Depuis l’annonce des résultats de la présidentielle pourtant contestés et il y a de quoi quand tout le monde pouvait avoir compris ce qui s’est passé pour « donner » une victoire, Ibrahim Yacouba si loquace et si éloquent, comme certains autres acteurs de la contestation pré et post-électorale, avait affiché un profil bas qui, pour certains observateurs, cachait mal des commerces souterrains qui ne viseraient qu’à le débaucher à son camp politique, à le détourner de son combat. On doutait alors de l’homme que de vieilles amours pourraient convaincre à faire son « comme-back at home », serait démarché pour renier ses convictions et son combat politique et rejoindre la gamelle avec, cerise sur le gâteau, un poste « juteux » apprend-on, de ministre acquis pour au moins lui, le patron du parti. Nous sommes dans cette politique nigérienne où, pour le confort personnel et dans le mépris des choix politiques, les hommes peuvent troquer jusqu’à leur dignité et hypothéquer par pareille vilenie, par pareille turpitude, ce qu’ils ont construit par leur intelligence et par leur argent souvent, par leur effort et par leur engagement, à travers le parti, et ainsi gâcher une carrière pourtant pleine de promesses.
Il va sans dire que ce choix est son choix et il devra l’assumer avec tout ce que cela pourrait avoir comme conséquence pour lui et pour son parti même lorsqu’ils devraient être obnubilés par la brillance d’une nouvelle position qu’ils retrouvent dans un système qu’ils connaissent pourtant bien pour ne pas s’y hasarder sans avoir réfléchi par mille fois. Et ces questions se posent pour tous : comment peut-on avoir connu certaines humiliations et incapable de tirer des leçons, retourner à ses bourreaux ? Peut-il avoir plus d’autres raisons que celle d’une sécheresse financière qui afflige l’homme jusqu’au reniement, pour justifier ce retour en zone plus qu’humiliant et à la limite irresponsable ? Qui a pu le convaincre dans sa décision ? Est-ce le vieil ami Issoufou qui pourrait encore jouer de son influence pour ramener « à la maison » « un enfant » perdu ?
Peut-il avoir d’autres raisons, comme celles qui pourraient avoir eu raison des convictions politiques d’Albadé Abouba et de Salah Habi à un moment de la traite politique du PNDS qui jouait à ne pas tomber quand il perdait le Moden Fa Lumana pour ratisser large jusqu’à ce qui peut le compromettre ? Ibrahim Yacoubou, a-t-il pensé à son image, au sort de son parti en osant ce jeu d’échec dans lequel, forcément, il ne peut qu’être le grand perdant ? Quand un leader politique rentre dans le jeu du caméléon, peut-il avoir pensé à ses militants qui ne l’admirent que pour la pugnacité qu’il a à suivre ses convictions, à se battre pour ses idées dans la démocratie, et surtout pour un certain idéal politique ? Peut-il franchement convaincre pour justifier ce virage à 180° avec les arguments à dormir debout qu’on a entendus la dernières fois ? Peut-il se souvenir de tout ce qu’il a pu dire sur ce régime et ses hommes pour croire que les Nigériens et ses militants avec, pourraient ne rien retenir de ses envolées lyriques pour dire tout le mal d’eux et de leur système moribond ? Non, les Nigériens n’ont rien oublié. Ils savent toute la portée véridique de ce discours aujourd’hui jeté à l’eau, renié. Peut-il avoir pensé à la part de fierté de ses militants, soucieux de leur image sur l’échiquier, pour leur identité politique en construction, pour toute la poigne dont leur parti a fait montre dans les luttes et pour laquelle à l’occasion d’événements politiques leur parti et leur leader étaient applaudis, enviés, admirés ?
Ibrahim Yacoubou est parti. Et de rumeurs, on apprend enfin que son parti, à l’issue d’une réunion, a fini par acter le départ soupçonné, attiré diront les méchants, par les méchouis fumants de la nouvelle renaissance dont le fumet, les odeurs tentantes attirent irrésistiblement ceux qui en étaient sevrés depuis quelques temps après les déconvenues qui les ont poussés à la porte pour les nouvelles aventures auxquelles ils renoncent tragiquement aujourd’hui au nom d’arguties fort saugrenues. Mais c’est leur choix.
Mais que gagne Yacoubou et son parti dans ce choix qui, à la vérité, ne surprend guère ?
Rien, pour rester catégorique. Mais au moins un salaire et des privilèges qui le sortent d’une précarité qui vient le surprendre dans les affres des luttes politiques alors qu’il n’en a pas connu même si un autre pouvait se surprendre chez lui d’une « récente fortune » pour décider de le vilipender et de le mettre à la porte de leur « maison » pour inconduite et insubordination insupportables pour leur hégémonie dans le parti. Matériellement, il gagne, mais la grandeur de l’homme est plus dans d’autres choses non mesurables que dans la somme des villas bâties et des comptes garnis et des femmes conquises et collectionnées. L’homme, pour sa descendance, plus que ces biens périssables, laisse un nom, une réputation reconnue. N’est-ce pas Seini Oumarou qui a fini par voir derrière lui tout un dessert humain qui se dresse quand, pourtant, rallié à la 25ème heure à celui qu’il combattait farouchement, il pouvait caresser le rêve de sa renaissance et continuer à compter des millions que lui donnent sa nouvelle position mais sans lui donner l’aura d’une époque à jamais révolue ? Mais, qu’on se détrompe : il n’y aura jamais de places pour tous et bientôt on s’en rendra compte pour voir des hommes sortir de leurs illusions et déchanter pour bouder cette autre aventure qui vient les humilier. Au sein même du PNDS, peut-on savoir le nombre incalculable de mécontents qui attentent depuis longtemps, pendant plus de onze ans, alors que le système devait garder le même personnel, refusant de le renouveler pour faire place à d’autres qui pourraient venir faire leurs preuves surtout quand les « indétrônables » ont gaffé et montré qu’on ne saurait attendre le meilleur d’eux pour le Niger qu’ils ont fini par détruire.
