J’ai appris que vous avez réussi le pari de dompter celui que vous avez chassé du Pnds Tarayya comme un malpropre en août 2019. Ibrahim Yacoubou, pour ne pas le nommer, a fait des pieds et des mains pour retrouver les ors du pouvoir par l’intermédiation d’Albadé Abouba, le président du Mpr Jamhuriya. Je comprends dès lors pourquoi vous avez peu de respect pour les autres. Lorsque vous les avez en dessous de vos chaussures, vous ne pouvez que les piétiner. Ibrahim Yacoubou, malgré toutes les avanies subies, est retourné sur ses pas, docilement, comme un animal dompté qui ne sait faire que ce qu’on lui a appris. Qu’importe la porte d’entrée qu’il a choisi d’emprunter du moment où toutes conduisent dans l’enfer qu’il a lui-même régulièrement décrit, rejeté et contesté. Au nom, disait- il, des intérêts supérieurs du Niger et de son peuple, grugé et trompé par des marchands d’illusions, disait-il. N’est-ce pas grave pour un si jeune leader politique ? Que dire, donc, de son si prometteur parti politique qu’il sacrifie ainsi sur l’autel d’intérêts qui, en tout état de cause, ne concordent pas avec ceux du Niger et de son peuple. On ne devient pas roi en jouant aux clowns et la voie qu’Ibrahim Yacoubou a choisi d’emprunter n’est pas celle de l’avenir, c’est celle d’une vie politique sans lendemain. Bref, vous avez réussi à démontrer que derrière l’image, il n’y a parfois que ruine et désastre.

Si je parle ainsi d’Ibrahim Yacoubou, ce n’est pas pour le brocarder, mais pour magnifier votre coup, nécessairement fatal, que vous venez d’asséner à celui qui a sans doute oublié le sursaut populaire, dans l’Arewa, qui l’a remis en selle et sauvé du gouffre politique dans lequel vous l’avez précipité. Je vous enlève mon chapeau, même si, vous le savez, je ne peux que condamner de tels actes. Vous mettez une si grande énergie à vous servir que le Niger, dans tout ça, est oublié. « C’est nous, on mange », sans état d’âme et autre souci que de continuer à gouverner.

Si je vous condamne au plus haut point pour l’usage de certaines pratiques dont la fin, malheureusement pour le Niger, n’est pas pour demain avec vous, je condamne encore fermement ceux qui sont prétendent se battre pur un idéal pour le Niger mais qui, à la moindre alerte du ventre, cherchent les moyens de se faire une place au gouvernement. On ne construit pas un pays avec de tels hommes. Certains vous accusent d’avoir fait un hold-up électoral comme l’autre, mais les responsables de ce hold-up sont d’abord ceux qui cautionnent l’injustice, l’usage d’armes à feu dans le processus électoral, la corruption et les détournements des deniers publics ; ceux-là qui vous ont voué aux gémonies et qui ont accepté de vous porter au pouvoir moyennant des subsides d’argents et des strapontins pour leurs partisans.

Monsieur le “Président”

Permettez que je parle d’autre chose. Le vendredi 8 avril 2022, Cissé Ibrahima Ousmane, l’ancien ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Niger au Tchad jusqu’au 26 février 2022, date de la fin de sa mission, a été interpellé au petit matin par la gendarmerie nationale. En fin de journée, après quelques heures d’audition, il a été placé en mandat dépôt à la maison d’arrêt de Birni Ngaouré. Cissé Ousmane n’était pas qu’un ancien diplomate au service de son pays chez les Deby, il était également ancien directeur général de la police nationale et ancien ministre de l’Intérieur, entre autres. Bon ? je ne vous conterai pas qui est Cissé Ibrahima Ousmane. Cependant, vous me concéderez certainement l’indulgence de vous rappeler qu’il faisait partie de ceux qui vous avaient faits rois. Très proche de Djibo Salou qui vous avait fait tant de bien en mettant en place un gouvernement presque exclusivement coloré de rose, Cissé Ibrahima Ousmane s’était senti trahi au terme de la Transition militaire 2010. Il s’attendait à faire tasartché en figurant dans le premier gouvernement de l’autre, votre prédécesseur ; ce qui ne serait, in fine, qu’un juste retour de l’ascenseur. Il l’avait d’ailleurs laissé entendre à un ami en lui indiquant, sur fond de menace, qu’il le retrouverait encore sur ce même fauteuil [celui de ministre de l’Intérieur] au lendemain de la Transition militaire. Cissé Ibrahima Ousmane était, donc, un des vôtres, ceux-là qui avaient choisi, les yeux fermés, de créer les conditions pour votre arrivée au pouvoir, après l’échec de la tentative de 1999 avec feu Daouda Malam Wanké. Connaissant la configuration de l’équipe gouvernementale de 2010, j’imagine que Cissé Ibrahima Ousmane n’a pas été placé au ministère de l’Intérieur au hasard. C’est certainement parce qu’il inspirait totalement confiance dans ce qui était en perspective. Rassurez-vous, je ne tente nullement de lui trouver des excuses. Au contraire, c’est pour souligner que l’homme qui est aujourd’hui “neutralisé” était un membre du système et que l’épilogue actuel de vos rapports relève des cas d’affaire de famille. Je ne m’y mêle pas. Permettez- moi toutefois de vous dire que vos compatriotes doutent énormément de la justesse de l’arrestation de Cissé Ibrahima Ousmane. Ils se demandent si Cissé ne ferait pas l’objet d’un règlement de comptes. Ils ont deux raisons essentielles qui militent pour eux. La première, c’est que Cissé, frustré après la formation du tout premier gouvernement de votre prédécesseur, en 2011, a rencontré certaines personnalités politiques et comme c’est quelqu’un qui est réputé ne pas avoir sa langue dans sa poche, a notamment révélé qu’il y a un deal entre l’autre et le soldat Djibo Salou. Est-ce la suite logique de cette histoire, une sorte de revanche retardée ?

Monsieur le “Président”

Le Niger, vous le savez, est confronté à des crises multiples. Rien que l’insécurité alimentaire touche plus de huit millions de nos compatriotes. À cela s’ajoute le terrorisme qui a déjà tué des milliers de nos compatriotes et auquel vous peinez à trouver une solution, l’école va très mal, la santé est hypothétique, l’eau potable reste encore un projet, y compris à Niamey. Comment pouvez-vous privilégier la création d’un Sénat pour y loger un homme ? Si vous utilisez ces efforts à la reconstruction du Niger, ne serait-ce qu’en vous consacrant à ce que vous avez promis le 2 avril 2021, le pays se porterait mieux et vous n’aurez sans doute pas besoin de faire ce qui est en cours avez Albadé Abouba et Ibrahim Yacoubou.

Mallami Boucar