La démocratie nigérienne, depuis qu’Issoufou Mahamadou est arrivé au pouvoir, vit des moments difficiles avec les brutalités qu’il lui fait subir pour imposer ses volontés et ses choix à l’espace démocratique et aux Nigériens, refusant que les lois fonctionnent et que les acteurs, dans l’équité, participent au jeu démocratique. Jamais le pays n’a connu d’élections aussi bancales que celles qu’il imposa en 2016, puis en 2021 pour s’imposer d’abord et imposer « son » candidat à son parti et aux Nigériens. Les élections qui ont consacré son poulain président « élu » sont alors les plus contestées de l’Histoire avec, on s’en souvient, des guérillas urbaines d’une rare violence qui avait agité certaines villes et notamment la capitale Niamey. En vérité, tout le monde savait pourquoi Issoufou Mahamdou pouvait s’entêter à imposer son choix : dans la peur de répondre de sa gestion, et de voir tant d’affaires scandaleuses lui revenir à la figure, il préféra la brutalité contre les principes et les bonnes manières pour agir à sa convenance au travers d’une démocratie domestiquée qu’il célèbre et vante au monde. Alors que ses adversaires, à la veille des élections de 2021, disaient à qui veut les entendre, que jamais ils n’accepteront qu’on leur vole leur victoire, on ne fut que très surpris de voir le profil bas que bien de leaders avaient affiché lorsque, comme pour faire écho au discours belliciste des leaders, une jeunesse s’empare de la rue pour crier ses colères, dénonçant ce qui, pour elle, et pour toute l’opposition, n’était pas plus qu’une usurpation du pouvoir.

Mais l’homme pour lequel on se battait, à l’étonnement général de l’opinion nationale et de ses compagnons de lutte,  fit un choix que tout le monde devrait respecter car personne ne pouvait être, comme on le dit, plus royaliste que le roi. D’ailleurs, même lorsque des acteurs de l’Opposition l’ayant aidé devraient être arrêtés et incarcérés, il ne sort jamais pour dénoncer le « ciblage », si ce n’est après près d’un mois, sortant d’hibernation où, lors d’une déclaration qui se fit dans le malaise, on entend quelques hommes encore restés à ses côtés dire, qu’ils exigent la libération de x et de y, condamnant, peut-être sans conviction, des arrestations sans discernement des arrestations stratégiques. Le pouvoir n’entendit rien de sa parole de compassion tardive et peut continuer à garder en prison les gibiers qu’il a cru en devoir de payer au nom toute la coalition pour la révolte des siens, les mêmes d’ailleurs chaque fois que de tels problèmes se pose et sur lesquels l’on relève une certaine fixation maladive qui ne saurait aider à soigner les douleurs d’un pays qui va mal, pour vouloir les brutaliser, les humilier pour leur positionnement politique.

Une base déçue et démotivée…
Ceux qui ont voté pour Mahamane Ousmane et qui ont la conviction que leur vote le portait au pouvoir n’étaient que très déçus du comportement de leur champion dans un pays où ceux qui gouvernent n’ont aucun respect pour les textes de la République, et depuis les paroles doucereuses de l’homme qu’ils défendaient, tous regagnaient leur tanière, l’autre leur ayant «retirer les pieds sous le poids», déçus et ulcérés, perdant confiance et foi en la lutte qu’ils étaient prêts à engager au nom d’une démocratie brutalisée et de qui serait leur pouvoir violé. Les déceptions sont profondes et depuis combien de temps, ne pouvait-on plus voir la même ferveur autour de Mahamane Ousmane, beaucoup de gens ayant pris leurs distances avec lui et son combat juridique qu’ils savaient perdu d’avance tant que c’est cette CEDEAO moribonde qui, devrait s’en charger ?

