La semaine dernière, sous la plume d’un confrère de l’Onep, l’on apprenait avec ce titre, « 1ère session du dialogue politique Niger-Union Européenne au titre de l’année 2022 : l’UE salue le modèle démocratique du Niger et son impact positif sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel », non sans en être étonné, l’appréciation que l’Union Européenne pouvait faire de la démocratie nigérienne et, de la qualité de la gouvernance dans le pays. Une telle façon de ménager les gouvernements africains, même lorsque tout le monde sait qu’ils gouvernent mal, ne vient que d’une mauvaise foi manifeste. Faut-il croire que les règles de la diplomatie obligent toujours de contenter un autre de mensonges, d’éloges immérités, surtout quand il est de notoriété publique que ceux que l’on couvre de flatteries gèrent mal ?

Ainsi, apprend-on que « La première session au titre de l’année 2022 du dialogue politique entre le Niger et l’Union Européenne s’est tenue le vendredi 8 juillet 2022 à Niamey ». Cette rencontre, pose-t-elle le problème de la gouvernance politique, telle que les deux parties peuvent la penser afin d’harmoniser leurs positions sur un certain nombre de valeurs universelles de gouvernance ? On ne peut qu’en douter quand, d’emblée, on apprend de l’UE, que la démocratie nigérienne, ayant accouché pourtant d’un avorton d’alternance, serait un modèle pour le Sahel et même pour toute l’Afrique de l’Ouest. Le dit-on parce que dans le pays, à l’exception de tous ceux qui sont affectés par le terrorisme, le Niger reste le seul à ne pas connaitre un coup d’Etat pour juger de sa stabilité que l’on sait pourtant fragile et aléatoire ?

Comment ne pas s’indigner d’entendre que « L’Union Européenne à travers la cheffe de sa délégation au Niger, a salué la perspicacité du modèle démocratique nigérien de même que son impact positif sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel ». Rien n’est plus faux. Comment peut-on faire une telle déclaration insultante à l’endroit des Nigériens, quand, nombre de prisonniers politiques, pour leurs opinions, si ce n’est pour leurs paroles, sont encore en prison juste pour les plaisirs cyniques d’un prince insatiable, souvent depuis plusieurs années alors que des voleurs de milliards courent toujours, intouchables ? Comment, peut-on le dire quand on sait les conditions rocambolesques dans lesquelles les dernières élections se sont passées dans le pays, et notamment lorsque des arguties à dormir debout peuvent permettre d’exclure des Nigériens des compétitions électorales, et sans que ceux qui peuvent aller pour se faire élire dans les conditions troubles que l’on sait n’aient pas à faire valoir quelque moralité qui manquerait à un autre ? Comment le croire encore quand, on sait la montagne de scandales et de détournements impunis qui ont jalonné la gouvernance de ceux que l’Union Européenne peut célébrer ? Comment, peut-on le croire quand enfin – et la liste n’est pas exhaustive – un homme, incapable de se ranger, inaugurant un troisième mandat par procuration pour faire croire qu’il abandonnait le trône, peut gêner son successeur pour lequel, il joue la doublure agaçante dans un pouvoir arrondi à la gémellarité ?

Non, cette Union Européenne partisane ne joue pas à la neutralité et en continuant à entretenir de telles faussetés sur la qualité de la gouvernance dans le pays, elle se met en porte-à-faux avec les attentes des Nigériens dont elle ignore et méprise ainsi les colères et les amertumes, les attentes légitimes et les espoirs. C’est pourquoi, l’on ne peut pas cacher son dépit en entendant le diplomate en Chef du Niger – Hassoumi Massaoudou – s’en féliciter naturellement de ces gâteries peu saines de partenaires qui jouent aux laudateurs intéressés avec ces propos : « Cette mobilisation de la partie amie « est le témoignage éloquent de la grande considération que vos pays respectifs portent à l’endroit du Niger dans ses efforts pour la construction de la démocratie et de l’Etat de droit, la bonne gouvernance, la lutte contre la pauvreté, et la lutte contre le terrorisme ». Rien, encore une fois, ne peut être plus faux. Peut-on parler de bonne gouvernance dans un pays où les crimes économiques – et ils sont nombreux – ne sont pas punis avec aujourd’hui bien d’hommes connus impliqués dans différentes affaires mais qui restent intouchables et qui se la coulent douce, occupant toujours des positions de privilège dans le nouveau système ? L’U.E. n’a aucun respect pour les Nigériens et pour leur démocratie. Peut-elle ne pas juger de ces actes qui consacrent sur le continent et au Niger la mal gouvernance ? Et l’on, s’étonne, comme si elle venait d’une autre planète, d’entendre dire « La cheffe de la délégation de l’Union Européenne au Niger, Mme. Denisa-Elena Ionete, [qui se réjouit] du dynamisme de la démocratie nigérienne », ne pouvant trouver mieux à dire sur les réalités criardes de ce pays malade où depuis de longues années, le dialogue politique est rompue pour laisser des hommes malaimés des Nigériens imposer leurs choix, et organiser des élections bancales dans le pays à leur seule convenance. Peut-elle ne pas savoir, même lorsqu’elle vit au Niger et à Niamey, que depuis de longues années, l’on ne peut autoriser aucune manifestation dans le pays, réduisant drastiquement les espaces civiques ? Est-ce la démocratie qu’elle vante ?

Mais, peut-être faut-il croire qu’il ne s’agit là que d’un discours diplomatique qui voudrait qu’on ménage publiquement son vis-à-vis, au nom, bien entendu, d’une civilité diplomatique qui proscrit la crudité de paroles trop sincères. En tout cas, l’on apprend que « Selon Mme Denisa-Elena Ionete, le présent dialogue permettra d’amener des éléments d’analyse et des recommandations afin de soutenir les réflexions en cours pour la suite de l’engagement de l’Union Européenne au Niger.

On peut alors croire que l’UE pourrait conditionner la suite de son engagement aux côtés du Niger par un certain nombre de principes à respecter. On sait d’ailleurs que par rapport à l’appréciation aveugle de la situation du Niger, tous les pays de l’UE ne sont pas sur la même longueur d’onde. Et forcément, quelque chose doit changer dans sa relation avec un pays qui reste le seul qui n’a pas encore coulé mais qui, pour autant, n’en est pas épargné.

Il y a quelques jours la vague de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, à tort ou à raison, a fait craindre le même scénario pour le Niger et ceux qui devraient en avoir peur avaient eu trop peur : ils avaient eu des sueurs froides ! Et la parole d’Emmanuel Macron qui parle de précédent dangereux lorsqu’il évoque la reconnaissance par la CEDEAO de la junte malienne, n’est pas faite pour arranger les choses. Terrible destin.

ISAK