Le jeudi 11 août 2022, vous avez, comme de tradition, présidé la réunion hebdomadaire des ministres. Au cours de cette réunion, vous a procédé à des nominations dans la haute sphère de l’administration publique. Et parmi les personnes nommées à de hauts postes de responsabilités figure madame Takoubakoye Aminata Boureima qui n’est autre que l’épouse de votre directeur de Cabinet adjoint, Dani Takoubakoye. Selon le communiqué de la réunion des ministres, elle est nommée directrice générale de l’Institut national des statistiques (Ins), un poste qu’elle a manifestement convoité et qu’elle a finalement obtenu. C’est tout de même l’épouse de votre directeur de Cabinet et il lui fallait montrer ses muscles à celui qui a provoqué son courroux. Ce poste l’ancien ministre de Djibo Salou, sous la transition de 1999, voulait de toute évidence faire comprendre à celui qui a osé lui demander des comptes en tant qu’agent de la Fonction publique que la loi et les règlements, ce sont eux et non quelqu’un d’autre.

En remplaçant le sieur Idrissa Alichina Kourgueni, la dame Takoubakoye Aminata Boureima a voulu ainsi faire payer son culot à quelqu’un qui ne semble pas avoir compris sous quel Niger il vit ; quelqu’un qui ignore encore qu’il y a deux catégories de Nigériens, ceux qui sont sous astreinte de la loi et ceux qui peuvent voler, violer, tuer, détourner des milliards, en toute impunité.

L’acte par lequel vous avez remplacé le sieur Idrissa Alichina Kourgueni par l’épouse de votre directeur de Cabinet n’est pas un fait banal. Il traduit la nature du régime que vous incarnez, la primauté de la force sur le droit, l’expression d’un pouvoir dont les tenants sont au-dessus de la loi et ne tolèrent pas qu’on leur demande des comptes. Il n’y a d’ailleurs rien de surprenant dans cette façon de faire. Votre régime est coutumier du fait. Vous avez toujours assimilé le droit à la loi du plus fort. Idrissa Alichina Kourgueni, votre victime du jour, n’a fait pourtant qu’appliquer les textes de la Fonction publique. C’est au nom de ses prérogatives administratives et en vertu du statut général de la Fonction publique nigérienne, qu’il a interpellé un de ses agents en abandon de poste depuis de longs mois.

Monsieur le “Président”

J’ai appris que vous avez pris des vacances, et vous et tous les membres de votre gouvernement. On m’a dit que vous seriez déjà à Tesker et que tout ce que compte le Niger est localisé vers la région de Zinder, en pleine ébullition. J’ai appris que vous aurez, au cours de ces vacances que je ne trouve pas méritées, des consultations politiques de grande importance et que l’issue de vos concertations avec vos interlocuteurs pourraient changer bien de choses dans la gouvernance globale du Niger. C’est l’unique point positif que je trouve à ces vacances du prince. Tout jeune, j’ai appris que les vacances se méritent et qu’elles sont accordées, certes, de droit, mais en contrepartie d’un travail reconnu. Le Niger était malade, il est devenu encore plus malade, aujourd’hui. Vous n’avez pas, en 15 mois, apporté le moindre début de solution aux maux qui assaillent le Niger. Tout se complique davantage et vous-même subissez le cours des évènements, à plus forte raison vos compatriotes. C’est dommage ! De ce point de vue, vos vacances sont inopportunes et vous avez certainement raté le coche en les prenant à un moment où le Niger se trouve dans mille problèmes et que les citoyens semblent livrés à euxmêmes. Vous auriez vous refuser ces vacances qui vont d’ailleurs vous stresser davantage et peut-être amplifier et compliquer vos problèmes.

Il est bien vrai que vous êtes déjà à carreau, complètement groggy face aux coups de boutoir de gens dont vous ne devriez pas attendre grand-chose et que vous avez grandement besoin de repos. Le stress, les pressions, les contradictions flagrantes dans lesquelles vous avez évolué, le sentiment d’être impuissant qui vous ronge alors que vous savez ce que vous avez à faire pour remettre les pendules à l’heure, sont autant de raisons qui militent pour un temps de méditation, un temps de remise en cause et d’introspection indispensable.

Vous connaissez mon patriotisme débridé. C’est la raison pour laquelle je ne me lasse pas d’en appeler à votre conscience. Le Niger a tant souffert et quoi que vous pensez, vous êtes à une station où vous pouvez faire beaucoup pour votre pays. Parfois, seule la peur et l’angoisse morbide nous empêchent d’agir. Or, celui qui n’agit pas en vue de matérialiser les changements auxquels il aspire est déjà mort.

Monsieur le “Président”

Votre séjour à Tesker ne sera pas de tout repos, je le sais. Vous avez surtout à vous battre contre vous-même pour trouver les ressources nécessaires à l’intrépidité du leader qui veut s’affirmer. Vous devez gagner ce combat ou vous avouer définitivement vaincu. Vous le savez pour l’avoir appris avant moi, mourir pour une bonne cause est loin d’être une défaite. La défaite, c’est courber l’échine, honteusement, face aux épreuves et aux devoirs. La sagesse populaire à la sève de laquelle j’ai été nourri nous a tant farci le crâne avec ce précepte que je refuse de croire que vous ne relèverez pas le défi qu’on vous pose. Vous êtes le chef de l’Etat, le président de la République qui avez juré, la main sur le Saint Coran, de servir loyalement le Niger. Vous devez vous assumer comme tel. Sachez, en tout état de cause, que vous n’avez ni le droit de vous plaindre ni celui de justifier votre inertie face aux évènements. J’ai l’habitude de dire à votre prédécesseur que c’est à celui de choisir par quelle porte il voudrait entrer dans l’Histoire. Pas bien sûr celle qu’on essaie de lui concocter depuis l’extérieur, mais qui sera écrite par les Nigériens qui savent quel mal il leur a fait.

Vous êtes, aujourd’hui, à la croisée des chemins. C’est à vous de choisir la place que vous voulez occuper dans les coeurs de vos compatriotes, autrement dit dans l’Histoire de votre pays. La voie que l’autre a suivie mène tout droit au purgatoire et vous le savez. Ne commettez pas l’erreur d’emprunter la même voie. Une dernière chose, soyez ingrat vis-à-vis des hommes, préservez les intérêts de votre pays, de votre peuple.

Mallami Boucar