Pour tous, ou presque, la voie choisie par le « candidat malheureux » ne donne jamais le pouvoir sous les tropiques où les lois, ne servent à rien, en tout cas la vérité, et comme un autre l’avait dit comme pour l’en avertir, pour cette opposition, si tant est qu’elle croit à son combat, elle ne peut avoir de choix que le rapport de force à imposer à ses adversaires pour être respectée et pour être entendue. Mais Ousmane, lui, voudrait croire à la force de la loi à géométrie variable et il crut qu’à la CEDEAO à laquelle il confiait son destin, et avec lui celui de la démocratie nigérienne. Il crut qu’il pouvait trouver, fort de ses preuves, des juges capables de lui donner raison, en disant le Droit, et contrarier ce que des Juges nigériens auront dit de ce différend qui oppose deux camps de l’échiquier nigérien devenus irréconciliables.

Et déjà des signes troublants qui renforcent le doute dans la démarche judicaire qui fondait pourtant la foi politique d’Ousmane…
On se rappelle que plusieurs fois, le procès a été ajourné et ce jusqu’à ce que, jouant à l’usure, Bazoum Mohamed, gouverne au-delà d’un an dans un mandat jugé mal acquis. Or, quel Juge peut, après plus d’une année de gouvernance, dénier à un président « élu » son pouvoir pour le lui arracher et appeler un candidat malheureux, à occuper un fauteuil occupé même illégalement ? La question est plus de la realpolitik que du droit. Dans quel pays et dans quelle démocratie a-t-on vu des Juges aussi courageux, même avec des preuves tangibles, remettre le pouvoir à un autre pour demander à celui qui occupe le fauteuil d’aller se chercher ailleurs, de retourner au chômage et à la jachère politique ? C’est sans doute pourquoi, refusant la lutte qui reste quand même la seule voie – et ce n’est pas qu’au Niger seul que pour se faire entendre, des acteurs politiques ou sociaux sont obligés de se battre, et malheureusement, d’occuper la rue pour forcer à les entendre et souvent à faire triompher le droit qui, faut-il le reconnaitre, dans bien de cas, ne triomphe pas que dans des palais de justice, devant des Juges. C’est la dialectique politique qui le veut ainsi. En France, en  Amérique, aujourd’hui encoere, après plusieurs siècles de démocratie, se battent, souvent de la manière la plus barbare qui soit. Aucun peuple n’est plus civilisé pour faire mieux qu’un autre de la démocratie pacifique car, par essence, la démocratie se fonde sur des contrats et des acquis sociaux perpétuellement remis en cause qui ne laissent place qu’à la lutte pour acter des mutations au sein des sociétés. Et quand on ne lutte pas, on ne change rien.

Ousmane avait trop rêvé de facilité à récupérer le pouvoir, croyant que cette Cour à laquelle pourtant l’on croit peu dans l’espace CEDEAO, allait lui donner satisfaction en reconnaissant le bien fondé de sa plainte qui aurait pu être réglée, ne serait-ce que sur une seule considération, sans même tenir compte de tout le lot de preuves que son conseil pouvait verser dans le dossier pour convaincre la cour que sa victoire lui a été volée, ou arrachée, c’est selon. Pourtant c’est lui qui connait mieux que tous les hommes auxquels il avait à faire, dans un deuxième round de l’Histoire pour ne pas savoir prendre sa revanche, à moins de renter dans la combine. N’est-ce que sur la seule base que ces élections incriminées sur plusieurs aspects auraient dû être biométriques ainsi que le commandent les textes, et qu’elles ne l’ont jamais été, il y avait à détruire la régularité et la recevabilité de ces élections ? Comment peut-on alors aller demander justice au niveau d’une Cour que l’on a toujours qualifié de partialité ? Les militants de l’Opposition, après le délibéré de ce mardi matin, ne sont pas surpris outre mesure car eux n’avaient jamais cru et savaient que la CEDEAO n’existe que pour ceux qui sont au pouvoir, pas pour les peuples, pas pour des Opposants, pas pour la démocratie et donc pas pour la justice aussi. C’est peut-être Ousmane qui est déçu, lui qui croyait en sa démarche et qui pouvait depuis cette matinée se demander comment pouvait-il être regardé au sein de la coalition qui l’a soutenu et qui pourrait, avec la nouvelle donne, se demander, quel intérêt pouvait-elle avoir à suivre un homme qui est incapable de se battre pour ses idées, pour ses choix, pour ses convictions, si encore, il lui en reste encore quelques-unes à porter.

