La politique africaine d’Emmanuel Macon, malgré les belles annonces qu’il faisait à son entrée en fonction à l’occasion de son premier mandat, fut la plus désastreuse des politiques menées pour gérer la relation France Afrique. Jamais les Africains en général et les Sahéliens en particulier, n’ont été remontés contre la France face à la politique ambiguë qu’elle mène sur le continent, disant qu’elle est du côté des peuples et des gouvernements alors qu’on la voit nuitamment mener des actions de sape avec des forces obscures. Cela fait longtemps que la France fit le choix du Niger, le pays qui lui est vraisemblablement le plus soumis, pour y déployer ses troupes mal aimées, chassées du Mali, et ce, après que ses relations avec ce pays se soient gravement détériorées. Mais elle sait que le Niger aussi n’est pas pour elle une terre paisible même lorsque ses autorités pourraient lui être acquises, les plus serviles pour ne pas savoir contrarier ses volontés et ses paroles. Les événements de Téra en sont le témoignage le plus éloquent de ce vaste désamour entre la France et les Nigériens qui ne peuvent rien voir depuis plus de quarante années de coopération dans le cadre de l’exploitation de l’uranium, incapable de réhabiliter la route qui est dédiée à ce produit stratégique dont elle tire une grande part de sa puissance et de son influence dans la géopolitique mondiale.

Mais qu’est-ce qui pousse, après qu’on ait presque oublié le projet d’installation des militaires français au Niger, des ministres français à venir au de Seyni Kountché pour un séjour de deux jours alors que leur pays célèbre la fête la plus importante du pays à savoir le 14 juillet ? Sans doute que ce déplacement revêt un caractère éminemment important, plus pour la France que pour le Niger, pour consentir ce sacrifice qui peut montrer l’importance que cette France accorde à la refondation de ses relations avec le continent, en trouvant, par le Niger, le moyen de s’y maintenir pour y perpétuer, malgré le rejet dont il est l’objet, son influence. Il est dommage que les Nigériens n’entendent cette visite que par les médias français dont France 24 qui l’annonce à travers ce titre très sobre et neutre «La France souhaite donner un nouveau souffle à sa stratégie au Sahel» qui cache pourtant bien de réalités. On savait qu’Emmanuel Macron avait fini par comprendre à quel point la politique que des anciens collaborateurs lui ont imposée fut un fiasco et, profitant d’une réélection en demi-teinte par laquelle les français lui envoyaient un message, il finit par se débarrasser de ceux-là, avec à leur tête un certain Jean-Yves le Drian qui célébrait la boiteuse démocratie nigérienne. Les hommes et les femmes choisis pour les remplacer, par leurs parcours, pouvaient relever d’un choix stratégique nouveau et sans doute, peut-on le croire aussi, d’une refonte de la politique africaine au moment où la France se rend compte qu’elle pouvait perdre cette Afrique qui lui est pourtant précieuse. On ne le rappellera jamais assez, la politique contestée de la France au Niger, intervenait depuis que, face à son ambassadeur qui était exigeant vis-à-vis des autorités nigérienne en 2016 et qui ne demandait rien que la tenue de bonnes élections, par les plaintes d’un Mahamadou Issoufou qui voulait domestiquer l’élection, la France de Hollande se plia au nom de relations de personne à personne, pour renvoyer son ambassadeur ainsi que le lui imposait son partenaire nigérien, et nommer à sa place pour le plaisir de l’ami, le diplomate complice qui pouvait laisser faire ce que veulent Issoufou et son système, pour imposer ce dernier par des élections bancales, presque sans adversaire, toute chose qu’on n’aura jamais vu dans une autre démocratie. Le premier, pourtant, ne demandait rien que des élections transparentes et crédibles. Cela pouvait-il être un crime pour la France des droits de l’homme ?

