L’intervention du Président de la République lors de la cérémonie de célébration de la journée nationale de la femme tenue au Centre International des Conférences Mahatma Gandhi de Niamey, le 13 mai dernier, continue de susciter le débat au sein de l’opinion. Comme s’ils n’attendaient que pareille occasion, certains de nos compatriotes sont partis jusqu’à prêter au Chef de l’Etat des propos qu’il n’a pas prononcés.
« Je ne dis pas que la polygamie est à interdire, mais une certaine polygamie est une mauvaise chose », voilà ce qui en est de la déclaration du Chef de l’Etat, objet de tant de polémiques. Et, il argumente en ces termes : « Quand quelqu’un vient vous voir et vous dire : donnez-moi de l’argent pour que je marie, et que, neuf mois plus tard, cette même personne revient pour vous réclamer l’argent du mouton pour faire le baptême qu’il a conçu de ce mariage, ce n’est tout simplement pas sérieux ». N’ayons pas peur des mots pour qualifier un tel comportement ; disons-le avec fracas, c’est irresponsable. Et, malheureusement, c’est courant de voir des cas similaires à l’exemple ci-dessus donné par le Chef de l’Etat.
Pour autant que ce soit Dieu qui nourrit, depuis qu’Adam et Eve ont mangé la pomme interdite (pour ainsi simplifier la marche du monde), il faut gagner son pain à la sueur de son front. Autrement dit, il n’y a pas de place dans notre société pour un fainéant. Au risque pour elle d’être infestée d’irresponsables et de perdre son équilibre. C’est malheureusement vers là que s’oriente notre Niger avec toutes ces personnes bien portantes qui s’adonnent à la mendicité, alors même que l’Islam (religion de 99% de Nigériens) proscrit cette pratique avilissante pour la dignité humaine. C’est en cela qu’une ‘’certaine polygamie’’, celle des irresponsables, est mauvaise’’, comme l’a dit le Chef de l’Etat.
A bien être capable de saisir les profondeurs des choses, d’après de nombreux connaisseurs des questions islamiques, la polygamie autorisée par la religion musulmane protège la monogamie, en ce qu’il est difficile de respecter la condition à remplir, à savoir l’équité. La pratique est donc rigoureusement encadrée. Pour rappel, elle (la polygamie) fut instituée après la bataille (guerre sainte) de Uhud au cours de laquelle plusieurs membres de la Ummah Islamique perdirent la vie, afin justement de préserver la dignité de leurs veuves et progénitures. Elle a permis donc de régler un problème de société. Aussi, de nos jours, sa pratique s’inscrit dans la même logique de résolution d’une équation sociétale, en ce qu’il y a bien plus de femmes et que d’hommes sur cette planète, au risque de voir le trop plein se verser dans la prostitution avec tout ce que cela comporte comme conséquences fâcheuses. Encore faudra-il avoir les moyens pour se permettre d’être polygame, s’épanouir, épanouir ses partenaires et contribuer ainsi à l’équilibre de la société. Autrement, la polygamie sera source de problèmes, à même de générer des crises, à l’instar de la crise éducationnelle que vit actuellement notre pays.
De la crise éducationnelle, autre thème abordé dans l’intervention du Chef de l’Etat, le 13 mai dernier, parlons-en justement avec ce crime odieux perpétré par un élève de l’école primaire. L’assassinat de l’enseignant de l’école primaire de Guidan Alami dans le département de Bouza le lundi 16 mai 2022, soit 72 heures, après l’intervention du Chef de l’Etat, vient replacer au centre du débat le lien entre mariage des enfants, polygamie, démographie galopante et crise éducationnelle. Quand sous le fallacieux prétexte de se faire passer pour un bon musulman, on épouse deux, trois, voire quatre femmes, pour assouvir ses désirs charnels (alors même qu’on n’a pas la capacité pour les prendre en charge) ou bien pour les utiliser comme main d’œuvre à bon marché au champ (c’est une pratique courante sous certains cieux) avec comme finalité des enfants sans la moindre éducation et des divorces qui n’en finissent pas, on ne peut s’épargner railleries et honte en ce bas monde et châtiment dans l’autre monde.
Voilà qui donne la mesure de la portée des propos du Chef de l’Etat. Pour ce qui est de l’injonction faite aux ministres du Gouvernement, il faut être de mauvaise foi pour ne pas comprendre qu’il s’agit tout juste de susciter, comme il l’a si bien dit, le débat. Et ce débat est des plus opportuns, au regard du contexte socioéconomique du Niger marqué par la précarité des ménages, la cherté de la vie et la difficulté de trouver un emploi sur le marché du travail.
Oumarou Kané