La gestion de l’exploitation de l’eau, dans un pays sahélien comme le nôtre où la ressource en eau est très précieuse car devenue par sa géographie violentée, une denrée rare et très insuffisante tant en quantité qu’en qualité, pose un réel problème de choix politique pour les gouvernants. Depuis la création de la SEEN (société d’exploitation des eaux du Niger), les avis étaient divisés quant à la décision de l’époque de retirer sa gestion de la responsabilité de l’Etat pour la confier à un privé, et pire à un privé étranger, Veolia en occurrence. Mais, le contrat d’affermage qui lie la société française à l’Etat du Niger arrivait à échéance, et l’occasion était belle pour dresser un bilan de quelques années de gestion des Eaux du Niger. L’occasion était alors indiquée pour les pouvoirs publics de poser le débat pour années de gestion par Veolia et pouvoir juger de la nécessité autant que de l’opportunité de renouveler le contrat ou de le résilier.
Assemblée Nationale…
L’Assemblée Nationale s’était saisie du sujet et avait, en séance publique, animé un débat pendant lequel, les députés de tous les bords pouvaient reconnaitre le peu d’efforts en investissements consentis par Veolia pour élargir le réseau et rendre disponible pour les populations, l’eau potable. Ils étaient nombreux à relever une insatisfaction par rapport aux services de la SEEN, demandant pour cela au gouvernement de reprendre la gestion de la société surtout quand on sait que les infrastructures relèvent de la responsabilité et de l’effort de l’Etat qui a consenti de gros investissements à travers la Société de Patrimoine des Eaux du Niger (SPEN). Pourquoi donc, pour seulement mesurer et vendre, après que l’Etat ait accepté de faire le plus dur – mettre en place les infrastructures nécessaires pour le traitement et le transport de l’eau – il donne à un autre, la responsabilité de la vente de l’eau ? Ce débat, à l’Assemblée Nationale, avait beaucoup intéressé les Nigériens, surtout qu’en plus de telles considérations, les députés nationaux peuvent noter que l’ambition à faire porter par la société est de faire en sorte que l’eau soit presque partout disponible dans le pays, pour une majorité de Nigériens, en tout cas.
Mais certains analystes restaient sceptiques quant à la sincérité d’un tel débat et se demandent à juste titre, si ce n’est pas juste une instrumentalisation pour s’en servir à reprendre la société pour régler des comptes à un homme qui est devenu au fil des jours, l’opposant déclaré du régime et qui ne rate aucune occasion pour charger la Renaissance acte III. On sait que l’Opposition d’Omar Hamidou dit Ladan Tchiana dérange et il y a de quoi, car l’homme n’est pas de la trempe de ceux que l’on peut affamer pour se servir de leur vulnérabilité pour le prendre à l’appât d’une promesse de nomination ou de quelques marchés à lui miroiter. L’homme dont il est question a une vie bien construite qui ne tient pas à ses frivolités de la vie politique sous les tropiques. On peut d’ailleurs voir comment, sur les réseaux sociaux, la meute d’insulteurs est mise à ses trousses pour l’y traquer, le visant d’insanités immondes qu’on ne dit pas en politique et notamment quand on a de la bonne moralité.
Mais qu’on ait fait ce choix pour l’intérêt du Niger et des Nigériens ou pour faire mal à un adversaire politique, il reste que l’homme – et on l’a dit très haut – ne vit pas de ses actions, fussent-elles importantes au niveau de la SEEN. Les Nigériens du reste, le savent. Même après l’annonce de la résiliation du contrat avec Veolia qui ramène la SEEN au statut de société d’Etat, il reste que le débat continue, des Nigériens, pour une raison ou une autre, continuant à spéculer sur le choix du gouvernement.
Controverse
La controverse continue donc et Ladan Tchiana, lui-même, sur sa page Facebook, l’a dit clairement dit : ce choix ne vise que sa personne car ainsi, peut-on le croire, ses adversaires pourraient croire avoir trouvé là le moyen de le faire chanter et de toucher à sa faiblesse pour l’agenouiller afin qu’il rompe avec la radicalité de son combat politique qui continue à défier la nouvelle autorité qu’il accable d’illégitimité. Et depuis quelques jours, après que ce choix ait été opéré, bien d’observateurs ont cru voir là un moyen de représailles pour faire mal à un adversaire coriace, incorruptible quand on sait la sécurité financière dont il peut se prévaloir pour ne pas être du lot de ces intestins fragiles qui succombent au moindre piège qui les asservit.