Visite intrigante…

Selon France 24, «Les ministres français des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et celui des Armées, Sébastien Lecornu, se rendent, jeudi et vendredi [de la semaine dernière], au Niger, pour définir une nouvelle stratégie militaire de la France au Sahel après le retrait des troupes françaises du Mali, à l’heure où les attaques terroristes se multiplient». Mais alors si tant est que c’est pour le Sahel que la France venait au Niger, pourquoi devrait-elle rencontrer seulement les autorités nigériennes ? Le Niger seul, avec la France, ne peut pas décider pour le Sahel, et pas même pour le Niger, lorsque les concertations d’une aussi grande importance, devraient se faire au-dessus du peuple, dont les deux peuvent croire que son avis ne serait pas important. C’est à juste titre d’ailleurs que France 24 se demande : «Quelle stratégie pour la France au Sahel ?», car peut-être, ne peut-elle rien voir de sérieux pour justifier ce déplacement qui pose plus de problèmes qu’il n’en résolve. Que peut-on donc comprendre de cette visite au Niger des deux ministres quand, la télévision française note que «les coups d’État de ces derniers mois au Mali, au Tchad et au Burkina Faso ont fragilisé les alliances de la France avec ses anciennes colonies, renforcé l’emprise des milices djihadistes dans la région et ouvert la voie à une influence accrue de la Russie». Alors est-on là franchement pour le Sahel ou pour autre chose ? La France n’est-elle pas là pour «défendre» le seul partenaire sûr qui lui reste au Sahel, en lui évitant ainsi que certains médias pouvaient le lui prédire il y a quelques semaines, son tour chez le coiffeur ? Les Nigériens peuvent dès lors craindre que cette France ne vienne pas pour notre sécurité mais pour la sécurité d’un régime qui a pris peur depuis quelques mois que la pandémie des coups d’Etat se propageait dans la sous-région. Mais elle a surtout peur de l’influence grandissante de nouveaux partenaires et donc de nouveaux concurrents qui lui ravissent ses espaces. Et la Russie qui joue au trouble fête l’agace tant. Sauf que la Russie n’est pas un enfant de coeur.

Mais plus que ce que dit ce média sur ce déplacement des ministres français, ce sont les analyses d’un journal indépendant français – Médiapart – qui permet de mieux lire l’événement politique de cette action diplomatique. Sous la plume de Justine Brabant de Médiapart avec le titre de cet article «Présence militaire au Sahel : la France promet qu’elle a changé», l’on peut bien se méfier des raisons invoquées officiellement pour justifier la venue au Niger des ministres français qui boycottent, sans doute pour plus important, la fête de 14 juillet. Lorsque Justine Brabant écrit : «la France promet qu’elle a changé», l’on ne peut que sourire car derrière un tel message, sans le savoir, la France se culpabilise. En effet, prétendre qu’elle a changé, c’est reconnaître en même temps ce dont on l’accable, notamment ses duplicités dans ses relations, pour prétendre y renoncer afin de se faire accepter sur le continent. Reconnaît-elle alors avoir mal agi pour choisir de changer ? Mais le problème va au-delà car, elle ne l’affirme pas, elle le «promet», on, sait que les promesses en politique, ne sont pas toujours tenues. Ce discours ne rassure donc pas. Et c’est d’autant vrai que Brabant ajoute qu’«Ils vont tenter d’y convaincre leurs homologues qu’au Sahel, la France est désormais à l’écoute de ses alliés militaires et respecte la souveraineté de ses partenaires africains». Peut-être aussi qu’elle a enfin compris qu’elle ne respectait pas la souveraineté des Etats africains. La France revient avec désormais la conscience que les choses ne sont plus faciles pour elle au Sahel. Elle va «tenter» car elle sait que pour que cela fonctionne, il faut compter mieux sur les peuples que sur les dirigeants, notamment quand on sait que le problème est moins avec les dirigeants qu’avec les peuples qui boudent et expriment leurs désaccords. Et la souveraineté est aux peuples !

Ce dont il faut être sûr est que la France n’a pas changé. Mais elle pourrait avoir changé de stratégie. A-t-elle trouvé la bonne pour communier avec les peuples, refonder sa relation plus avec les peuples qu’avec des individus ? Le temps le dira mais les peuples restent vigilants.

La France, pour son avenir au Sahel, doit comprendre qu’un temps a changé. Et elle ne peut plus nous aimer avec les mêmes mépris.

A I