Pendant que la France et ses supplétifs célèbrent la démocratie nigérienne, l’espace civique, lui, chaque jour, ne fait que se rétrécir par les agissements d’un régime qui a fait croire qu’il serait d’autant ancré dans le peuple qu’il se donnait, au sortir des dernières élections que les Opposants disent manipulées, une majorité confortable, alors même que, dans le même pays, il ne peut pas réussir à passer au premier tour, par ce qu’ils ambitionnaient à l’époque dans la campagne, à savoir le coup K.O. Comment peut-on croire, dans un pays où les élections sont contestées, où des critiques sont faites à l’encontre de processus électoraux, où l’injustice est criarde, où la mauvaise gestion fait légion, que l’on a ainsi une excellente démocrate ? Comment peut-on dire au monde, dans un pays où depuis plus de huit ans il n’y a pas de dialogue politique, que l’on y a quand même la meilleure des démocraties sous les tropiques ? Comment dans un pays où les acteurs politiques ne peuvent plus se parler, avec des prisonniers politiques dont on n’a jamais rien su de leurs torts et souvent des procès qui les auraient conduits en prison, l’on peut dire que c’est, quand même, un exemple de démocratie et qui devrait servir de modèle pour une Afrique très malade de ses médiocraties ? Comment dans un pays où, depuis plus de plusieurs années, personne ne peut manifester, arguant des raisons-bidons pour justifier les restrictions liberticides, l’on puisse faire croire que l’on y a la démocratie la plus brillante ? Comment encore, dans un pays où tout est corruption, détournement, clanisme, favoritisme, l’on puisse parler de vraie démocratie ? La démocratie nigérienne, habillée d’élections truquées, n’en est plus une en vérité. C’est à croire que pour les socialistes, des élections – et n’importe lesquelles – ou avoir des institutions même peu légitimes, suffiraient à déterminer et à faire de la démocratie. Peut-on gouverner mal et vouloir qu’on soit acclamé par un peuple ? Quel gâchis par exemple que ces rails inutiles, presque insolentes de Bolloré, voulus par le seul entêtement sidérant d’Issoufou Mahamadou qui ne peut écouter aucune expertise pour renoncer à sa chose aujourd’hui inutile ? Et enfin, lui-même, avec les images qu’on en voit avec les dernières pluies, il pourrait les regarder et reconnaitre avec gêne son immense projet futile surtout quand on tient encore de tout le désagrément et les accidents que ces fers inutiles que le constructeur français a interdits à l’Etat souverain du Niger de déboulonner, exigeant avant la casse que son travail lui soit payé, rubis sur l’ongle, à quelques 1900 milliards de nos francs lourds comme aimait à le dire un autre au PMU Niger. Et voilà que pour la star de la France, D’Emmanuel Macron et de Jean Yves Le Drian, le Niger doit débourser tant de milliards pour un service inutile, pour des rails qui n’ont jamais servi et qui, sans conteste, ne serviront à plus jamais, ne pouvant servir, dans le meilleur des cas, que pour un musée pour rappeler aux Nigériens des moments d’un entêtement et d’une surdité maladive d’un socialisme roublard, tenant à briller sans en avoir les moyens. Et depuis la construction forcée et forcenée de ces rails, la route de l’aéroport, par l’exigüité de la voie qui est pourtant une des plus grandes portes d’entrée dans la capitale, par les dérangements de rails harceleurs qui gênent la circulation, est devenu une route de l’enfer, pour d’autres, de la mort qui ne donne pas une bonne image de notre capitale auprès des étrangers qui y entrent par cette porte. Bazoum avait promis de changer, et notamment de soigner et de civiliser ses relations avec la société civile qu’il rencontraient et avec laquelle, sans tabou, il pouvait parler, des problèmes du pays pour lesquels, il leur demandait de l’aider pour assainir la gestion et une administration gangrenée par l’affairisme et la corruption, promettant même que plus personne, pour son opinion, n’irait plus en prison. On avait rêvé, mais sans doute qu’on avait eu tort d’avoir ces excès d’optimisme. La malice pour ne pas se salir de ce que l’on pourrait considérer comme un raidissement de son pouvoir, est de se servir d’un autre qui n’est pas officiellement des leurs, pour l’employer à faire le sale boulot, le poussant à interdire coup sur coup, les différentes déclarations de manifestation régulièrement introduites par des leaders de la société civile. C’est la levée de boucliers consécutive à la hausse du prix du gasoil qui remet à l’épreuve le régime relativement à sa parole donnée de ne gêner personne dans la bonne marche de la démocratie, et surtout de vouloir assainir une société nigérienne qui a perdu de ses valeurs. Le président de conseil de ville de Niamey, pour mériter de rester longtemps à son poste, dans le mauvais souvenir des déboires qu’il avait connus en d’autres temps, n’aurait pas d’autres choix, ainsi que le prétendent certains observateurs, que de contrarier des luttes dont peuvent faire partie les bords politiques desquels il se réclame, en tout cas en d’autres temps.
