Hama AmadouDans son arrêt n°003 du 30 juin 2017, la Cour constitutionnelle vient de débusquer une disposition inconstitutionnelle contenue dans l’article 8 de l’Ordonnance n° 2010-96 du 28 décembre 2010, portant code électoral. N’ayant jamais fait l’objet d’application, cette disposition a survécu aux élections générales de 2011 et de 2016. Et c’est à la faveur de la révision des textes électoraux que le ver est découvert dans le fruit. Cet article 8 du Code électoral de 2010 qui traite de l’éligibilité des candidats dit ceci : « Ne peuvent être inscrits sur la liste électorale :

  • les individus condamnés définitivement pour crime et non réhabilités ;
  • les individus condamnés définitivement pour délit à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un (1) an devenue définitive et non réhabilités ;
  • ceux qui sont en état de contumace ;`
  • ceux qui sont déclarés en faillite et ayant fait l’objet d’une condamnation pour banqueroute frauduleuse et non réhabilités;
  • les internés et les interdits.

N’empêchent pas l’inscription sur une liste électorale les condamnations avec sursis telles que prévues à l’article 38 du Code pénal et les condamnations pour délit d’imprudence hors le cas de délit de fuite concomitant. »

Lequel article 8 a été repris in extenso dans la loi organique portant Code électoral. Et c’est lors du contrôle de constitutionnalité de cette loi que le Juge constitutionnel a relevé le caractère anticonstitutionnel de cette disposition. Voici, ce que dit la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 30 juin : « Considérant que l’article 8 de la loi soumise à contrôle exclut de l’inscription sur la liste électorale, entre autres, « ceux qui sont en état de contumace » :

Considérant que la condamnation par contumace désigne une décision de justice prononcée contre un accusé défaillant qui dispose alors du droit de faire opposition lorsqu’il se constitue prisonnier ; qu’elle n’est donc pas une condamnation définitive susceptible de le priver de son droit d’être inscrit sur la liste électorale ;

Considérant qu’aux termes de l’article 20 alinéa 1er de la Constitution, « toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées. » ;

Qu’ainsi en préconisant que des personnes qui se trouvent en état de contumace ne puissent pas être inscrites sur la liste électorale, l’article 8 de la loi soumise à contrôle n’est pas conforme à l’article 20 alinéa 1er de la Constitution ; »

Pour mémoire, c’est le lundi 13 mars 2017 que la Cour d’appel de Niamey a condamné les accusés de l’affaire dite bébés stigmatisés ou « affaire supposition d’enfants » à un an de prison ferme. Seul absent, Hama Amadou, en exil en France, est condamné par contumace, c'est-à-dire, qu’il n’a pas assisté à son procès. Cette condamnation par contumace a été comme du pain béni pour le régime du président Issoufou qui savait pouvoir s’appuyer sur l’article 8 du Code électoral pour empêcher au président du MODEN FA Lumana, principal parti d’Opposition, d’être candidat en 2021. Mais les dieux de la politique étant visiblement avec l’enfant terrible de Youri, voilà que le Juge électoral découvre l’inconstitutionnalité de cette disposition veille d’au-moins sept ans. Un coup de chance ou un signe du destin ? On verra bien !

12 juillet 2017
Source :: L'Eclosion