Aussitôt limogé, et avant même qu’il fasse la cérémonie de transfert de pouvoirs avec son successeur, l’ancien commandant de la Garde nationale, Mohamed Sidi, est nommé conseiller technique du ministre de l’Intérieur. À ce poste, il devient un proche collaborateur du ministre de tutelle dont il va nécessairement inspirer les décisions, particulièrement en ce qui concerne la Garde nationale. Mohamed Sidi n’a, donc, pas été sanctionné. Il a connu une mutation de service qui ne lui enlève rien de ses attributions. Au contraire ! Une pratique à laquelle le régime est habitué et qui a consacré l’impunité à tant de personnes impliquées dans des scandales devant, en principe les conduire en prison. Les cas sont légion et ont commencé avec l’ancien président, Issoufou Mahamadou. En bon héritier, Bazoum Mohamed lui a emboîté le pas, renforçant, en un an, la culture de la corruption systématique et de l’impunité. C’est un véritable système de gouvernance. Pour les ministres, le mode opératoire est simple. Tu concoctes, avec la complicité active du fournisseur et/ou du prestataire, un marché ou deux, voire trois, de plusieurs milliards et tu les lui attribue selon la procédure d’entente directe. Une procédure exceptionnelle qui est solidement encadrée par la loi mais qui est devenue l’usage récurrent au niveau du gouvernement. Puis, tu le communiques, sans crainte et sans gêne, en conseil des ministres qui valide sans restriction et les rend publics à travers le communiqué gouvernemental sanctionnant la réunion des ministres. Cette validation du gouvernement est faite en présence et sous la présidence de Bazoum Mohamed, qui a solennellement déclaré, lors de son investiture, une guerre sans merci contre la corruption. Il ne se sent nullement embarrassé puisque luimême en a inspiré.
Récemment (le 22 juin 2022), à l’issue du conseil des ministres, deux marchés de plusieurs milliards ont été attribués à une entreprise malienne dénommée Builders S.A et appartenant à un certain Ibrahima Diawara. Un marché relatif à des études de faisabilité pour la construction d’infrastructures universitaires dans les centres de Niamey, Tahoua, Maradi et Zinder pour un peu plus de trois milliards et un second pour la construction d’infrastructures à l’université Abdou Moumouni de Niamey pour un près de 32 milliards. Le montant combiné des deux marchés atteint ainsi les 35 milliards de francs CFA. C’est le montant officiel. Dans un post qu’il a publié, le journaliste Ibrahima Hamidou révèle que, sur sa page Facebook, Ibrahim Diawara informe qu’il s’agit d’un paquet de marchés (études et travaux) totalisant 110 milliards. Des marchés passés par entente directe, sans mise en concurrence. Un retour d’ascenseur bien apprécié par le Pdg de Builders S.A qui, apprend-on, a mis à la disposition de Bazoum Mohamed un aéronef pour les besoins de sa campagne électorale en 2020 et 2021.
L’acquisition d’armements modernes et appropriés pour le compte de l’armée nigérienne est aussi un autre dossier parmi tant d’autres. Conduite par le Président Bazoum, en personne, la mission a révélé ses contours, toujours sur fond de corruption. Boubacar Mamadou Abdoul Kader alias Kader Beceao de Kahlif Security, au centre d’un scandale financier lié à des contrats d’armements non honorés, était dans la délégation présidentielle. Et selon des témoignages rendus publics, ce n’est pas moins de deux milliards de francs CFA de commissions qu’il a touchés.
À la Société nigérienne de pétrole (Sonidep), c’est un bureau qui a été nuitamment cambriolé afin d’y soutirer des documents compromettants pour certains responsables de la société. En plein audit. Pourtant, des éléments de la Garde nationale veillent à la sécurité des locaux. Une pratique qui fait craindre le pire et qui s’inscrit, quoi qu’il en soit, dans les cordes de l’impunité accordée aux auteurs de crimes économiques et humains.
Telle qu’elle est pratiquée au Niger, au plus haut sommet de l’État, la corruption est un système institutionnalisé. Un Observateur de ce phénomène relève que c’est la signature institutionnelle du régime. De Issoufou à Bazoum, ce fil conducteur n’a jamais été rompu. Ni même entravé. Les affaires se succèdent, chacun prend sa part là où il peut, inspirant et favorisant le développement de la corruption tous azimuts. Parfois, le père, la mère et le fils sont tous dans ce marécage où l’État est confondu à des individus. Les marchés publics ne sont pas forcément concoctés pour répondre à des besoins, mais en priorité pour enrichir la clientèle politique.
Bazoum Mohamed a, donc, suivi le fil conducteur qui, depuis 11 ans, enrichit la clientèle politique au détriment de l’Etat. Une pratique qui a fait des milliardaires en une décennie tandis que les secteurs sociaux sont dans un état critique. Tout, pratiquement, est sujet à scandale financier. C’est à une véritable course à l’enrichissement que se livrent les gouvernants, les détournements des deniers publics étant compris et acceptés des dirigeants nigériens. Mieux, ils les encouragent en garantissant l’impunité aux auteurs et en étant, eux-mêmes, les galvaniseurs des pratiques de corruption à travers l’attribution des marchés publics. Tous les problèmes auxquels le Niger est, aujourd’hui, confronté, sont consécutifs à la corruption. Un fléau qui a détruit le tissu et les valeurs de la société nigérienne, hypothéqué les secteurs sociaux de base, ruiné la santé financière de l’Etat, favorisé le trafic de drogue et compromet dangereusement la sécurité et la défense nationales. Le Niger est certainement dans le creux de la vague. Mais, les dirigeants n’en ont cure. L’essentiel, pour eux, c’est de continuer à garder les rênes du pays. De 2011, année de l’accession au pouvoir d’Issoufou Mahamadou, à ce jour, la corruption a été le fil conducteur du régime. Ceux qu’il considère comme le siens s’enrichissement, dressant immeubles de haut standing, villas et autres richesses matérielles tandis que le pays se meurt, les hommes sont tués comme des mouches et l’intégrité du territoire national est sujette à caution.
Doudou Amadou