La semaine dernière, le président de la République, Mohamed Bazoum, entreprenait une visite en profondeur dans la région de Dosso, parcourant des communes urbaines et rurales, pour rencontrer des populations et visiter des infrastructures afin de s’enquérir des besoins des communautés. Perçu sous cet angle, le déplacement du président dans la région de Dosso, ne peut qu’être apprécié, car le faisant, il prenait contact directement avec les populations et pouvait mieux s’enquérir de leurs conditions de vie, de leurs problèmes, de leurs attentes, toutes choses que ne pouvait jamais faire son prédécesseur, très effrayé du peuple depuis qu’il arrivait au pouvoir. Mais si ce déplacement devrait aussi se réduire à une simple promenade pour sortir du vacarme urbain fastidieux et stressant en s’offrant ainsi, par le regard porté sur la vie champêtre des campagnes nigériennes en cette fin de saison, alors l’on ne peut que déplorer pour un tel voyage à des moments aussi difficiles qui commandent de la parcimonie dans la dépense publique, une prodigalité inconvenante surtout quand on considère le monde d’hommes qui le suivent dans la mission.

Pour certains observateurs, ce déplacement en région, ne se fait pour rien que pour une campagne déguisée. On peut d’ailleurs voir, un homme – Pierre Foumakoye Gado – avec sa double casquette de président par intérim et futur président du PNDS et affublé en même temps de sa robe peu lisible de Haute représentant d’un président présent, au devant de la scène, montrant toute l’importance qu’il aurait à jouer ces rôles dans le système, sans que rien, si ne n’est d’être proche d’Issoufou, l’ancien président, ne le justifie. D’abord parce qu’il s’agit d’une visite d’Etat et que pour cela, le président de la République, ne peut avoir besoin, lorsqu’il se déplace dans le pays en tant que « Président de tous les Nigériens » de s’encombrer d’un président de parti qui pourrait vouloir là, lui montrer qu’il est dans son terroir, et donc dans « sa » région pour lui mobiliser le peuple de son parti dont il serait alors le président, non des autres Nigériens qu’il ne peut même par sa présence mobiliser, mais qui peuvent venir accueillir simplement, répondant à l’appel des autorités locales parce qu’il s’agit quand même du président de la République, non d’un militant d’un parti. Il revient dans le cas d’espace, à laisser les autorités des localités – coutumières et administratives – à prendre les initiatives pour mobiliser les populations à accueillir « leur » président, non à accueillir un président qui serait du parti, et peut-être, le leur dans la République. Rien donc, au regard d’une telle analyse ne peut justifier cette présence trop encombrante aux côtés d’un homme que la loi fondamentale oblige à se mettre au-dessus de partis politiques, y compris la sienne, pour être celui qui rassemble et donc de l’unité souhaitée des Nigériens. La casquette de Haut représentant ne peut non plus justifier cette présence, car comment peut-il représenter celui qui est là, en chair et en os, sur le terrain ? Faut-il donc croire qu’il est alors le haut-représentant de l’ancien président dans le nouveau système ? Faut-il encore penser que parce que quand même plus proche d’Issoufou que de Bazoum, et donc plus l’homme de confiance du premier que du second, il est là à talonner Bazoum, pour savoir tout ce qu’il fait, donnant ainsi raison à ceux qui parlent d’une gestion à deux au pouvoir à la tête de l’Etat, ou en tout cas, que Bazoum ne peut rien entreprendre qui échappe à son prédécesseur ?