Le délibéré est donc tombé et Ousmane est tombé….

C’est, faut-il le reconnaitre, une mauvaise nouvelle pour la démocratie car cela veut dire que désormais, tant que le peuple ne saura pas se battre, l’on pourra toujours instrumentaliser, manipuler la démocratie et des élections, braquer des élections, refuser que des hommes participent à une élection, violenter les processus électoraux pour imposer des choix et ainsi domestiquer, apprivoiser la démocratie qui devient ainsi la chose d’un homme, sinon d’un clan. Le Niger, pour ainsi dire, est parti pour d’autres années difficiles.

Mais Ousmane n’a plus aucun avenir politique au Niger…

Le grand perdant, c’est Mahamane Ousmane que beaucoup de Nigériens, à tort ou à raison, pouvaient croire qu’il les a trahis, qu’il a trahi leur combat. Ils pourraient même lui dire qu’ils auraient eu tort de le soutenir. Mais il n’y a pas de remord à cette situation, car pour l’Histoire, ceux qui ont fait son choix, auront montré qu’ils pouvaient agir en toute impartialité, pour le Niger et pour le Niger seul. Tant pis qu’il ne soit pas capable d’assumer l’engagement populaire qui s’exprimait autour de lui et qui avait porté dans le pays, d’Est et Ouest, du Nord au Sud, son projet et sa vision pour le nouveau Niger dont rêvaient les Nigériens brimés par dix années de socialisme tortionnaire. Mais, l’homme perd beaucoup en crédibilité et on peut croire qu’il ne lui reste plus aucun avenir en politique, aucun autre combat politique à mener. Il doit changer de métier et déjà, il est bien qu’il soit un grand lecteur du Coran pour trouver sa place dans les mosquées, la politique ne pouvant plus lui ouvrir des portes depuis que par son choix, il se fermait une sur son destin politique.

Quel avenir reste-t-il à l’opposition ?

Aucun, diront les plus pessimistes. Surtout si cet avenir devrait être lié à celui d’Ousmane dont l’étoile politique aujourd’hui, avec l’arrêt rendu, devra s’assombrir. L’opposition ne peut plus compter, faut-il être objectif, sur un tel homme qui croit plus à des Juges peu fiables qu’à la lutte politique qui est après tout, une donne essentielle qu’on retrouve dans toutes les démocraties du monde, fussent-elles les plus vieilles et les plus enracinées. Forcément, ceux qui restent encore à l’Opposition, doivent réorienter leur lutte autour de nouveaux pôles politiques car leur avenir politique dépend plus de ce que Bazoum pourrait être capable ou non de gouverner bien afin d’éviter d’allumer de nouveaux fronts pour faire face à des frondes qui ne peuvent que le fragiliser davantage. Et il le sait. Tout est toujours possible dans ce pays des incertitudes.

Pour le républicain qu’il dit être et qui a cru qu’aller devant les tribunaux serait la bonne option pour lui et pour sa victoire, Ousmane n’a plus rien à faire qu’à se ranger, à s’assumer et à assumer son choix car il n’a aucune chance en politique de se faire entendre dans la rue.

Peut-être que Bazoum Mohamed, avec cet arrêt qui conforte son pouvoir dont il a consommé plus d’une année de gouvernance, pourrait croire qu’il a son pouvoir s’est renforcé. Il n’en est rien. Tout est encore fragile. Notre démocratie est sur des fondations fausses, fragiles. Et on voit chaque jour des colères qui montent, se fermentant par son incapacité à régler des urgences, par l’impatience d’un peuple qui attend et ne voit rien, par les scandales qui reviennent comme une malédiction sur du socialisme, et par son impuissance à y faire face pour faire justice au peuple. Le philosophe, comme pris dans un piège, tâtonne, hésite, peine à s’affirmer dans le pouvoir qui semble le noyer. Il vit l’anxiété du pouvoir et de son impuissance.
Bazoum est condamné à convaincre s’il veut survivre à son pouvoir protégé par la CEDEAO…

ISAK