Comme il fallait s’y attendre, et comme le redoutaient bien d’observateurs, Oumarou Moumouni Dogari a fini par jouer sa partition, ainsi qu’il en a du reste l’habitude et le M62 a reçu depuis le lundi passé, aux environs de midi, la notification de l’interdiction de la marche pacifique projetée par arrêté de la Ville de Niamey, sous la signature du Député-maire, donnant encore une fois, à bien de Nigériens et notamment de « son » camp politique à ne plus pouvoir le comprendre et comprendre pour qui il joue depuis quelques temps. Les populations de la ville regardent et apprécient.
Pour justifier sa décision, le maire central de la ville de Niamey, ne manque pas d’arguties dont il se sert pour se faire bonne conscience. C’est ainsi qu’on apprend de sa part qu’il y a des risques potentiels d’une infiltration, toute chose pour laquelle, peut-être, depuis des jours, une information selon laquelle il y a des risques d’attentat terroriste dans la ville de Niamey circulait sur les réseaux sociaux. Dès lors, l’on peut se demander si l’information ne vient pas en amont, légitimer les restrictions du maire central. Mais alors pourquoi, si ce n’est pour éviter d’en abuser, l’on a prescrit aux pouvoirs publics de ne pas entraver les libertés publiques et pour en assurer la jouissance, la Constitution lui fait l’obligation d’encadrer les manifestations aux fins de les sécuriser pour s’y dérober et faire ce qui les arrange ? Que font donc les pouvoirs publics de cette obligation constitutionnelle ? Dès lors, n’est-on pas fondé à croire qu’un tel argument ne sert que d’alibi pour justifier la décision liberticide prise par la Ville de Niamey ?
Puis, il y a le prétexte-fourre-tout qu’offre le contexte sécuritaire que traverse le pays et qui sert, pour tout problème à justifier une position ou une autre, mais toujours qui n’arrange que le camp du pouvoir. Pourtant, une telle raison ne peut convaincre les socialistes à apaiser et à rendre possible une union sacrée pour préserver la nation et l’Etat aujourd’hui gravement menacés ? Peut-on alors croire en la bonne foi de ces hommes qui ne se souviennent de cette situation que pour se préserver de colères populaires qui pourraient les éclabousser et qui ne viendraient, à les entendre, que d’une minorité dont la parole et les attentes ne doivent plus compter dans le pays ? Pourquoi alors, si tant est qu’ils croient à la non-représentativité de ceux qui s’agitent pour leur perturber le sommeil, ne peuvent-ils pas les laisser manifester et faire découvrir, qu’en fait, ils ne pèsent pas dans le peuple ? N’est-ce pas une occasion en or, pour clouer le bec à ces « agitateurs », sans base, ainsi que s’en défend le camp du pouvoir ?
Mais tous les analystes connaissent bien la vérité : des gens savent comment ils ont confisqué le pouvoir pour ne pas mériter de porter sa légitimité notamment quand ils ont conscience de ce que, presque partout, par les crimes économiques et les injustices qui ont jalonné leur gouvernance, qu’aucun autre système n’aura été impopulaire dans le pays comme le leur. Jamais des hommes politiques n’auront été malaimés que ceux qui gouvernent depuis 2011, et c’est d’autant tragique ce qui leur arrive qu’ils ne peuvent en prendre conscience et en tirer des leçons, ne serait-ce que pour rectifier leur manière de gouverner, car dans la vanité d’avoir mis à genoux les Nigériens, qui par ses cupidités, qui par son manque de fierté pour lui-même et pour sa dignité, qui par couardise, qui par les complots iniques qu’on peut ourdir contre lui, par les complicités et les silences d’un peuple passif, ils peuvent croire qu’ils peuvent tout oser sans rien craindre de ce peuple peureux.