Si donc, par ce déplacement, Bazoum ferait d’une pierre deux coups, pour d’une part s’informer des problèmes des populations, et en même temps profiter pour mener une campagne pour « son » parti, l’on peut bien se demander, au profit de qui, ferait-il la propagande ? On raconte qu’au cours de ce déplacement, un pagne et 10.000f seraient distribués à chaque femme, dans l’espoir sans doute que cette générosité politique servent à « convaincre » de potentielles militantes ou à fidéliser ceux qui sont déjà dans le parti et qui, depuis douze ans que leur parti dirige le pays, n’ont encore rien vu des rentes du pouvoir. On a vu des foules se masser en certains endroits, et les couleurs du parti qui les surplombent, trahissant le caractère d’Etat de la mission présidentielle. Deux questions se posent alors au regard d’un tel événement. La première est celle que nous posions plus haut et qui voudrait savoir, à qui profite cette campagne déguisée. La seconde s’interroge, par cette présence remarquée et suspecte du haut-représentant dans un tel déplacement, sur la plus-value de son implication dans le déplacement. Pour la première, on peut croire, par les contradictions qui traversent le parti, que les deux personnalités, tout en se côtoyant dans cette mission, pourraient ne pas avoir les mêmes objectifs. Pendant que Foumakoye joue de sa proximité illusoire avec Bazoum, pour se faire connaitre davantage dans certaines structures du parti, peut-être qu’il chercherait ainsi à avoir encore plus d’emprise sur le parti, pour s’en servir, au nom du lobby d’Issoufou, comme instrument de chantage contre un pouvoir qu’ils perdaient sans s’en rendre compte depuis le 2 avril 2021 pour espérer continuer le manipuler, le contrôler, à le gérer même. Mais certains proches de Bazoum, peuvent-il le laisser agir dans un tel sens sans le surveiller pour comprendre mieux son agenda ? C’est peut-être pourquoi, certains autres estiment qu’il ne se déplace que pour sa propre campagne, entourés de ses hommes de confiance même quand un qui joue au trouble-fête est avec lui, conscient de ce que, en tout cas pour se succéder à lui-même, le parti ne lui rendra pas les choses faciles. Profitant de cette mission, ses hommes, peuvent- il court-circuiter le « patron » du parti, pour prendre des contacts qui l’aideront à s’affirmer dans la région, même sans les services douteux d’un haut-représentant qu’il ne contrôle pas car au service d’un autre. Cette analyse nous parait pertinente car aujourd’hui, dans le parti comme dans le pouvoir, les hommes de Bazoum savent qu’ils n’ont pas tellement le pouvoir et cette situation inconfortable se vit chez beaucoup qui se rendent compte qu’ils ne peuvent pas émerger dans le pouvoir même quand c’est leur homme qui tient, officiellement, les rênes du pouvoir. Pour sortir de cet inconfort, le camp de Bazoum sait qu’il a l’atout du pouvoir et sait surtout qu’il doit apprendre à manoeuvrer pour s’émanciper politiquement et pouvoir prendre réellement le pouvoir qui se joue depuis plus d’un an entre deux mains. C’est peut-être dans cette perspective que naissait MUSACA-HAMZARI, la structure de soutien aux actions du Président Bazoum et qui pourrait vite se muer, si nécessaire, en parti politique, dans la perspective des prochaines élections générales. La démarche, du reste, est connue dans le pays où d’autres, pour s’affirmer, ont dû emprunter la même voie pour créer leur parti politique. Tout le monde a compris que tout ce qui se manigance autour du parti aujourd’hui, ne se joue que pour le Fils qu’un clan aurait aimé monter à la suite du Père, mais l’opinion a sans doute fait peur pour que le Père se rétracte pour mettre le pouvoir entre les mains d’un « ami » qu’il a cru manipulable, ou en tout cas, qui ne saurait garder plus longtemps le pouvoir pour trouver le moyen de le récupérer. Et il reste dans cette démarche, car comme un Père Goriot, il est prêt à tout, pour sa progéniture, même contre les convenances La réponse à la deuxième question, conforte cette analyse que nous venons de faire et qui pourrait, dans cette dialectique du pouvoir, soustendre ces contradictions sourdes qui déchirent le parti. On ne peut donc pas avoir tort de penser que si le haut-représentant se donne ce zèle à représenter la présence – alors qu’on ne représente qu’une absence – c’est qu’on voudrait le convaincre qu’on veut trop son bien, pour venir avec lui pour lui montrer le potentiel électoral dont regorge l’Aréwa et qui pourrait appuyer ses ambitions politiques qui devraient aller au-delà de ce mandat. Mais estce vrai, est-ce sincère ? Sans doute que non, puisque, ce n’est là qu’un moyen de l’endormir, pour le faire rêver, et sortir d’ici deux ans ou trois, le Joker, pour lui mettre les bâtons dans le roues, et annoncer un choix de la rectification. Certains proches du président ne peuvent pas ne pas le savoir car ils savent les intrigues dont ce camp est capable et ce, depuis que la dernière fois, le Père partait avec le fils dans leur région natale, pour présenter l’ « héritier », comme un « futur président du Niger » pour lequel, les plus bornés peuvent déjà rêver avec cette expression qui l’accueille partout : « Say ka yi ! ». Mais le Niger ne peut pas être une oligarchie, une aristocratie politique où le pouvoir pourrait devenir, même après avoir accumulé des milliards, l’affaire d’une famille.

Cette présence est donc un trompel’oeil. Depuis des jours qu’il cherchait à s’affranchir de l’attelage d’Issoufou, il y a eu de la panique dans les rangs, et les stratèges sont partis reconquérir l’homme qu’ils créaient et qui risquait de leur échapper, tant ses discours ne pouvaient les rassurer, notamment lorsqu’il parle d’impunité et qu’il peut avoir un ton conciliant avec certains Nigériens que l’ancien régime croit avoir détruits et mis au tapis pour ne plus s’affirmer sur l’échiquier politique. Les Nigériens savent l’objectif visé par une telle politique inique de la vendetta. Les analystes les plus avertis, à l’occasion de cette visite dans la région de Dosso, où l’on voit deux hommes qui donnent l’impression d’évoluer en harmonie, savent bien qu’il n’en est rien et que, pour autant, les désaccords restent profonds, le malaise insondable. Deux camps rusent l’un avec l’autre, et l’on se demande jusqu’à quand ce manège devra continuer. On a beau aimer dire que le PNDS-TARAYYA est le mieux organisé pour savoir surmonter ses crises, il reste qu’autour du pouvoir, face à des appétits insatiables d’un camp qui supporte mal de ne pas trop avoir les manettes du pouvoir, ameutant certains pans du parti pour espérer trouver là le moyen de s’imposer dans la gestion de l’Etat, il est désormais difficile de s’entendre.

Ainsi qu’on le voit, cette campagne déguisée a des dessous complexes qui rendent compte de l’anxiété au sein d’un parti qui vit une crise de leadership qui aurait pu être, s’il avait été mieux géré, celle de son excroissance…

Mairiga