Kalla Moutari, pour ceux qui le savent, c’est cet ancien ministre de la Défense devenu député depuis plus d’un an. C’était pendant qu’il dirigeait le ministère de la Défense, peut-on se rappeler, qu’un journal proche de son régime, rapportait l’affairisme qui se développait dans le ministère et le journal pro-renaissance en était d’autant écoeuré qu’il fit, sans s’encombrer de considérations partisanes, la dénonciation de mauvaises pratiques qui se faisaient, contre la réputation d’un système que Feu Mamane Abou croyait en devoir de protéger en dénonçant la mal gouvernance d’un système auquel il appartenait. C’est sans doute courageux de sa part et rare de voir des hommes reconnaître que ce qu’ils font n’est pas toujours bien. Les affaires révélées avaient fait grand bruit, mettant mal à l’aise celui qui succédait à Kalla Moutari à la tête du ministère, Pr. Issoufou Katambé à qui, à l’époque, bien d’hommes du sérail en voulaient d’avoir osé le “tankataféri” qui mettait à nu les travers d’un système que rejetaient les Nigériens dans leur ensemble, à l’exception de ceux qui profitaient de la maldonne, de la triche.
Il va sans dire, quand on juge du grand bruit que la gestion du ministère avait suscité, que l’homme ne peut qu’avoir souffert, quand peut-être, peut-il se dire, il ne jouait pas seul pour mériter tant de critiques qui fusent de partout. Il encaissait. L’homme resté depuis quelques temps à la défensive, finit par sortir de ses mutismes, pour aborder dans le journal, La Flamme, le sujet et dire, tout ce qu’il avait sur le coeur et qu’une situation, désormais intenable, l’oblige à dire, pour «vider son ventre», et pour mieux se soigner de ce qui, pour lui, ne serait pas moins que de la calomnie, de la lâcheté quand il peut manquer de solidarité et surtout réduire tout le mal à sa seule personne. Et il ne peut pas être seul, c’est vrai.
Brouille au PNDS…
On a toujours présenté le PNDS comme un des partis le plus solide de l’échiquier et qui aura résisté à tous les malaises qui l’auront traversé, ce au nom, prétend-on, de la discipline de ses responsables et de la gestion militaire du parti. Si le parti a pu résister – et à quel prix – au séisme qui l’a traversé avant les dernières élections avec l’adversité fratricide qui avait opposé pour la candidature Bazoum à Hassoumi, saura-t-il résister à cet autre orage qui siffle dans les entrailles du présidium, avec aujourd’hui cette voix grommeleuse d’un mécontent qui, visiblement, ne comprend rien à ce qui lui arrive, manquant finalement de solidarité autour de sa cause, pour le jeter en pâture et peut-être pour le sacrifier. Comment ne pas le croire, quand parlant de la dernière révélation dans laquelle sa signature recommandant un homme et sa société, avait été largement partagée sur les réseaux sociaux comme pour lui nuire. Ainsi aura-t-il compris de la part de ses détracteurs qui ne seraient nulle part que dans son camp, peut-il se plaindre. Et on se demande pourquoi est-il sorti du cadre discret du parti, sinon de son directoire, pour exploser dans la presse où tout le monde peut entendre ses colères, son indignation, son incompréhension ? En tout cas, on aura compris qu’il n’en peut plus d’endurer, d’encaisser sans réagir. Il l’a dit du reste : «J’ai assez enduré et patienté». L’homme ne peut plus continuer à se taire pour un problème pour lequel, à l’entendre, on voudrait le présenter comme unique responsable. Il finit donc par craquer. C’est pourquoi, dira-t-il, «Je vais essayer de toucher l’aveugle pour qu’il comprenne que je le vois». Qui est donc l’aveugle ? Est-ce Katambé ? Est-ce un autre de l’entourage d’Issoufou. Est-ce même Bazoum ? En tout cas lui le voit et le connait et si la tempête qui prend forme n’est pas vite gérée, sans doute va-t-il sortir de ces imprécisions pour révéler l’aveugle qui, parce que ne voyant pas, pourrait croire qu’un autre ne le voit pas.
