L’opposition feutrée entre partisans du Président Bazoum et thuriféraires de l’ancien président, Issoufou Mahamadou, est en train de tourner, lentement mais sûrement, à la confrontation. Une confrontation qu’une source crédible du Pnds Tarayya ayant requis l’anonymat qualifie d’inévitable. D’abord posé en termes de vision et de conception de la gouvernance, ce qui était au départ perçu comme une rupture dans la conduite des affaires de l’Etat va progressivement prendre les couleurs et les allures d’une remise en cause de la corruption et de la prédaion systématique des ressources publiques ; autant dire de la mainmise d’un certaine camarilla sur les deniers publics, mis à sac au profit d’un cercle restreint d’hommes d’affaires qui pensaient que les marchés publics leur étaient dédiés à vie.
Sous Issoufou Mahamadou, ils faisaient la pluie et le beau temps, choisissant les marchés qui leur convenaient et les exécutaient suivant leurs desideratas. Tout leur était dévolu.
Avec l’arrivée de Bazoum Mohamed à la tête de l’Etat, ils s’attendaient aux mêmes privilèges indus alors que le successeur d’Issoufou entendait «démocratiser » l’accès aux marchés publics. Même si cela se fait dans un esprit politicien et viole les lois et règles y afférant, il reste que d’autres hommes d’affaires, éloignés de ce cercle, ont pu profiter de cette démocratisation en cours des marchés publics. Le péché originel de Bazoum Mohamed est là, vouloir élargir le cercle pour y constituer son propre lobby financier. Il n’a pas pourtant dépouillé les gourous de ce système. Au contraire, il a leur a offert l’impunité à travers la décision de l’Etat de renoncer à se constituer partie civile dans l’affaire dite des fonds de l’armée.
Selon des confidences de cadres du Pnds Tarayya qui se disent clairement partisans de Bazoum Mohamed, ce dernier aurait de très bonnes intentions pour le Niger, mais c’est Issoufou Mahamadou qui lui mettrait des bâtons dans les roues. Il voudrait bien changer de paradigmes dans la gouvernance. Cependant, l’ancien président constitue un sérieux obstacle, persuadé que le moindre changement positif dans la gouvernance serait synonyme de proscription politique pour lui.
Il n’y a pas que les marchés publics qui les opposent, il y a également la question de la décrispation de la vie politique
Outre la boulimie insatiable de ce conglomérat d’hommes d’affaires, il y a la propension, de plus en plus osée, de l’ancien président, à «pâturer» dans le champ du président de la République. Maints exemples ont été relevés dans lesquels il a outrepassé ses limites d’ancien président au point où certains qualifient le Niger de « pays à deux présidents ». S’il n’a pas affiché clairement sa volonté de se poser en alternative à Bazoum Moham, Issoufou Mahamadou est toutefois soupçonné d’être à la base de la fronde contre son successeur. Pour de nombreux Nigériens, il n’y a pas de doute qu’il soit l’alpha et l’oméga de cette situation qui se dégrade de jour en jour. La ligne de démarcation est désormais visible entre clans rivaux. Les sujets qui les opposent ne sont plus seulement conjoncturels, ils sont de nature profonde et complexe. Si le Président Bazoum veut se démarquer des façons de faire de son prédécesseur sans toutefois remettre en cause fondamentalement les fondements du parti et du régime, d’autres considèrent que sa volonté de changement et les actes subséquents sont constitutifs d’atteinte à la cohésion et aux intérêts d’un clan qui n’entend pas se laisser faire.
Le soutien, à tort ou à raison, attribué à Bazoum Mohamed aux jeunes du parti qui réclament un changement générationnel à la tête du parti en demandant aux anciens de passer la main, est notamment perçu comme une volonté de liquidation de vieux camarades avec lesquels il ne peut se permettre tout.
Que gagne l’ancien président dans une confrontation presque ouverte à présent avec le Président Bazoum qui, note un de ses partisans, a montré jusqu’ici une farouche volonté de préserver le cadre unitaire du parti ? Ceux qui ont été mis à la touche depuis l’arrivée de ce dernier au pouvoir ne se posent aucune question du genre, leur unique préoccupation étant de voir les choses redevenir comme avant, sous Issoufou Mahamadou. L’aspiration des plus jeunes ? C’est une machination de Bazoum Mohamed en vue d’instrumentaliser le parti à sa guise, pense-t-on. Pour l’opinion publique nigérienne, il n’y a pas de doute qu’il s’agit là d’une confrontation entre tenants de la corruption et autres pratiques mafieuses qui ont fait couler le pays et partisans d’un nécessaire changement de paradigmes. Les marchés publics ne sont pas le seul problème qui oppose les clans rivaux, il y a aussi la question de la décrispation de la vie politique nationale.
Doudou Amadou