Au Sahel, la France a lamentablement échoué sur tous les plans, notamment politique et surtout militaire ; mais, ses représentants officiels ne veulent pas en tirer toutes les conséquences qui s'imposent. Le président Emmanuel Macron, qui semble croire toujours que sa caravane néo-coloniale pourrait être sauvée par un de ces miracles dont le désert est coutumier, continue d'y mener une série de combats d'arrière-garde; et le Mali, pays finalement indocile et insaisissable, demeure toujours le théâtre de prédilection de ces combats, dont le dernier épisode se joue sur le thème d'un risque de génocide contre la communauté peule.
Selon le président Macron, s'exprimant lors d'un point de presse en présence de son homologue Bissau-guinéen, Oumarou Sissoko Embalo, la France et ses partenaires s'inquiètent maintenant "de ce qui s'apparente, sous le couvert d'opérations de lutte contre le terrorisme, à des violences systématiques ciblant les populations peules". Ces violences, qui seraient principalement le fait des éléments mercenaires déployés au Mali, notamment ceux de Wagner, "pourraient déstabiliser l'ensemble de la région", a affirmé le président français, qui souligne "la responsabilité première des Etats de la région pour sanctionner les coupables et exercer leur vigilance".

A travers ces propos du président Macron, on comprend bien que la France s'est à présent trouvée, au Mali et au Sahel plus généralement, une nouvelle mission; celle d'enrayer l'engrenage déstabilisateur de la violence, et surtout de voler au secours des populations peules. Les observateurs avisés de la scène sahélienne savent très bien que les exactions contre les peuls ne datent pas d'aujourd'hui; et beaucoup se demandent d'ores et déjà pourquoi c'est seulement aujourd'hui que la France s'intéresse à cette question. Le professeur Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l'assemblée nationale du Mali et éminente personnalité de la communauté peule, a répondu à cette question depuis 2018.

Selon le vieil homme, le déplacement du centre de gravité de la crise malienne vers le centre du pays, s'inscrit dans le plan des puissances extérieures présentes au Mali. L'explication du vieil homme était la suivante : " J’ai pensé que ceux qui nous gèrent aujourd’hui, car notre pays est sous tutelle, veulent probablement que le Mali devienne une République fédérale. Pour cela, il faut des États. Il y a les irrédentistes, qui ont délimité une portion de notre territoire et l’ont appelée Azawad. Cette République fédérale ne saurait être composée que du Mali et de l’Azawad, comme fonctionne le Cameroun, alors il fallait en trouver un troisième".

Aujourd'hui, on ne sait pas ce que pourrait penser le professeur Ali Nouhoum Diallo, en voyant le président Macron endosser le costume de défenseur des peuls; mais, il est certain qu'il ne manquerait pas, comme beaucoup d'autres, de s'inquiéter de voir le sort de sa communauté trouver à présent une place dans le nouveau récit de la France sur la crise sahélienne. Les violences systématiques contre les populations peules ne sont pas une invention; mais, on sait qu'elles ne sont pas nées avec l'arrivée de Wagner au Mali, et qu'elles ne sont pas une spécificité de ce seul pays. Ces violences doivent effectivement être dénoncées et sanctionnées; avant qu'elles ne soient instrumentalisées par ceux dont le projet est de se maintenir de force sur nos terres.

Après avoir entendu le discours de Macron, les dirigeants sahéliens ont une responsabilité; ils doivent demander à leur ami français de se taire. Les dirigeants sahéliens doivent comprendre que, pour nombre de leurs compatriotes, même la vérité a la même saveur que le mensonge dans sa bouche. Le nouveau récit de Macron sur la crise sahélienne n'est pas à leur avantage; c'est un récit qui, à certains égards, les met tous en cause. Le mérite de ce nouveau récit c'est qu'il nous alerte tous, citoyens comme dirigeants sahéliens, que notre gestion actuelle de la crise sécuritaire pourrait nous conduire loin; et que notre silence face aux exactions ciblant certaines communautés sert d'abord et surtout les intérêts de ceux qui veulent nous recoloniser.

Par Moussa Tchangari 
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