Depuis quelques jours, les Nigériens ont les échos de plus en plus persistants d’une prochaine création de sénat au Niger pour pouvoir contenter un homme qu’on n’a pas su caser parce que, devrait-on soupçonner, son calibre, sa trempe, ne pouvait plus autoriser qu’on le gratifie seulement d’un poste de ministre quand, pour celui de premier ministre, le PNDS, consent à le conserver, et quel PNDS, allez savoir ! Et depuis, pour comprendre les motivations profondes d’un tel projet, les débats s’enflamment sur les réseaux sociaux, faits d’indignation et d’incompréhension. Et les Nigériens n’ont pas tort de s’offusquer d’une telle fantaisie pour un pays qui a mieux à faire, confronté à moult défis, à moult urgences.

Mais interrogeons d’abord le contexte…

Comment peut-on croire à la pertinence de la création d’un sénat au Niger dans le contexte qui est le nôtre ? Quelle urgence la commanderait ?

Faut-il, pour plaire à un homme, à ses humeurs, aller à une telle fantaisie institutionnellement et politiquement inopportune, et financièrement insupportable ? Comment le comprendre quand déjà d’autres institutions qui existent ne convainquent pas, perçues comme inutiles et budgétivores ?

A quoi sert la médiature ? A quoi sert le CESOC ? Et il y en a d’autres certainement comme cette structure concurrente à la Ville de Niamey créée pour « loger » Moctar Mamoudou dont le métier, caricaturalement, se résume à faire de la récup de tronc d’arbres pour aménager des espaces urbains transformés en lieux de loisir. La Ville, ne peut-elle pas faire ça ? Ces genres de doublons comme ce que font les 3N au ministère de l’agriculture, n’ont d’intérêt qu’à créer des espaces de confort pour le bonheur de la clientèle politique oisive et inutile. En vérité, un sénat n’est pas une urgence pour le Niger et il est immoral, dans un pays dernier, d’aller à cette fantaisie, encore une fois, juste pour un homme, et ce à un moment où le pays traverse des moments difficiles. Le sénat, peut-il régler le problème de l’insécurité, de l’école, de la famine qui arrive ou qui est là ? C’est ça les vraies urgences et le sénat n’y peut rien. Laissez- nous tranquille avec votre histoire farfelue de sénat qui fait saliver tant d’hommes et de femmes à caser et qui peuvent déjà avoir la promesse de leur nouvel relogement.

Même l’assemblée nationale, institutionnellement justifiée dans l’architecture démocratique, et constitutionnelle peine à prouver aux yeux des Nigériens son importance quand elle ne peut pas faire les débats d’intérêt national dans un esprit de responsabilité, toujours versée dans la dialectique partisane. Ce pays a-t-il tellement de l’argent à ne pas savoir quoi en faire pour aller dans ces fantaisies qui peuvent montrer tout le mépris que des gens peuvent avoir pour les problèmes du pays, pour les attentes du peuple ? C’est à juste titre que certains voient derrière cette initiative l’ancien président qui, quoi qu’on dise, devrait avoir sa main encombrante dans la gestion actuelle. On sait d’ailleurs que nombre de ceux qui soutiennent, notamment Albadé Abouba, Salah Habi Salissou, Seini Oumarou, Algabit, et dernièrement Ibrahim Yacoubou sont tous les hommes qu’Issoufou, personnellement, jouant de son influence, pourrait avoir amené dans leur camp. Pour la dernière prise, dont on sait toutes les contradictions qu’elle a avec Bazoum, l’on se demande pour quelle précaution, peut-il vouloir de cette autre addition superfétatoire quand on sait la majorité confortable trafiquée qu’il s’est arrangée à se donner pour gouverner seul ? Mais cette ambition qui est de l’ordre de la démesure a été trahie par la réalité du terrain qui montre qu’aucun parti, dans l’architecture actuelle, ne peut prétendre avoir les moyens de gouverner seul. Comment avoir tant de députés dans une élection et ne pas pouvoir passer dès le premier tour et même quand on est forcé à aller à un deuxième tour, cela ne peut se faire qu’avec une courte tête qui plus, est contestée ? Tout le monde a compris la triche ! Que cache donc cette reconquête de partis nouveaux pour renforcer un camp supposé déjà très fort ? Quel autre plan doit-il préparer pour le Niger et pour les Nigériens ? Est-ce franchement pour la création du Sénat qu’on chercherait plus de voix de béni-oui-oui ou pour un autre projet plus compromettant pour le pays à savoir l’installation des bases étrangères dans le pays dont l’autorisation sera mise en discussion à l’assemblée nationale pour théâtraliser une concertation nationale à l’issue de laquelle, sera fondé le reploiement qui devra ainsi être légitimé et acté. Les Nigériens le découvriront. Ils n’auront pas de raisons de se taire face à ce qui est grave et qui risque de nous arriver. Ouvrons les yeux !

