La question de la justice est une attente populaire dans le pays qui a connu pendant dix ans sous Issoufou, une gestion calamiteuse des biens de l’Etat, une prédation jamais égalée. Ce que le régime d’Issoufou Mahamadou a réussi en mal est immense : crimes économiques commis par son entourage immédiat, spoliation de l’Etat dont certains domaines passent entre les mains de privés étrangers sans qu’on ne sache la manière, des tueries et des assassinats, tants de soldats que de civils, souvent même de chefs coutumiers, des choix qui risquent de coûter cher à l’Etat si déjà ils ne l’ont été, notamment avec le chemin de fer Niamey- Dosso, cette histoire d’immeuble administratif dont les partenaires choisis, juste pour une maquette présentée pouvaient empocher près du milliard, disparaissant dans la nature, à jamais invisibles. Il y en a trop. Combien sont-ils, les hommes et les femmes qui, autour de l’ancien président, ayant constitutionnellement pris la responsabilité de protéger les deniers publics, se sont enrichis, amassant des milliards pour lesquels, personne, y compris la Justice, ne peut leur demander des comptes, protégés par le système qui y trouve sans doute son compte.
Dans les débats qu’on peut entendre dans le pays, ce qui dérange, indépendamment de ces nombreux dossiers pour lesquels, l’on demande justice, il y a dans ce que demande le M62, cette autre exigence qui fâche, à savoir la mise en accusation de l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou.
Il est évident qu’une telle exigence peut paraitre inaccessible quand, celui qui dirige le pays n’est autre que celui que désignait pour lui succéder l’ancien président visé par cette mise en accusation.
Le M62, ne manque pas d’arguments pour fonder sa demande surtout quand on sait, comment, sous son magistère, Issoufou Mahamadou a compromis la souveraineté nationale, en prenant sur lui, la responsabilité d’installer dans le pays des forces militaires étrangères sans requérir l’avis, constitutionnellement indispensable, de la représentation nationale. A cella s’ajoute un nombre important de violations de la constitution que relevaient des constitutionnalistes qui,las du décompte, durent abandonner l’exercice, s’étant rendu compte que leur pédagogie ne pouvait aider les gouvernants à s’amender et à améliorer leurs rapports avec les lois de la République.
Il est arrivé qu’Issoufou croit qu’il est devenu tellement puissant qu’il peut tout se permettre impunément dans le pays, croyant que tout dans le pays, ne dépend que de lui et de son seul vouloir. Pourtant, il sait que, pour bien de dossiers, aujourd’hui ou un autre jour, son système et ses acteurs, auront à répondre. Sait-il combien a-t-il fait perdre au Niger par ses négligences et le laxisme de ses amis qu’il plaçait à des niveaux de responsabilités dans son système ? Combien le Niger perdait dans la transaction controversée de l’Uranium, dans le cadre de la construction échouée d’un bâtiment dédiée à l’armée, dans le cadre de la construction des rails entêtés et inutiles de Bolloré qui demande quelques 1900 milliards au Niger avant de les déboulonner, convaincu qu’ils ne serviront jamais ? Sait-il ce que, par les recrutements abusifs et partisans opérés sous son magistère, le Niger perdait financièrement ? Sait-il tout ce que, dans d’autres projets et infrastructures, le Niger perdait par son manque de rigueur et par des surfacturations et autres pratiques malsaines, avec, l’apprend-on, des missions payées rubis sur ongle, quand, la mission en question n’a jamais eu lieu mais que l’on peut se faire payer en se débrouillant à trouver les « pièces menteuses » qui justifient l’activité ? La pratique, il semble, est courante depuis plus de dix ans dans l’administration si souvent, ce ne sont des noms d’agents qui sont utilisés sans qu’ils ne soient informés qu’ils sont dans une mission pour permettre à des responsables de récolter des sous à leur profit à l’insu des concernés. Il va sans dire que pour beaucoup d’observateurs, c’est parce qu’il est conscient de cette gestion chaotique du pays en dix années d’insouciance et qu’il craint de probables poursuites, que l’ancien chef de l’Etat, pour assurer ses arrières, a imposé une gouvernance à travers ce qu’il appelle son « alternance réussie » à travers laquelle d’autres n’y voient qu’un troisième mandat déguisé.
Cela fait déjà plusieurs années que la société civile déposait des plaintes par rapport à certains scandales révélés, tant au niveau des juridictions nationales qu’internationales, notamment françaises. Une épée de Damoclès plane donc sur les têtes de bien de responsables ayant participé à la gestion des dix dernières années, et qui pourraient pour ce, à un moment ou à un autre, répondre devant des juges. Lorsque libéré du pouvoir, l’ancien président continue toujours de se cacher derrière les armes et les chars, incapable de vivre en citoyen normal dans son bled et de se déplacer, les Nigériens peuvent croire qu’il sait bien qu’il a des comptes à rendre aux Nigériens et qu’il pourrait s’effrayer de représailles de la part d’un peuple qu’il n’a pas su servir. Il a de quoi s’inquiéter pour cette gestion quand on sait qu’il faut souvent attendre plusieurs années pour voir aboutir certains dossiers, comme on peut le voir dans le cadre de ce que la presse française a appelé « les biens mal acquis » ou encore le « Congo Hold-up ». Ceux qui ont géré, souvent avec leurs enfants et leurs épouses, ont de bonnes raisons de ne pas avoir le sommeil profond depuis que, par leur alternance magouillée, certains perdent des influences et même du pouvoir. Parmi les crimes pour lesquels Issoufou pourrait répondre, et pour lesquels, on pourrait l’accuser de haute trahison, il y a cette affaire de la gestion de la guerre et de l’armée, avec les immenses crimes dont l’armée a été victime, n’ayant souvent pour se défendre que des armes et des munitions défectueuses avec lesquelles, on les envoyait à la mort, à la boucherie.
Panique au Guriland…
En voyant la mobilisation du dimanche passé, avec des acteurs nouveaux dont l’USN, décidés à rejoindre par patriotisme, la lutte citoyenne, et notamment quand on entend entre autres points de la mise en accusation de l’ancien président de le République, les rails inutiles de Bolloré, il est clair qu’il y a à se faire des soucis. Dès lors, l’on se demande si Issoufou Mahamadou peut échapper à son destin de justiciable, face à une gestion patrimoniale et opaque de l’Etat qui pourrait le rattraper ? On peut d’ailleurs se rappeler que depuis le premier mandat, le SAMAN, sûr de sa science, avertissait face à un pouvoir qui croit pouvoir se passer du pouvoir judiciaire, que les « homme passent et la justice demeure » et qu’il arrivera un moment où, l’on ne peut exercer aucune influence sur la Justice. Et l’Histoire lui donne raison aujourd’hui où, sans se cacher le visage, des Nigériens sortent des bois pour demander qu’il réponde de sa gestion, alors qu’il pensait pouvoir échapper à des poursuites en se servant d’un autre qu’il croit pouvoir manipuler. Des jours difficiles s’annoncent pour l’ancien président et son entourage. C’est peut-être aussi la paix qui vient pour Bazoum Mohamed qui devra enfin trouver le moyen de se débarrasser d’un homme devenu encombrant pour son pouvoir.
Une page s’ouvre dans la vie de la nation, épique et déterminante pour retracer le chemin à un peuple qui a longtemps été abusé par des politiciens qui n’ont aucune ambition pour le pays, ne rêvant que de gloires personnelle, familiales. Et la roue tourne…
Mairiga