Ibrahim Yacouba sera le grand perdant. L’échiquier politique nigérien est dans une phase de renouvellement générationnel que lui imposent les hommes mais l’ordre naturel des choses quand, une vieille garde, dans cinq ans, ou par le destin ou par une sénilité qui les rendra inopérants, finiront par les mettre hors de jeu. Il y a donc à se positionner stratégiquement pour ces nouveaux départs qui s’annoncent. Or, les gens chez qui ils partent, ne visent qu’à détruire sa carrière en le poussant à la compromission car eux, assez espiègles sur ce terrain, voient loin, et depuis des années, travaillent à la succession, coachant les enfants, stratégiquement, mis dans des positions pour attendre l’héritage et la perpétuation du pouvoir à travers ceux qu’ils ont engendrés biologiquement et politiquement. C’est un danger pour le Niger et pour sa démocratie. Il est dommage que l’altermondialiste ne puisse rien voir de ces jeux dangereux pour les servir. A coup sûr, Yacoubou perdra des plumes dans cette aventure et des Nigériens se demandent ce qu’il fait de cet adage qui dit qu’on ne piétine les couilles d’un aveugle qu’une seule fois ». L’envie de manger, peut-il faire perdre des lucidités jusqu’à ce point ? Pour nous non, et nous osons croire qu’il y a des raisons profondes pour justifier l’exode du MPN-Kiishin Kasa. En face des Nigériens, il n’aura plus aucun discours crédible et il arrive à un mauvais moment, ce d’autant plus que pour le sénat dont on parle beaucoup ces derniers jours n’est qu’un complot contre les Nigériens, le régime cherchant une majorité terrible, on le sait, pour avoir l’aval de la représentation nationale pour l’installation décriée des français, des Belges, des Italiens, des allemands qui ont déjà commencé à « déverser » quelques argents sur le régime pour le corrompre et le convaincre à voter et à accepter le redéploiement annoncé des forces étrangères sur le territoire du Niger, devenu la base arrière des forces impériales à qui l’exterritorialité, donnera tous les pouvoirs pour recoloniser le pays. Kiishion Kasa s’en va aussi, pour cette complicité que l’altermondialiste ne saurait, dans le bon sens, accepter. Mais l’envie de manger peut étourdir.
Les militants eux, n’auront rien. Beaucoup le savent et déjà, ils sont nombreux à se désolidariser de cette décision pour démissionner du parti. On a entendu d’autres militants en colère qui renoncent au parti et souvent même à la politique dont ils ont fini par se dégoûter avec de tels comportements affligeants de la part de leaders dont la rationalité s’est finalement déplacée dans le ventre. Combien sont-ils ces femmes et ces hommes qui ont suivi pendant des années sans rien demander, tout fidèles qu’ils sont de leurs choix assumés ? Il y a de quoi s’offusquer de tels agissements qu’on ne peut expliquer que par une « main tendue » qu’on aurait saisie par opportunisme plus que par sagesse politique. La vérité est qu’une main tendue qui ne s’opère pas dans le dialogue n’en est pas une. En choisissant de manoeuvrer dans l’ombre, en catimini, l’on peut comprendre que c’est pour d’autres intrigues et que la démarche ne peu nullement mettre en jeu l’intérêt du Niger. Des gens cherchent à plaire à l’impérialisme et ils ratissent large pour que, même lorsque la décision va être impopulaire, qu’on ait moins de voix dissonantes et qui portent pouvant déranger dans les nouvelles amours avec la France.
Notre démocratie, comme on peut le voir, souffre plus de ses hommes et de leurs inconstances que de ses règles. Ils sont aujourd’hui nombreux sur l’échiquier dont on ne croira jamais à une parole tant, par leurs revirements, leurs retournements de veste incongrus et incessants. Ainsi, ils ont réussi à se discréditer pour n’être que la risée du champ politique dans lequel ils ne sont pas moins que des guignoles.
Kiishin Kasa est donc parti en laissant quand même un message d’amitié à l’opposition dont il rencontrait, apprend-on sur les réseaux sociaux, le chef de file, versant tout, sur le parti qui aurait décidé de partir pour se disculper.
Même quand il ne reste rien à l’homme, même quand il ne peut plus croire à rien, il lui restera une chose : une dignité ; celle-là même pour laquelle, chaque leader, cinq années après un mandat, repartant sur les mêmes territoires électoraux, voudrait trouver des militants restés fidèles, répondant toujours à son appel et ce même quand lui ne peut donner le bon exemple de fidélité et de constance dans ses choix, dans ses convictions, dans ses combats.
Mais il semble que les ventres ne résistent pas : quand les sauces deviennent pauvres, il faut un peu de viande, un peu de morceaux viandés, les mêmes qui ont perdu Fama. Et Kiishin Kasa découvrira les soleils des indépendances, pardon du reniement et de la migration politique.
A chacun d’assumer ses choix !
Waz-Za