S’il est défendable qu’à cause de l’insécurité ambiante il est fondé d’interdire des manifestations citoyennes selon la logique tarrayiste, sans doute que la même raison, aurait pu commander de gouverner plus sagement, pour éviter de créer des situations de tension, et aider ainsi, et par le dialogue sincère, à favoriser la paix sociale et une entente minimale sur les défis du moment surtout quand après plus de dix ans, le régime s’essouffle, incapable de les relever, laissant des situations pourrir au point de porter le pays à des explosions sociales qui sont en train de prendre forme dans les entrailles d’une société qui aspire à sortir de son étouffement.
Mais les Nigériens ne sont pas dupes et ils savent bien qu’il y a bien plus que ces raisons invoquées pour justifier et pour expliquer la décision prise par procuration par le maire central. Et entre autres raisons l’on peut citer les suivantes.
Il y a d’abord la peur qu’une manifestation ne vienne corroborer l’illégitimité que défendent les opposants au nouveau pouvoir. En effet, laisser les Nigériens manifester c’est donner l’opportunité à une opposition et à la société civile à démontrer à la face du monde la véracité des allégations d’usurpation portées contre l’actuel pouvoir. Il est évident que dans de telles conditions, le gouvernement inflexible d’Ouhoumoudou Mahamadou ne peut prendre le risque de se délégitimer et de se discréditer. Mais il y a plus.
L’autre problème – et le vrai – est que dans les revendications de la société civile et notamment du M62, l’on entend de plus en plus, le rejet de la présence militaire française. Or ce discours agace surtout en ce moment où, chassés du Mali, les soldats français sont en train de rentrer avec leurs bagages au Niger où le régime leur ouvre, grandes, les portes du pays. Pour avoir théâtralisé, mise en scène à l’Assemblée Nationale un débat à la suite duquel l’on fait comprendre à la France et à une certaine opinion que les Nigériens seraient d’accord que la France s’installe militairement au Niger, le régime ne peut comprendre et tolérer ces voix discordantes qui viennent sonner faux dans la mélodie de leur musique arrangée pour le confort des oreilles de la France. Le pouvoir actuel ne peut qu’être gêné que « sa » France découvre qu’il ne lui a pas dit la vérité sur l’opinion des Nigériens sur sa présence et peut ainsi se voir trahi par un peuple insoumis qui ne peut lui faire le plaisir de plaire à la France à qui, visiblement, il doit tout.
Entre autres sujets qui fâchent, et de plus en plus amplifiés dans les discours de la société civile, il y a la mise en accusation d’Issoufou Mahamadou que certains acteurs posent, le ramenant au goût du jour. Cette autre parole, ne peut que gêner, elle aussi, un pouvoir qui est redevable de l’homme que les Nigériens, loin de ce que peut dire de l’homme un extérieur intéressé par ses éloges, pour ne pas lui faire vivre l’humiliation à laquelle l’expose la gestion qui aura été la sienne en dix années de je-m’en-foutisme, d’arrogance et d’insouciance. Et on sait que cette société civile, tient bien ses preuves et les dossiers accablants de la gestion de l’homme, la pire que le Niger ait pu connaitre en plus de soixante ans d’indépendance. Trompé par ses certitudes trompeuses, le régime croit qu’il tient bien du bon bout la crise à laquelle l’expose sa décision d’augmenter le prix du gasoil sans jamais penser au tort que cela causerait aux consommateurs nigériens, quand au même moment, le même gouvernement se fait si indulgent à l’égard de ceux qui, depuis plus de dix ans, gèrent, pour leur seul confort, l’or noir nigérien inutile pour le peuple, mais si précieux pour les fantaisies et le luxe de quelques familles qui en ont fait leur patrimoine. Mais jusqu’à quand ?
Il y a des moments où rien et personne ne peuvent rien contre la volonté des peuples qui décident de se mettre debout pour se libérer. Que reste-t-il à jouer au M62 ? Un de ses acteurs y répond sans ambages : « Aller jusqu’au bout ». ça en dit beaucoup sur les ardeurs des nouveaux combattants…
ISAK