La création d’un sénat dans un tel contexte ne peut donc se justifier. On ne peut d’ailleurs pas comprendre que lorsqu’ailleurs, au Sénégal notamment, l’on s’en dispense au vu des changes qu’il impose pour alléger la démocratie et les caisses de l’Etat, que le Niger, pourtant dernier, pousse les fantaisies pour créer de nouvelles dépenses que rien ne peut justifier sinon que les vanités de dirigeants qui veulent encombrer notre démocratie d’une institution de trop qui, même ailleurs, dans les démocraties avancées, n’est qu’une fantaisie bourgeoise de nations qui peuvent s’offrir le luxe d’une deuxième chambre. La Côte D’Ivoire est bien plus riche et depuis des jours, Alassane Dramane Ouattara travaille, après la démission du gouvernement, à former une équipe resserrée pour réduire les dépenses de l’Etat et nous on cherche à en dépenser plus. Et alors pourquoi, nous, nous devrons en créer ? Parce que l’Allemagne promet de l’argent pour faciliter l’installation de ses soldats sur notre sol, parce qu’on deviendrait les chouchous de l’Europe envahissante et conquérante ? Faisons attention. Travaillons d’abord à avoir des assemblées nationales responsables où ne siègent pas que des députés godillots avant d’aspirer à un tel niveau de démocratie. Un sénat c’est de l’ornement pour la démocratie or un pauvre n’a que faire d’or quand son combat reste d’abord pour la survie. Vivons donc notre modeste démocratie qu’il faut travailler à approfondir, à enraciner, à parfaire.

Il n’est que compréhensible d’entendre toutes ces voix indignées qui sortent depuis des jours, exprimant leur désaccord par rapport à un tel projet visiblement voulu pour un homme, non pour la démocratie. Seini Oumarou ayant été président de la première chambre, Albadé ne saurait se contenter de moins qu’une telle position dans l’architecture du nouveau pouvoir, pour vouloir qu’on lui taille une à l’image de son ancien frère-ennemi avec lequel il avait disputé le MNSD ?

Des voix indignées…

Les Nigériens sont nombreux à se prononcer sur la création inutile d’un sénat au Niger. Que peut-on avoir à faire avec des sénateurs qui ne peuvent qu’être oisifs mais sans doute grassement payés quand, les députés, pendant trois décennies d’expérience démocratique, peuvent ne pas toujours comprendre ce que la démocratie attend d’eux, ce que le peuple exige d’eux à savoir une représentation nationale qui veut qu’ils agissent au nom du peuple qui a fait confiance pour contrôler en son nom la gouvernance de la cité, et porter une parole à travers laquelle le peuple se reconnaitrait. Que viendra donc faire un sénateur si ce n’est de « bouffer » inutilement notre argent alors qu’on peut mieux s’en servir à régler la multitude de problèmes que nous avons.

On a, ces derniers jours, entendu des acteurs de la société civile s’exprimer sur le sujet et tous ne disent que leur réprobation vis-à-vis du projet de sénat qui n’a objectivement rien à apporter au pays et à sa démocratie. Le budget que l’on consacrera à une telle institutionfantôme peut-il ne pas servir à d’autres fins ? Ne peuton pas s’en servir à construire des classes pour ces enfants, leurs enseignantes et leurs enseignants qui travaillent dans la poussière, dans le vent et la poussière, dans la canicule et l’inconfort des paillottes quand, dans le pire des cas, des enfants ne sont pas simplement calcinés dans des incendies qui y a dont provoqués ? Peut-on avoir cet argent pour les désirs de grandeur de certains hommes quand, notre armée est encore la cible de la violence terroristes, demande plus de moyen pour nous protéger et se protéger ? Est-il normal et moral de « jeter » cet argent, quand, les services de santé attendent encore des moyens pour mieux soigner des populations condamnées à l’automédication parce que les services de santé publics sont devenus inaccessibles pour eux avec une privatisation qui ne dit pas son nom ? Comment peuton tant manquer de pudeur à faire droit aux folies de grandeur d’hommes, quand dans la capitale après des échangeurs qui ne régulent pas la circulation, l’on ne peut comprendre la leçon pour doter la ville de voies praticables qui rendraient les quartiers accessibles, et donner à boire et à voir avec l’électrification tous ces nouveaux quartiers qui manquent de tous ? Dans un tel pays dont on ne peut pas finir de dresser le tableau noir, un sénat, peut-il être une urgence, une nécessité ?

D’ailleurs, au nom de quoi, Bazoum Mohamed le ferait ? A-t-il promis cela aux électeurs nigériens dans sa campagne ? Non, il ne l’a pas dit et un autre ne l’a pas dit car tous savaient que cela n’était pas un besoin pour le Niger qui, plus, n’a d’ailleurs pas d’argent, à se permettre ces prodigalités ruineuses qui ne servent que les vanités d’une classe politique qui ne pense plus qu’à elle seule, jamais à l’intérêt général.

Mais alors si Bazoum ne l’a pas promis, qui pouvait travailler de manière souterraine à lui imposer l’imprévu dans son programme et dans le budget ?

Et plus que jamais, cette question revient : le Niger at- il un autre président audelà de Bazoum Mohamed que l’on a dit élu ? A-t-il alors intérêt à se laisser manipuler pour des agendas dont il pourrait ignorer les secrets ?

Pour le Niger, il n’y a pas à tergiverser : il faut étouffer ce projet insensé de création d’un sénat inutile pour le pays. Les problèmes du pays sont ailleurs. Et c’est là qu’il faut aller et non agir pour résoudre des problèmes qui n’existent pas. C’est de la responsabilité politique qu’il s’agit. C’est tout.

Bazoum est à l’épreuve de son indépendance. De sa liberté de décision dans un pouvoir sui serait le sien.

A.I