Monsieur le Président, Je me suis imposé un pari que je viens de perdre et j’ai tenu, par honnêteté intellectuelle, à vous le dire tout de suite. Misant sur vos discours enchanteurs sur la lutte contre la corruption, J’ai pensé que je pourrais, malgré tout ce qui a entouré votre arrivée au pouvoir, utiliser à votre égard le mot président sans être obligé de lui faire porter ces malheureuses accolades dont j’ai affublé l’autre pendant des années et qui s’apparent, du point de vue de l’esprit, à des chaînes ou à des menottes. Je constate amèrement que le dicton selon lequel on ne fait pas du neuf avec du vieux est une vérité absolue. Il faut dire telles qu’elles se présentent et arrêter de spéculer sur un défi que vous ne pouvez pas manifestement relever. La lutte contre la corruption est, à l’épreuve des faits, trop large pour vos épaules que je m’interdirai volontiers de qualifier de frêles. Seulement, je dois m’incliner devant les faits, têtus, qui vous accablent et reconnaître que vous ne serez sans doute jamais le héros attendu de la lutte contre la corruption. Le décret modifiant le régime applicable aux anciens présidents de la République, que vous avez si facilement signé le 7 octobre 2021, est la preuve que vous rêvez d’une mission qui est nettement au-dessus de vos moyens et de vos capacités d’action. Ce décret, vous le savez mieux que moi, est une loi taillée sur mesure pour l’autre et sans vous offenser le moins du monde, ce texte a donné de vous une image dégradante. C’est comme si vous vous êtes enlevé quelque chose de votre intégrité de président de la République, chef de l’État. Vous vous êtes, comme on dit dans le jargon médical, mutilé au point où personne ne vous reconnaît sous les traits du 2 avril 2021.

Monsieur le Président,

Croyez-moi, ce n’est pas de gaieté de coeur que j’ai décidé de vous accrocher désormais ces malheureuses accolades. Mais vous ne me donnez pas le choix. Vous avez si vite échoué sur des questions extrêmement sensibles pour vos compatriotes. Non seulement vous n’avez pas pu épingler à votre tableau de chasse la moindre affaire de corruption, mais le scandale-phare de votre régime, les détournements, sur plusieurs années, des fonds destinés à armer les Forces armées nigériennes a été étouffé. Le fait est d’ailleurs moins grave que la main qui l’a porté. Pour paraphraser l’autre, vous avez poignardé l’État dans le dos et on ne peut perpétrer un tel acte sans être, sinon complice, du moins indulgent, vis-à-vis de ceux qui sont mis en cause dans le scandale du ministère de la Défense nationale. Vous avez pourtant clamé, haut et fort, que les auteurs et complices répondront de leurs actes devant la justice. Vous l’avez fait à Niamey, vous l’avez fait en dehors du Niger, notamment sur les antennes de la BBC.

Je voudrais, à la lumière de ce que vous venez de cautionner à propos du scandale du ministère de la Défense, et ces avantages taillés sur mesure pour votre prédécesseur, vous demander humblement de vous interdire de parler de lutte contre la corruption. Ce n’est plus la peine. Personne ne vous croit plus.

Mallami Boucar