Le Niger serait-il en train de s’enliser dans les assassinats ciblés ? Après Mansour Maman, un caporal-chef de l’armée nigérienne enlevé en plein jour dans la ville de Niamey, puis tué par étouffement et étranglement et dont le corps a été déposé à l’hôpital de Niamey par ses ravisseurs, c’est le tour d’un autre. Abdoulaye Hamadou dit Agni, lui aussi, enlevé dans la nuit du 24 au 25 mars 2022 et froidement tué. Son corps, calciné dans son véhicule incendié, a été retrouvé à deux kilomètres à peine de Téra, sur l’axe allant à Diagourou. Il avait été attiré dans ce piège par un coup de fil téléphonique. Probablement par une personne qui le connaissait, comme ce fut le cas avec le soldat Mansour.

Mais, si l’on ignore la raison pour laquelle ce dernier a été enlevé et tué, le cas d’Abdoulaye Hamadou dit Agni, pour certains, porte une signature. C’est un des leaders des jeunes qui ont barré la route à l’armée française à Téra, en novembre 2021. Son assassinat n’est pas un fait anodin. Il sonne comme une sorte de règlement de comptes, un acte de représailles à l’encontre d’un jeune qui a osé défier la France et ses sbires locaux. Sa mort est surtout un message pour tous ceux qui s’aventureraient à s’opposer aux desseins français au Niger.

Un message, certes, mais également une menace de mort pour tous ceux qui, avec Abdoulaye Hamadou, ont porté l’étendard de la lutte contre la présence militaire française au Niger. C’est un assassinat ciblé et tout porte à croire que la tragique fin du jeune leader va s’étendre à d’autres.

Peu nombreux et sans grande conviction, d’autres pensent qu’il pourrait s’agir d’un crime crapuleux. Une hypothèse qui ne pèse pas lourd dans les discussions au regard du contexte. Dans la plupart des cas, on y voit un crime perpétré en guise de représailles pour le mouvement qu’Abdoulaye et certains de ses camarades ont dirigé a dirigé pour faire barrage au convoi militaire français traversant Téra.

Est-ce les sbires locaux de cette France accusée de néocolonialisme ? Intervenue à la veille du forum sur la paix à Tillabéry, l’assassinat de ce jeune leader plane gravement sur les débats. D’aucuns pensent et soutiennent que ce drame est la poursuite des évènements du novembre 2021 au cours desquels trois jeunes ont été tués à balles réelles par l’armée française.

Si Abdoulaye Hamadou a été assassiné pour son rôle dans le blocus organisé pour faire barrage à l’armée française, tous ses camarades se trouvent, donc, en danger de mort. Un à un, ils risquent d’être traqués et tués. D’où viennent ces assassinats ciblés ? Le gouvernement, à ce jour, n’a rien trouvé à dire sur ce meurtre singulier. Tout comme il n’a rien dit à propos de l’enlèvement et de l’assassinat du caporal-chef Mansour Maman. Comme s’il en savait quelque chose. L’attitude du gouvernement ne rassure guère les citoyens. Chacun se dit que ça peut être son tour, du jour au lendemain. Le climat sécuritaire se détériore. C’est la psychose générale. Pourtant, à Téra, en particulier, les populations devaient se sentir les mieux sécurisées. Elles devraient, en principe, être à l’abri des affres de l’insécurité. En tout cas, la zone de Téra est infestée de forces militaires nationales et internationales. Personne n’ose croire que les terroristes en feraient un sanctuaire. Pourtant, c’est à croire que les terroristes ont un sauf-conduit pour se déplacer et tuer.

Avec le nouveau mode opératoire d’enlèvement et d’assassinant ciblés d’individus qui dérangent, le Niger vient d’amorcer un tournant dangereux. Personne n’est à l’abri des tueurs, des hommes sans foi ni loi qui semblent agir suivant les intérêts d’un groupe organisé qui est déterminé à faire valoir sa loi. Une tendance qui inquiète vivement les opposants politiques et les acteurs de la société civile. S’ils ne l’ont pas encore manifesté publiquement, ils en parlent en privé avec beaucoup d’appréhension.

Doudou Amadou