Décidément, sous le règne des renaissants roses, le Niger paraît être le plus beau pays du monde où la démagogie politique, la dispute à l’imposture démocratique, érigées en principes et règles de gouvernance par les princes au pouvoir. En effet, il y a longtemps que les scandales politico-financiers ayant émaillé la gestion désastreuse d’Issoufou Mahamadou et de son clan politique, une décennie durant, ont cessé d’être un souci pour ce régime au charme destructeur. Même les plus sceptiques de nos concitoyens sont sur le point de se convertir au constat général qui se dégage de l’analyse fine de ce qui aura constitué la présidence d’Issoufou Mahamadou et de son avatar politique qu’est le régime de Mohamed Bazoum : l’imposture suprême. A vrai dire, l’on aura beau chercher un oxymore adoucissant pour une telle qualification, force est de reconnaître, après coup, l’échec de la tentative, et en conclure, en toute logique pure, à la pertinence du vocable d’imposture, l’ADN du régime de la renaissance d’Issoufou Mahamadou et de son clan politique. Pour illustrer le propos précédent, nous aborderons le cas de la surprenante Note du Premier Ministre, Ouhoumoudou Mahamadou, en date du 23 juin, 2022, adressée aux membres du Gouvernement, aux Directeurs de Cabinet de la Présidence et de la Primature, aux responsables d’institutions étatiques et aux dirigeants sociaux des Sociétés d’Etat, dans laquelle le PM semblait prêter l’oreille aux effarants et inadmissibles manquements dans la gestion publique relevés par la Cour des Comptes, dans son Rapport Général Public 2021. Comme vous le savez déjà, ces fautes de gestion ont beaucoup concerné la passation des marchés publics et la délégation de services publics, qui ont été souvent passés dans des conditions dépassant l’entendement humain, en violation flagrante des règles et principes élémentaires encadrant la passation des marchés publics et de délégation de services publics, tels qu’édictés par le Code de Passation des Marchés Publics et de Délégation de Services Publics. Nous l’avions déjà souligné, dans nos éditions précédentes, la Cour des Comptes a réalisé un travail remarquable sur ce qui aura été la gestion politique et publique, sur une très courte période (trois années environ), du régime de la renaissance qui aura été éclaboussé, à maintes reprises, par ces scandales à répétition liés à la passation des marchés publics ou à la délégation de services publics. Faut-il le rappeler utilement ici, dès son installation, le régime de la renaissance avait vu deux de ses ministres, dont l’actuel PM, à l’époque Ministre de l’Economie et des Finances, et le Ministre de l’Equipement, Kalla Ankaraou, démissionner du Gouvernement, après l’Avis consultatif de la Cour Constitutionnelle, saisie par le Gouvernement à l’effet d’interprétation des dispositions constitutionnelles relatives aux restrictions imposées aux députés nationaux en matière d’accession aux marchés publics ou aux contrats publics. La haute juridiction en matière constitutionnelle et électorale en avait conclu, en l’espèce, que l’élu parlementaire, même possédant un pour cent dans le capital de la société soumissionnaire, ne pouvait postuler à des commandes publiques ou à des contrats publics. Or, ces deux ministres avaient autorisé la passation de marchés publics à des sociétés dans lesquelles les députés concernés avaient des participations, souvent majoritaires. Ecartés un moment de la gestion politique, ces deux supers ministres du ‘’Guri Système’’ vont être réhabilités par leur mentor politique, Issoufou Mahamadou. Et depuis, Issoufou Mahamadou et son clan politique n’ont cessé de narguer les Nigériens devant l’impunité érigée en règle d’or de gouvernance, en dépit des cris d’orfraie émis par l’opposition politique, la Société civile et la presse indépendante, sans qu’un début de justice sociale soit apporté à cette tragédie nationale. ‘’L’uranium gate’’, l’affaire ‘’Africard’’, et last but not the least, le fameux dossier du Ministère de la Défense Nationale (MDN), dont, manifestement, du côté du régime actuel, l’on n’a pas encore tiré toutes les leçons possibles du passé.

