J’ai appris que vous êtes finalement revenu de vos vacances annuelles et que vous êtes plus préoccupé que jamais. Vous envisagerez un remaniement de votre gouvernement, mais on m’a dit que vous n’y arrivez pas, pris en tenaille entre les exigences de ceux qui vous considèrent comme leur …et les desiderata de vos alliés politiques qui seraient déjà en grogne pour avoir été trahis dans leurs attentes. J’ai tendu mes grandes oreilles là où il faut et j’ai appris que vous exigeriez de vos alliés politiques ce que vous ne seriez pas capable d’imposer à votre parti politique. Seïni Oumarou et Albadé Abouba ainsi que leurs états-majors ne seraient pas particulièrement satisfaits de leur collaboration. J’ai ouie dire que vous auriez demandé à vos alliés politiques de faire de nouvelles propositions de nomination au gouvernement alors que vous ne l’auriez pas exigé du Pnds Tarayya qui, du reste, échapperait à votre contrôle. Ce serait exclusivement la chasse gardée de votre prédécesseur à qui la plupart des membres du comité exécutif obéiraient sans rechigner. Les raisons du mécontentement de vos alliés politiques ne se limitent pas à ça. La grogne autour d’eux est de plus en plus bruyante. Face à la justice, ils n’ont pas, soutient-on, les mêmes chances. Face aux mêmes délits et/ou crimes, les militants du Pnds bénéficient systématiquement d’une impunité totale alors ceux des partis alliés paient au prix fort de leur liberté, servant au régime de souffre-douleur ou de trophées à brandir pour justifier l’existence d’une justice égale pour tous. Le cas de Hama Zada, l’ancien ministre de la communication, est un cas d’école dans cette pratique odieuse que vos alliés, curieusement, n’ont jamais eu le courage de dénoncer. Lorsqu’un cadre est limogé pour un acte de mauvaise gestion, il est, dans la plupart des cas, remplacé par un militant du Pnds, ce qui fait qu’à terme, on vous dit reprendre progressivement de la main gauche ce que vous avez donné de la main droite.

Monsieur le “Président”

Vos alliés politiques sont complètement perdus. Ils ne comprennent pas ce que vous faites ; ils ont perdu toute boussole au point où ils ne savent pas à qui se référer, entre vous et votre prédécesseur. Croyez-moi, vos alliés politiques vivent dans un doute indicible par rapport à votre capacité à vous imposer en tant que vecteur central et principal du pouvoir. Dans leurs cercles, il est régulièrement soutenu qu’ils sont ballotés entre deux pôles du pouvoir qui se tiraillent. J’ai du mal à rapporter tout ce qui se dit à ce propos, mais mon devoir est de vous dire ce que mes longues oreilles ont pu capter. Sans, donc, vous importuner, encore moins vous offenser, je me vois dans l’obligation de vous dire que votre réputation est largement entamée. Que cela se passe avec votre entier consentement ou par la volonté exclusive de votre prédécesseur de vous maintenir dans les fers de la dépendance, le résultat est le même : vos compatriotes, particulièrement dans les milieux de vos alliés politiques, considèrent que vous gouvernez par procuration et que les grandes décisions sont prises ailleurs.

Vos vacances présidentielles, couplées à celles de votre prédécesseur qui a tenu à aller, lui aussi, dans son village natal au cours de la même période d’août, ont définitivement mis tout le monde d’accord sur une chose : vous avez beau être le président du Pnds Tarayya et président de la République, vous boxez dans une catégorie moindre que celle de l’autre. Que cherche-t-il à faire savoir, sinon que c’était lui, hier et c’est toujours lui, aujourd’hui. Demain ? Il appartient à Dieu.

Monsieur le “Président”

Le Niger a trop de cette gouvernance scabreuse que vous êtes en train de perpétuer, après avoir promis un changement radical. La corruption, les trafics de drogue et d’armes, les détournements de deniers publics, les passedroits et la justice à double vitesse, le terrorisme qui sévit, à croire que ses auteurs bénéficient de très grandes complicités, on ne peut souhaiter ou réserver pire sort à son ennemi. Moi, je suis confus. Si je refuse d’admettre que vous avez déjà échoué avant de commencer, je reconnais toutefois qu’il n’y a pas grand-chose à attendre de vous. Car, à la tête de l’Etat, il n’y a pas de demimesure qui tienne, on est le président de la République ou on ne l’est pas. Si vous ne pouvez pas décider des orientations à donner à la marche de l’Etat et à la gouvernance, d’une façon générale, il faut forcément chercher le chef de l’Etat ailleurs.

C’est à cet exercice que vous avez contraint vos compatriotes, adversaires politiques comme partisans. Même si, par ailleurs, c’est un pacte qui vous lie et qui fait de vous ce qui n’est pas honorable pour un chef d’Etat, je dois reconnaître que l’autre ne vous a pas laissé la marge de manoeuvre nécessaire pour vous sentir dans votre rôle et pouvoir convaincre vos interlocuteurs sur le fait que c’est bien vous, le chef de l’Etat. En reconnaissant, devant les leaders de la société civile, l’existence d’obstacles qui entravent la lutte contre la corruption, vous n’avez pas fait que reconnaître votre faiblesse et votre impuissance, vous avez également orienté vos interlocuteurs vers le véritable pôle du pouvoir.

Monsieur le “Président”

J’ignore si vous pourriez vous ressaisir afin de redresser la barre. Pour dire vrai, j’en doute fort, tant il est vrai que c’est visiblement à présent que les choses sérieuses commencent. J’imagine que vous avez eu les échos de Tahoua et Dandadji. La chanson d’accueil de votre prédécesseur tout comme les discours et les vidéos font quelque peu froid dans le dos. Je n’ai pas la prétention d’être dans le secret de ceux qui ont inspiré ces chefs-d’oeuvre de guerre, mais je sais que c’est vous, le premier visé. On n’a pas besoin d’être un sorcier pour le comprendre. Cependant, ce que j’ai du mal à cerner, c’est la raison d’une telle agressivité contre vous, étant entendu que vous si courbé l’échine devant l’autre au point qu’on pense que vous n’existez pas en dehors de lui. Alors ?

Mallami Boucar