Mais le gouvernement a fait son choix, personne n’y peut rien et Ladan Tchiana, tout en disposant de son investissement dans le capital de la société où il détient plus de 20% des actions, sait que même là, il a une autre fortune que personne ne peut lui arracher.
Processus d’étatisation en marche….
Le processus de migration du statut de la SEEN est donc acté depuis la prise de cette décision. D’ores et déjà, l’on apprend qu’un comité composé de structures concernées sur la mutation envisagée serait en train d’être mise sur pied pour réfléchir sur le changement de statut de la nouvelle société d’Etat qui devra être l’héritière de la SEEN, désormais enterrée. Selon nos sources, des correspondances ont été envoyées à des structures pour la désignation de leurs représentants devant siéger au comité. Ce comité aura pour charge de réfléchir sur un certain nombre d’aspects qui relèvent de la nouvelle vision de la société à recréer en lieu et place de la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN). Au regard des ambitions qu’on voudrait assigner à la nouvelle société, le comité discutera notamment sur la nouvelle dénomination de la société et de son orientation, avec, on l’imagine, le cahier des charges qu’il faudra lui élaborer pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.
Dans la perspective de cette reprise, et afin de rendre possible cette reprise de la société par l’Etat du Niger, le Niger aurait déjà remboursé quelques 11 milliards de factures impayées à travers la SPEN par une compensation entre les deux sociétés, libérant on l’imagine, l’actionnaire principal qu’est Veolia. Mais le tout n’est pas de reprendre la société, de l’arracher à l’emprise du privé, mais de savoir y réussir deux choses. Et là est tout le défi pour lequel, un jour ou l’autre, ceux qui ont fait ce choix répondront.
Défi…
La gouvernance prochaine de la nouvelle société est le challenge le plus difficile à atteindre quand on sait que les socialistes nigériens, ne peuvent pas avoir la rigueur requise, notamment en ce qui relève de la gestion et du recrutement du personnel. On sait comment les effectifs du personnel de certaines sociétés d’Etat, notamment la SONIDEP, ont explosé du fait de recrutements partisans et claniques qui ne répondent à aucun souci rigueur et d’efficacité, ceux qui l’ont fait n’ayant agi que pour servir une clientèle politique de la proximité clanique. Il va sans dire, même lorsque ce n’est plus Issoufou qui est en principe aux commandes de l’Etat, la nouvelle société n’échappera pas à la même politisation et à la même vision clanique de l’entreprise en création. Toutes choses qui ne peuvent qu’entraver la bonne marche de la société.
L’autre défi, non moins important concerne la gestion financière de l’entreprise. Il faut s’attendre dès la mise en place des nouvelles équipes et de leurs dirigeants qui sortiront forcément du PNDS, la grille salariale qui va être adoptée pour le confort de la hiérarchie qui pourrait s’octroyer des avantages faramineux et pour s’éviter des remous au sein du prolétariat de la nouvelle société, on n’oubliera pas de le contenter avec quelques primes qui pourraient faire la différence avec ce qu’il aura connu sous le régime de la SEEN.
C’est dire que le plus dur reste à faire. En faisant partir Veolia, le gouvernement doit convaincre qu’il ne s’est trompé de choix et que l’étatisation de la société serait le meilleur choix pour exploiter et commercialiser les eaux du Niger pour le grand bonheur des Nigériens. Mais l’on se pose à juste titre la question de savoir si son choix donnera plus de résultats pour distribuer plus largement l’eau potable afin que plus de Nigériens y aient accès mais en la rendant plus accessible par une tarification qui n’en fera plus un luxe mais une source vitale que l’Etat a la responsabilité constitutionnelle de rendre disponible pour tous. Et les Nigériens attendent la Renaissance au tournant…
Alpha