Du recours au subterfuge du secret/défense

A première vue, l’on pouvait marquer une satisfaction dans la Note du PM qui exigeait le respect des procédures en matière d’entente directe, notamment les mentions obligatoires sur l’identité des personnes physiques qui se trouvent à la tête des sociétés adjudicataires des marchés conclus par le mode d’entente directe. Désormais, aux termes de cette Note, aux allures de circulaire interprétative, les ministères, les institutions de la république et les sociétés d’Etat, devront observer, en matière d’entente directe, ces formalités légales sous peine d’annulation dudit marché public ou dudit contrat public. Mais, la nouvelle règle souffre, tout de même, d’une exception de taille qui viendrait, en quelque sorte, la vider de toute sa substance, à savoir la dérogation aux marchés et contrats relatifs à la défense et à la sécurité. Or, c’est justement au niveau de l’un des ministères chargés de ce volet, en l’occurrence le MDN, que la question du respect scrupuleux des règles et procédures en matière de passation de marchés publics et de délégation de services publics se pose avec la plus grande acuité. Qu’avait-on découvert au niveau de ce ministère régalien ? Plusieurs milliards de nos francs avaient été ainsi compromis, suite à des irrégularités flagrantes et délibérées commises, soit dans la passation même des marchés ou des contrats, soit dans leur exécution défectueuse, ou carrément, leur non-exécution (après avoir souvent empoché l’avance de démarrage). Malgré ce qui vient de se passer au MDN, selon la Note du PM, l’entente directe a encore de beaux jours devant elle, et se fera dans les mêmes conditions d’opacité, de non-transparence à des finalités qu’il n’est pas difficile de déceler derrière les intentions affichées dans la Note-circulaire du PM, à savoir celles d’entretenir les opérateurs économiques proches du régime pour les grosses commandes d’équipements militaires et de sécurité effectuées par le MDN et le Ministère de l’Intérieur, le voisin à la fois géographique et stratégique.

Pour soustraire ces deux volets (défense et sécurité) de la sphère de compétence de cette Note, on a recouru, mais alors de manière abusive, au principe sacro-saint du secret/défense, au terme duquel les conventions de marchés ou de contrat passées par ces deux entités ministérielles, en raison du caractère stratégique de ce genre de questions, n’est pas assujettie à l’observation de ces règles de transparence publique afin de ne pas compromettre la sécurité intérieure et extérieure du pays. Mais, même dans ce cas précis, les dépenses engagées dans ce domaine ne sauraient échapper au dispositif national de contrôle de l’exécution du budget général de l’Etat, conformément aux pertinentes dispositions du Code de transparence dans la gestion des finances publiques adopté par le Niger, dans le sillage de l’internalisation des directives communautaires (UEMOA) relatives au cadre harmonisé des finances publiques dans cet espace. Toute la philosophie et toute l’économie visées par ce cadre harmonisé des finances publiques de l’espace UEMOA se fondent sur les concepts fondamentaux de transparence dans gestion publique et d’efficacité de la dépense publique, dans une perspective globale de culture de performance. C’est d’ailleurs pourquoi les lois de programmation militaire, domaine privilégié du secret/défense, doivent être transposées dans les Lois organiques relatives aux Lois des Finances (LOLF) afin que le Parlement (le public) puisse se prononcer là-dessus. Ce qui revient à comprendre que le respect de ces principes fondamentaux de gestion des finances publiques n’entendait guère faire une distinction selon la nature intrinsèque des dépenses publiques. Tout au plus, des règles particulières de transparence pourraient venir encadrer ces dépenses publiques spécifiques, pour les soustraire ainsi d’un éventuel arbitraire dans leur mode de passation, au lieu de continuer à entretenir le procédé d l’entente directe dans une sorte d’opacité totale. Malheureusement, la présente Note du PM Ouhoumoudou Mahamadou vient semer davantage le trouble dans l’utilisation de l’entente directe, la source principale des abus relevés dans la passation des marchés publics et de contrats publics, dont on pouvait espérer la suppression pure et simple pour son caractère souvent arbitraire ! Au nom de quoi le MDN et le Ministère de l’Intérieur pourraient-ils continuer à recourir à la formule de l’entente directe, pour des commandes publiques d’armements et de d’équipements de sécurité qui se chiffrent à plusieurs milliards de nos francs, pendant que les autres entités dépensières de l’Etat devraient observer les conditions posées à cet effet ? La réponse à cette importante question est simple à deviner : le secret/défense est un concept fourre-tout afin de faire bon marché des règles budgétaires. La copie présentée par le PM se veut comme une insulte à l’endroit du Rapport Général Public 2021 de la Cour des Comptes, et non sa prise en compte ou sa traduction en actes concrets de bonne gouvernance, ratant ainsi une bonne occasion de se taire de la part d’un adepte convaincu de la gestion paternaliste et patrimoniale de celui dont il avait été le Directeur de Cabinet, Issoufou Mahamadou ! Simple avis !

Sanda