C’est Kalla Moutari lui-même qui parle de problèmes au sein du parti et l’on se demande au nom de qui, prend-il aujourd’hui la parole. A l’entendre, «la rivalité – [le mot est trop fort et assez chargé] – du pouvoir aidant, la méfiance remplace la confiance militante». On peut croire désormais, à en croire l’ancien ministre de la Défense, que personne ne fait confiance à personne au PNDS. Ce que les journaux rapportaient il y a quelques jours ne serait donc pas faux ! Le ver est dans le fruit ! Et pour lui, c’est le pouvoir qui a obnubilé les gens au point d’oublier qu’il y avait aussi à faire attention au parti et à sa survie au-delà de la gestion du pouvoir et de ses rentes. Pour lui alors, «L’assurance du pouvoir fait baisser la garde et [les] incite à prendre des adversaires pour [leurs] amis», toute chose qui serait de leur part une erreur monumentale. Et gare aux nouveaux venus !, peut-on l’entendre, étouffé dans sa parole. En français facile, les nouveaux amis, sont des adversaires et ils doivent être traités comme tel !
On peut croire que l’on est au PNDS à un point de non-retour quand, plus que jamais, les colères sont dans la rue, avec un autre qui, excédé et à bout de nerf, dira comme pour faire comprendre qu’il ne puisse plus se taire : «Je ne peux pas vouloir ce pays, ce régime ou le PNDS plus que tout le monde», et si tout le monde n’en veut plus, pourquoi devrait-il, lui continuer à vouloir ce que les autres ne veulent plus ? On comprend donc qu’il râle, mais couvrant ses propos de non-dit comme pour alerter dans le parti qu’il faut arrêter certains comportements qui viseraient peutêtre à le sacrifier sur l’autel de la lutte contre l’impunité. Peut-être qu’on voudrait lui faire payer sa gestion, quand jusqu’ici le nouveau régime peine à s’affirmer sur un tel dossier, ne pouvant s’attaquer qu’à des alliés non à des militants reconnus de leur parti. Craindrait-il d’être l’agneau à immoler pour cette cause, où, le nouveau régime pourrait l’exhiber comme un trophée de son combat contre la mauvaise gestion avec enfin, un «gros poisson» du parti pris. Kalla Moutari a peut-être compris la menace qui vient.
En tout cas, l’ancien ministre devenu député national est prêt à se défendre contre son propre camp, contre ceux qu’il appelle de «faux amis» qui seraient venus les envahir dans le parti au point de jouer au trouble-fête.
Mais comment cet homme en est arrivé à craquer, ne pouvant tenir pour oser cette sortie fracassante ? Lorsque La Flamme lui demande, «Vous dites pourtant être habité par une volonté de fer pour accompagner le président, votre camarade de toujours», il n’a plus qu’une réponse sèche qui en dit long sur son humeur coléreuse, difficilement soutenable : «Je l’accompagne à ma manière avec les moyens dont je dispose». Kalla Moutari est bien fâché contre quelqu’un mais pour le moment, il manque de courage à dire contre qui il est fâché au-delà de cet aveugle qu’on pourrait craindre qui ne soit pas un pôle adverse au sein du Pnds- Tarayya. Enfin…
Ce soutien dérisoire alors, ne peut l’empêcher de se défendre, de faire face aux loups du parti qui s’agrippent à son cou pour vouloir l’anéantir. Ainsi, avoue-t-il, « […] ça n’exclut pas que je me défende quand c’est nécessaire. Je serai d’autant plus à l’aise que je suis un député» qui pourrait ne pas s’encombrer de quelque conformisme pour ne pas heurter un camp ou un autre, car, peut-on comprendre, représentant du peuple, il ne peut parler qu’au nom du peuple pour dire même ce qui fâche. Kalla Moutari est-il si acculé dans sa majorité qu’il peut sortir des griffes pour vouloir faire mal à un «aveugle» ?
