Il y a quelques jours, à Dosso, un cortège militaire français a percuté à mort un automobiliste. Auparavant, la même armée française a tué un homme qui allait à la mosquée, pour la prière de Isha, à 20 heures. Sans daigner s’arrêter. C’était le 20 juillet 2022. Six jours, à peine, après le drame d’Ayorou, à Boubon, cette fois-ci, à une quarantaine de kilomètres de Niamey, le cortège militaire français a fauché un véhicule de transport, tuant sur place deux passages et occasionnant plusieurs blessés. Le 27 novembre 2021, des militaires français tirent à balles réelles sur de jeunes manifestants qui s’opposaient à leur traversée du Niger, tuant trois d’entre eux et blessant plusieurs autres. La colère monte au sein des populations nigériennes qui protestent à la fois contre ce mépris pour la vie humaine et le silence assourdissant des autorités nigériennes. Pour ces dernières, tout ce qui vient de la France est sacrée. La France ne commet jamais de faute, jamais de crimes, jamais de violations. Toutes ces morts, y compris à Téra où son armée a tiré à balles réelles sur les manifestants, sont considérées comme étant de simples accidents. C’est à peine d’ailleurs si elles n’ont pas fait endosser la responsabilité des morts de Téra sur les victimes. C’est de l’argent qu’on a versé aux familles endeuillées. Que ce soit à Ayorou, à Boubon ou encore à Dosso, les Nigériens ont davantage acquis la conviction que l’armée française doit partir du Niger.
Une force d’occupation ? La force française Barkhane a une réputation encore pire. Depuis ces accidents, qui ont accentué la contestation de la présence militaire française, les Nigériens en ont une autre vision. Elle est perçue comme une tueuse silencieuse. Une tueuse froide qui tire à balles, écrase et percute des Nigériens sans état d’âme. La réputation de l’armée française est ruinée et c’est en partie due au zèle exagéré des autorités nigériennes de servir les intérêts de la France les yeux fermés. Aucune condamnation. Elles se contentent, au gré des autorités françaises, de présenter les choses comme elles le souhaitent. Déjà contestée car perçue comme force d’occupation, la présence de Barkhane au Niger est davantage devenue une préoccupation majeure des Nigériens depuis que les autorités actuelles ont décidé d’accueillir les soldats français au Mali. Des soldats estimés à plus de 2000 qui étaient au Mali depuis huit ans, sans autre résultat tangible que la «partition» du Mali en deux, le nord étant interdit aux autorités légitimes maliennes par l’armée française. Une situation que l’ancien président malien, Ibrahim Boubacar Keita, a accepté de bon coeur en cautionnant la tenue d’élections générales sans la participation du nord du pays. Depuis cette décision, dénoncée par les organisations de la société civile et d’importantes franges de la population, l’armée française a pratiquement quadrillé le pays. Régulièrement, d’interminables cortèges de véhicules blindés et de camions de transport portant des containers dont personne ne connaît les contenus, traversent le pays en provenant du Mali. Ces militaires français ne se limitent plus à la région de Tillabéry, complètement déstabilisée et ruinée, mais prolongent leur installation à l’intérieur du pays. Ce qui renforce le sentiment qu’il s’agit d’une force d’occupation.
« Les accidents de Barkhane sont volontaires », « La force Barkhane, protectrice ou assassine ? ». « Finalement, Barkhane tue plus de Nigériens que les terroristes qu’elle est censée combattre. Ce sont les conséquences du mensonge d’Etat », lit-on sur les réseaux sociaux. La colère monte et les Nigériens sont de plus en plus nombreux à être hostiles à la présence militaire française qui, le pensent-ils, est un soutien actif du régime impopulaire de Niamey.
Doudou Amadou