L’histoire des relations entre le Président Bazoum et certains de ses camarades de parti continue de déteindre gravement sur la gouvernance générale du pays. Tout président de la République qu’il est, Bazoum Mohamed continue de faire profil bas devant des camarades du parti menés, de main de fer par l’ancien président, Issoufou Mahamadou. Leur opposition à Bazoum Mohamed s’est d’abord traduite par une farouche bataille contre la lutte contre la corruption qu’ils ont gagnée sans coup férir.
Puis, progressivement, et rapidement, cette opposition à la lutte contre la corruption s’est muée en une sorte de lutte larvée contre un homme. Bazoum Mohamed n’est pas moins vu comme rebelle que comme président de la République. La musique, selon le contexte, n’est pas bien sûr la même. Lorsqu’ils parlent en public, c’est pour se présenter bien sûr comme des défenseurs acharnés. Dans les coulisses, on le voue aux gémonies et complote pour le fragiliser.
Ce jeu pervers a continué jusqu’en août dernier où, comme l’année précédente, Issoufou Mahamadou a pris, lui aussi, des vacances annuelles, vers la fin de la troisième décade. Là-bas, les masques sont finalement tombés. Ce qui a été vu et entendu au cours de ce séjour, d’à peine une semaine, ne peut qu’alimenter le climat délétère déjà existant. Tout le monde a compris que le sort du Président Bazoum, sans doute scellé depuis longtemps, est désormais entré dans une phase d’exécution. L’agenda est acté et les propos tenus, les vidéos savamment distillées sur les réseaux sociaux, les chansons diffusées, tout tend à montrer que plus rien ne sera comme avant.
Le renouvellement des instances du Pnds Tarayya, actuellement en cours en prélude au congrès de décembre prochain, est, selon des sources crédibles, le début du rouleau compresseur. Comme dans le système politique chinois, avec le parti communiste, le Pnds Tarayya est pratiquement un parti-État. Pour contrôler le pouvoir actuel il faut avoir la haute main sur son appareil dirigeant. L’aile Issoufou s’attelle à gagner ce combat, déterminée à faire payer à Bazoum Mohamed ce que certains de ses membres considèrent comme une ingratitude de sa part. Zakari Oumarou, l’ancien gouverneur, a bien laissé entendre que celui qui trahit Dan illéla [Ndlr : Issoufou Mahamadou] le regrettera.
Bazoum Mohamed n’a pourtant que quelques 17 mois au pouvoir. Défié en permanence dans l’exercice de ses pouvoirs, Bazoum Mohamed a constamment dégagé en touche, histoire d’éviter le clash. S’il ne recule pas, il esquive les attaques, banalise les actes provocateurs. Son souci, c’est d’être irresponsabilisé dans la dégradation des relations entre son prédécesseur et lui. Il a fait si profil bas qu’au sein de l’opinion nationale, des voix se sont régulièrement élevées pour estimer qu’il y a deux présidents au Niger : l’un, plus virtuel que réel, lui et l’autre, plus réel que virtuel, Issoufou Mahamadou. Jusqu’à quand cela va-t-il perdurer ? Pourtant, son prédécesseur, dont le projet est désormais connu de tous, ne semble pas s’arrêter en si bon chemin. Les intentions de son camp politique sont claires de l’eau de roche. Bazoum Mohamed, selon toute vraisemblance, ne doit pas faire un second mandat. Quelque part, on en a assez de le supporter, l’accusant de s’être écarté du sillon tracé par Issoufou Mahamadou.
S’il fait profil bas au point d’être tourné en ridicule, Bazoum Mohamed n’est toutefois pas dénué d’atouts considérables. Il est le président de la République, investi de pouvoirs constitutionnels dont il n’a pas encore songé à user. Son prédécesseur l’aurait fait sans hésitation. Ailleurs, sous d’autres cieux, le président en titre a tout de suite fait comprendre à l’autre qu’il est le chef de l’État et qu’il ne peut y avoir deux capitaines dans un même bateau.
Yaou