Vous semble-t-il commode de mettre tant d’énergie et de moyens financiers pour satisfaire les lubies d’un homme alors que des millions de vos compatriotes sont victimes d’insécurité alimentaire et qu’il vous faut tendre la main pour leur trouver à manger ?
Vous devez être très fort mentalement pour supporter cette contrevérité permanente d’une gouvernance sans âme, dédiée à tout ce qu’il y a d’anti-valeurs et de mal pour le Niger. Depuis plus d’une décennie, aujourd’hui, vous continuez à soutenir et à faire croire que le Niger se porte de mieux en mieux alors qu’il s’enfonce de plus en plus dans les méandres d’une gouvernance désastreuse que vous avez quelque peu dénoncée dans votre discours d’investiture mais à laquelle vous n’avez pas encore trouvé le courage de vous attaquer. C’est bien dommage que vous ayez fléchi facilement dès que vos camarades de parti ont bandé leurs muscles. Pourtant, c’est vous qui détenez le pouvoir et vos proches vous disent irréprochable dans vos rapports avec les deniers publics. Il vous aurait suffi de sacrifier celui qui vous avait fait roi, au nom des intérêts supérieurs de la nation, en le faisant poursuivre pour haute trahison. Vous y adjoindrez bien entendu quelques têtes impliquées dans certains scandales imprescriptibles. Il vous aurait suffi de le faire pour régner pour l’éternité dans les coeurs de vos compatriotes. Mais vous avez préféré rester fidèle à un homme plutôt qu’à votre pays, servir les desiderata d’un homme et d’un clan qui ont fait tant de mal à notre pays plutôt que de servir votre pays conformément à votre serment serment confessionnel.
Monsieur le “Président”,
Prenez la peine de vous retirer de tout pour vous regarder dans un miroir et apprécier froidement l’état de notre pays. Ne le faites pas avec des oeillères et oubliez, un instant, que vous êtes co-responsable de la situation actuelle. Faites-le de façon juste, sans a priori en examinant votre bilan depuis 11 ans, sur les plans sécuritaire, alimentaire, sanitaire, éducatif, hydraulique, financier et économique, avec toute cette corruption, ces détournements de centaines de milliers de milliards, etc. Pensez aussi à la cohésion sociale, à la démocratie, à la justice. Je suis sûr que face à votre conscience, tout seul, vous ne pourrez pas vous mentir. C’est cette conscience qui vous a parlé lors de votre investiture, même si la suite de votre action laisse croire que ce que vous avez dit le 2 avril 2021, c’était pour vous, juste un discours, des mots lancés en l’air pour les autres.
Si vous consacrez à cet exercice auquel je vous convie, le sérieux que requiert la gravité de la situation et les perspectives sombres qui s’annoncent si rien n’est entrepris pour arrêter la descente aux enfers, je puis vous assurer qu’il n’y a pas une autre conclusion que celle-ci : le Niger, notre pays, est gravement malade. Notre pays est gravement malade et votre devoir est de trouver le remède pour le guérir, pas pour l’enfoncer. Voici ce que je voudrais vous dire précisément :
Savez-vous, selon le Bureau de coordination des actions humanitaires de l’ONU (OCHA), que 579 écoles sur les 2247 écoles que compte la région ont été fermées depuis le début de l’année et qu’au total 53 562 enfants, dont 25 828 filles, ont été ainsi privés du droit à l’éducation, à cause des activités liées aux groupes armés ? Que la région de Tillaberi enregistre 9 833 élèves déplacés.
Que le déficit céréalier enregistré en 2021 est estimé à près de 870 000 tonnes, soit une baisse de production de plus de 1,5 million de tonnes par rapport à 2020 ? Que les régions de Diffa et de Tillabéry comptent, respectivement, 24% et 29% de leurs populations en insécurité alimentaire ?
Que le nombre de personnes en situation de crise alimentaire pourrait atteindre 3,6 millions de personnes au cours de la période de soudure (juin-août 2022), soit 15% de la population nigérienne ?
Monsieur le “Président”,
N’est-ce pas vrai que vous êtes contraint de tourner, encore une fois, le regard vers les partenaires extérieurs pour trouver les fonds nécessaires au sauvetage des millions de nos compatriotes victimes d’insécurité alimentaire et que ce sont 52,6 millions de dollars qui sont recherchés pour financer le plan de réponse humanitaire ?
Vous semble-t-il commode de mettre tant d’énergie et de moyens financiers pour satisfaire les lubies d’un homme alors que des millions de vos compatriotes sont victimes d’insécurité alimentaire et qu’il vous faut tendre la main pour leur trouver à manger ?
N’est-ce pas cette pratique que des centaines de nos compatriotes ont exporté à l’extérieur, notamment à Dakar, et qui vous a tant choqué ? L’État du Niger ne faitil pas dans la mendicité pour couvrir des dépenses de souveraineté ?
Pourquoi devons-nous en vouloir à des compatriotes qui ont tendu la main parce que nous avons échoué à leur donner de quoi manger ?
Monsieur le “Président”,
Nous devons apprendre à nous remettre en cause. Pour les partenaires extérieurs, le spectacle offert au monde entier par des hordes entières de mendiants nigériens à Dakar est la résultante de la situation agricole déficitaire et de l’incapacité de votre gouvernement à faire face à la situation.
Malgré tous ces problèmes auxquels notre pays est confronté, j’espère que vous ne vous boucherez pas les yeux et les oreilles pour faire passer la création d’une loge politique, le Sénat, au mépris des problèmes qui crèvent les yeux et qui nous étranglent.
Mallami Boukar