Voilà plus d’un an que le Niger se plaint d’héberger deux présidents, un qui est officiel mais souvent contesté et un autre, informel qui s’impose en occupant encore des espaces publiques, gênant son prédécesseur qui semble ne pas vouloir ouvrir des relations conflictuelles avec lui pour ne pas détériorer une amitié que le pouvoir risque d’entamer lorsque le vieil ami ne peut assumer son nouveau statut d’ancien président, pour être discret, voulant toujours les faveurs perdues du pouvoir. Peut-il comprendre la situation inconfortable dans laquelle il place son successeur qu’il peut tant gêner par son ombre envahissante ? Peut-il savoir d’ailleurs qu’il n’est pas le seul ancien président encore vivant dans le pays pour s’autoriser cette doublure gênante à la tête de l’Etat ?
Cela fait donc longtemps que les Nigériens se plaignent de cette situation incongrue, anormale dans une démocratie qui se veut normale. C’est à croire qu’il se sert de Bazoum Mohamed pour gérer par procuration un troisième mandat déguisé. Son activisme débridé a soulevé un tollé dans le pays et l’homme avait certainement compris à quel point il est malaimé dans le pays et à quel point son omniprésence gênait pour choisir alors de disparaitre des écrans un moment, faisant croire par un tel repli tactique qu’il avait compris et qu’enfin, il acceptait de jouer son rôle d’ancien président pour rester discret ainsi que savent le faire Mahamane Ousmane et Salou Djibo qu’un passage à la tête du pays n’a pas tant aveuglé à croire qu’ils seraient incomparables dans le pays, et indispensables au pays. Et l’on peut, à juste titre se rappeler cette belle leçon de Mahamane Ousmane quand, ne comprenant pas le comportement de gens qui ont peur de perdre le pouvoir et des avantages, il peut dire : « Même après la présidence, une autre vie est possible » et qu’il n’y a pas tant à s’agiter. Il est dommage qu’un socialiste se comporte de la sorte, manquant d’humilité autant que de vision.
Mais voilà qu’on a cru qu’il a compris que ses interférences agaçaient, et qu’on le voit revenir dans les mêmes comportements qui avaient provoqué tant d’aversion chez les Nigériens. Aussi, revient-il à la charge, gonflé de vanité pour jouer au monarque pour se déplacer dans le pays, comme un président en exercice, une façon, peut-être, de montrer à l’autre qu’il reste, quoi qu’on dise, celui qui tient encore les rênes du pouvoir.
S’offrant le prétexte d’une présentation de condoléances, un acte humain que commande des obligations sociales de notre société et qui se fait toujours dans la discrétion car très privé, Issoufou Mahamadou, profite, on ne sait pour faire passer quel message, pour d’une part se déplacer avec ce qui serait son gouvernement parallèle, et d’autre part, faire étalage de son ʺpouvoirismeʺ ostentatoire dans la région de Maradi où il se déplaçait en compagnie de Pierre Foumakoye Gado et de Kassoum Moctar, le premier étant le haut représentant du président de la République mais visiblement plus d’Issoufou que de Bazoum et le second, ministre dans le gouvernement actuel et passé. Si Foumakoye Gado peut être dans le déplacement parce qu’il est l’homme de confiance, le grand frère aussi, pourquoi le jeune Kassoum Moctar part avec l’ancien président ? Est-ce un message que l’ancien, par un tel choix, envoie au nouveau pour lui faire comprendre qu’il n’aurait pas été content du traitement qui aura été fait à so, protégé, il y a quelques semaines, en plein conseil des ministres, pour lui faire si publiquement, devant les collègues ministres, des remontrances ? En partant à Maradi avec lui, sans doute que ce choix n’est pas innocent et que derrière le choix, on pourrait lire un message qu’Issoufou envoie à son successeur. Et le « Petit », peut être d’autant gonflé qu’il pourrait croire qu’il a malgré tout le meilleur avocat pour continuer à siéger dans le gouvernement même contre le premier responsable du pays, du moins, si l’on tient du fait qu’il soit aujourd’hui le président « élu ».
Mais il y a davantage à ne rien comprendre des atours d’activité officielle que donne Issoufou à sa dernière visite dans la région de Maradi quand, on peut le voir descendre de l’avion, accueilli par des hommes en tenue, quelques officiels, toutes choses auxquelles, du point de vue protocolaire, rien ne lui en donne droit. Il n’est plus qu’un citoyen, fut-il ancien président, qui, dans un déplacement privé, se rend dans une contrée du pays pour présenter des condoléances. Et il n’y a pas de quoi faire trop de grand bruit autour d’un acte social.
A la vérité, Issoufou Mahamadiou en fait trop et ce n’est pas bon pour la démocratie. Pour lui aussi sans doute…
Lire les complicités…
Quand on voit le tandem Issoufou-Foumakoye s’agiter trop ces derniers temps, c’est qu’il y a à craindre qu’il ne mijote quelque chose sur le dos du nouveau pouvoir, ayant sans doute, par leurs complicités, à défendre la même cause car, on peut imaginer que ce qui fera couler un, n’épargnera pas l’autre. Ils savent, mieux que quiconque, comment ils ont géré le pays, tous les problèmes dont ils peuvent être collégialement comptables, pour comprendre qu’ils ont à renforcer leurs complicités et leurs solidarités afin de se tirer de mauvais draps, de se protéger d’éventuelles représailles et ce à un moment où, comme pour annoncer une mauvaise saison, pour l’ex-patron, une plainte est déposée et celle-ci, est déclarée recevable.
Les Nigériens voient et comprennent les appréhensions légitimes qui déroutent les anciens princes…
Comme quoi, tout en ce bas monde, tout a forcément une fin. Et cela ne se fait pas qu’avec des armes qu’on a tant redoutées pendant dix années de règne, et de peur.
Lawal Manzo