C’est à croire que dans la maison ça ne va plus. L’air y est irrespirable du fait de certaines brebis galeuses qui polluent le climat à l’intérieur du parti et du régime. Aussi se plaint-il qu’ «il y [ait] pleins d’embûches et de faux amis qui ont fait leur apparition et qui entretiennent un climat exécrable dans le pays», mieux sans doute, dans le parti. Et l’homme est d’autant étouffé qu’il sort pour «vomir» ses colères. Et tant pis que ça dérange ! Mais sa parole est trop ambiguë. En même qu’il s’en prend à d’autres sans avoir le courage de les nommer alors qu’ils pourraient être du cercle du nouveau pouvoir, on l’entend qui flatte les autorités dont il s’attaque aux pourfendeurs pour se faire bonne conscience et pour qu’on ne doute pas trop de lui et de son engagement dans la Renaissance acte III. Il n’y a donc pas de traçabilité dans son discours. On ne comprend donc pas quand il dit : «Ceux qui essaient de salir les autorités de ce pays découragent les bonnes volontés et le monde des affaires». Est-ce donc à dire que pour cela, l’on doit laisser ce qu’il appelle le monde des affaires fonctionner comme il veut, sans jamais critiquer ce qui s’y fait ? Et puis, qui sont, après les «aveugles», les «bonnes volontés» dont il parle ? On imagine qu’il serait de ceux-là. Mais avant de s’inscrire là, sans doute qu’il lui reste beaucoup à faire, notamment à convaincre de ce que l’on lui reproche dans sa gestion n’est pas vrai et cela, ne se fait pas dans les colonnes d’un journal mais devant un juge si tant est qu’il aspire à se blanchir, à prouver son innocence dans ce que fut sa gestion. Et puis, pourquoi, ne parle-t-il que de cette dernière affaire révélée alors qu’il y en a d’autres bien connues, du temps de sa gestion ? Dans la dernière affaire, il est vrai que l’on ne l’accuse que d’avoir recommandé un homme et sa société et quoi qu’il puisse penser, les Nigériens auront à redire sur le profil de son homme et de ses compétences douteuses, sur l’initiative et la portée d’une telle lettre compromettante. Si d’ailleurs l’enfant ne sert que de prête-nom dont on abuse de l’inexpérience politique et de la naïveté enfantine, juvénile…
Kalla en veut à bien de personnes au sein de son régime. «Aveugles», «bonnes volontés», «monde des affaires», «faux amis», renferment tant d’imprécisions qu’on ne sait de qui voudrait-il parler pour se faire comprendre. Ces termes génériques ne permettent pas de préciser sa pensée et de comprendre où il voudrait en venir. Il n’est que très décontenancé. Manque-t-il de solidarité au sein du système relativement à sa gestion de laquelle il devrait répondre pour en vouloir à un certain monde ? Ce sont les Nigériens qui demandent justice et surtout pour que le MDN-Gate ne reste pas impuni, pour l’Histoire. C’est à peine voilé qu’il range au rang de traîtres ces «faux amis qui passent la nuit à saper et la journée à [les] courtiser». Ceux qui sont venus à la dernière heure dans le parti et dans le régime, doivent se regarder : ils commencent à être de trop pour supporter longtemps leur lâcheté. C’est tant pis pour les retourneurs de veste, pour les renégats. Pour les transfuges partis par opportunisme pour les envahir.
Il voit d’ailleurs trop de trahison autour d’eux pour vouloir que le PNDS reste le même, avec les mêmes hommes pour ne pas se laisser parasiter par des «militants-frelatés», migrants venus d’ailleurs. Pour lui, «les trahisons ont été toujours difficiles». Peut-il d’ailleurs croire que le problème du PNDS viendrait plus des nouveaux amis, des nouveaux adhérents, ceux qui sont venus à la dernière heure, aux temps des vaches grasses, au moment où le parti vient au pouvoir, que de ceux qui, même anciens dans le parti, gèrent mal pour ternir l’image du parti et de son socialisme ? Le problème du PNDS, à ce que l’on sache, ne se pose pas en termes de nouveaux ou anciens militants, mais bien en termes de gestion, et il faut reconnaître qu’un nouvel adhérent peut gérer mieux souvent qu’un ancien. C’est malheureusement le constat amer que l’on est tenté de faire. Qui, de ceux qui sont venus dernièrement dans le parti, peut-il soupçonner de défaitisme pour le croire à l’origine de ses déboires et des problèmes de son parti, et de ses problèmes dans le parti ? Regardez-vous, nouveaux militants indésirables, agrippés comme mouches à un os sans goût, bien lavé de son arôme et de ses épices par une langue gourmande.
