problème de l’insécurité à Tillabéri et dans le Niger dans son ensemble, il doit comprendre que ses responsabilités l’obligent à parler avec tous les Nigériens, à changer le format du forum qui n’accouchera de rien de solide, pour aider à ramener la paix, pas que dans une région, fut-elle la plus touchée mais dans tout le pays aujourd’hui menacé par l’hydre terroriste. Dans un pays où les gens ne savent plus reconnaître à l’autre sa place dans la nation et dans la démocratie, dans un pays où depuis de longues années, les filles et les fils ne savent plus se parler et s’écouter, il ne reste qu’une seule option : celle du dialogue, et du dialogue sincère, dans un cadre de pardon et de tolérance politique. Si le régime ne peut pas pousser le pays à cette nécessaire rencontre du pays avec lui-même, alors il faut reconnaître que le problème ne fera que s’enraciner, et les haines se cultiver, se renforcer. Il y a des questions avec lesquelles l’on ne peut pas ruser. Quand on gouverne les hommes, on fait pour eux les bons choix, pas pour plaire à un clan, mais pour consolider l’essentiel qui est ici, dans ce pays, son unité que blessait le socialisme par ses extrémismes et ses insouciances, ses exclusions et ses attitudes provocantes.

Comment ne pas douter aussi quand, à la veille de la tenue du forum l’on apprend cette mauvaise nouvelle qui vient de Téra qui n’a pas fini de pleurer ses enfants. Ce fut un choc d’apprendre que le leader du mouvement des jeunes patriotes de Téra, organisateur de la marche pacifique contre le convoi des militaire français, ait été enlevé dans la nuit du 24 au 25 mars 2022 dans son véhicule pour être retrouvé le lendemain, calciné dans sa voiture, sur l’axe Téra-Diagourou, à seulement quelques deux kilomètres de la ville ? A qui profite le crime ? Qui peut être dérangé par son activisme pour décider de son élimination ? Une enquête peut-elle apporter des lumières à tant de questions ? Ce crime ne peut-il pas envenimer une situation déjà délétère ? Peut-on, sur un tel crime qui vient rajouter aux malaises, tenir un forum sans qu’on ne puisse donner aux uns et aux autres des garanties et des explications ? Non. Ça ne va pas. Et c’est la seule vérité qui vaille dans le pays.

Il y a donc encore des chances de sortir de la nuit noire. Mais seul Bazoum Mohamed peut indiquer la direction à suivre pour libérer ce pays de ses angoisses et de ses peurs, de ses désespoirs et de ses malaises. Et peut-être qu’il trouvera enfin l’énergie nécessaire pour comprendre ce besoin de l’Histoire pour s’inscrire dans les loges de ses gloires et de ses légendes.

Le pays a trop attendu la paix qui ne vient pas. Le temps est venu de se décider. Ou pour la paix. Ou par le chaos que l’on voit venir par ces attaques incessantes qui quadrillent toute la région.

Faisons attentions à nous-mêmes. A notre pays. Le seul qui doit nous engager.

AI