Quelques points de lucidité…
L’homme, malgré les propos souvent contradictoires, ne manque pas de lucidité dans son discours notamment lorsqu’il dit qu’ «accompagner le président Bazoum est un devoir pour les militants du PNDS et pour [leurs] alliés sincères». Et communiquer étant ce que l’on dit sans le dire, on aura compris que pour Kalla Moutari, il y a au sein de la Renaissance, des alliés qui ne sont pas sincères et qu’il faudrait peut-être chasser de la majorité. En tout cas, il y a de quoi paniquer pour ceux qui partaient pour glaner dans l’empire rose leur pitance devenue tragiquement aléatoire. D’ailleurs, pour lui, le parti n’a que faire d’alliés inutiles, qui ne servent plus à rien car, fait-il remarquer, «Nous sommes assez nombreux et assez intelligents si déterminés pour le faire tous seuls, par [eux]-mêmes». En parlant de rassemblement, tombant toujours dans la contradictoire alors qu’il appelait à un autre rassemblement, le voilà qui appelle au rassemblement partisan qui ne concerne que le PNDS seul : «il s’agit d’ «aller au rassemblement, à l’engagement, à la vigilance».
Pour Kalla Moutari, le PNDS ne pourra pas bien gérer tant qu’il devra partager le pouvoir avec d’autres personnes, d’autres partis politiques opportunistes. Et quand même, il prétend qu’ils sont «si nombreux», peut-il reconnaître que cela ne leur pas empêché de voler des élections, de brutaliser un processus électoral et de passer par des moyens peu amène pour «arracher» le pouvoir ? Il fait croire que leur parti est devenu tellement grand qu’il ne peut gérer son monde, et surtout que parmi, il compte aujourd’hui des incultes politiques et des indisciplinés. Il regrette d’ailleurs qu’ «il n’ [ait] pas été possible au parti de prendre en charge l’éducation militante de toute cette diversité [d’arrivistes]».
Mais les colères de l’homme se résument en une seule chose…
Kalla Moutari ne comprend pas qu’à chaque fois, c’est de son cas seul que l’on parle alors qu’il ne serait pas seul à gérer le ministère de la défense et notamment lorsque parlant de cette dernière affaire révélée, l’on ne fait le focus que sur sa fameuse lettre de recommandation sans jamais faire cas du ministre qui a accordé le marché et s’assurer que celui-ci avait été accordé dans les règles. On comprend d’ailleurs que Kalla en veuille à l’activiste qui l’a incriminé pour dire – il n’en est qu’habitué – qu’il portera plainte contre lui. En tout cas pour lui, «ce marché aura été donné par un ministre de [leur] régime», et ajoute-t-il, «Il n’y a normalement pas de problème à le faire si les règles en la matière ont été respectées par le ministre». Mais il ne comprend pas que «sur cet aspect, [il] n’ait pas entendu des griefs formulés, sauf que, [constatet- il] que le DG de la société serait très jeune».
Kalla Moutari, insidieusement, appelle à regarder dans la passation du marché. Le problème devrait se situer là. C’est peut-être la stratégie du «Je ne coulerai pas seul».
L’interview de Kalla Moutari vient rendre compte de la réalité des malaises qui traversent le parti de Bazoum Mohamed.
L’homme, en vérité, depuis quelques temps, est resté là à surgir à chaque fois, pour intervenir sur les médias, même lorsque le pouvoir législatif dont il relève désormais n’est pas mis en cause, pour vouloir jouer au défenseur de l’Exécutif, comme si, l’homme pouvait voir quelque menace venir d’ailleurs pour pouvoir, par cette précaution et cet engagement militant et partisan, s’attirer la sympathie de l’Exécutif pour le protéger d’éventuelles épreuves qui pourraient venir à lui. Faut-il donc croire qu’un autre vent est en train de tourner et que la débandade commence ?
Time will tell, ncessarily…
Gobandy