On se rappelle qu’il y a quelques jours la presse nigérienne rendait compte d’une décision inique prise par le ministre de la Santé Publique au moyen de laquelle il fermait quelques instituts de santé, sous le motif fallacieux qu’il n’y aurait pas de « plateau technique » dans les localités où elles mènent leurs activités. Personne, ne pouvait comprendre une telle mesure quand, la « faute » si c’en est une, incombe plus à sa responsabilité de ministre qu’à des fondateurs qui, se fondant sur des textes de la République, ont soumis des dossiers qui les avaient autorisés à ouvrir leurs établissements dans différentes localités du pays, sans que, jamais, le ministère de la santé qui ne saurait ignorer les textes et qui autorisait à ouvrir les établissements, n’ait une seule fois invoqué cette fallacieuse raison de plateau technique pour refuser d’autoriser l’ouverture de ces écoles. Pourquoi donc, il a fallu attendre, plusieurs années après pour que le sieur Dr. Idi Illiassou Maïnassara, curieux Colombo des nouveaux temps, fouine pour trouver cette curieuse idée de « plateau technique » pour poser cet acte qui ne peut être compris de personne, au Niger, comme ailleurs alors même qu’il est incapable de clarifier cette affaire de matelas une place à 400.000 et de tasse de café à plus de 120.000f. A vouloir chercher à trouver des poux sur la tête d’un autre, n’est-ce pas plus sérieux de raser la sienne pour se mettre à l’abri de soupçon ? Quand on veut défier les autres, il faut d’abord être un modèle !
Après des démarches administratives de la part des fondateurs concernés, cherchant, pour préserver de bonnes relations de partenariat avec le ministère de la Santé, ils butèrent contre un mur rigide avant que, peutêtre par d’autres, dans le système on ne le conseille sur l’irrégularité de la mesure unilatérale qui cause plus de problèmes qu’elle n’en règle étant entendu que nulle part l’on ne peut mettre en cause la qualité de la formation dans ces écoles, encore moins leur reprocher un défaut d’outils pédagogiques pour la formation dans un tel domaine complexe. Les deux parties ne parvenaient donc pas à une solution à l’amiable qui peut faire croire que le ministre serait dans son bon droit de prendre une telle décision et surtout de faire l’économie de tous ces désagréments futiles et inopportuns.
Sûr d’être victime d’une décision arbitraire, un des leurs, le fondateur de l’école de santé d’Arlit, Akomili Mohamed, au regard du préjudice qu’une telle mesure pouvait lui causer, à lui et à son école, à des enfants et leurs familles, attaqua en justice, par le biais de son conseil, la décision du ministre, fragile dès lors qu’elle se prenait au moyen d’une simple lettre fantaisiste.
Un arrêt qui frise l’humiliation pour le ministre…
Peut-il ne pas s’être entouré de l’expertise nécessaire avant d’oser une telle décision qu’un bon sens aurait dissuadé à prendre ? Le Conseil d’Etat, par ordonnance de référé n°034/22 du 17 novembre 2022-11-20, avait tranché le litige. Evoquant pour les « Faits et procédures », il rappelle que « Le requérant expose que le centre privé de santé publique (CPSP) d’Arlit dont il est fondateur a vu le jour depuis le 28 novembre 2007 », c’est-à dire il y a près de quinze ans, et « Que ledit centre a toujours fonctionné dans le strict respect des dispositions du décret n°96-201/PCSN/MEN du 19 juin 1996, fixant les modalités d’application de l’ordonnance n°96-035 du 19 juin portant réglementation de l’enseignement privé au Niger » et que « Sans aucune justification, et sans qu’on ne lui produise l’arrêté constatant ladite fermeture, il reçut la correspondance n°00187/MET/FP/SG/DGET/P/ DETPP en date du 14 octobre 2022, portant fermeture de son établissement ».
Comme nous le soulignions dans nos précédentes parutions, une telle décision ne peut que surprendre dans un Etat de droit où, un ministre, fut-il celui tout-puissant de la Santé, ne peut, sur une saute d’humeur, et par ses seuls affects, prendre une telle mesure qui ne protège rien, et ne règle pas le problème de « plateau technique » qui, de toute façon, n’est pas opposable aux charges des instituts de santé.
Une décision trop fragile…
Sur plusieurs aspects, la décision du ministre de la Santé est fragile, peu défendable du point de vue du droit. L’on ne peut d’ailleurs que lire là un abus de pouvoir de sa part comme le reconnait la victime qui saisissait le Conseil d’Etat. Ainsi que le dit l’arrêt rendu, « Pour le requérant cette correspondance est irrégulière en ce qu’elle viole les dispositions de l’article 44 du décret n°96-210 sus visé aux termes duquel : «la fermeture provisoire ou définitive doit être prononcée par arrêté. La fermeture provisoire ne peut en aucun cas excéder une année scolaire» ». En faisant preuve de tant d’amateurisme par une telle démarche qui manque de précaution administrative, le ministre fait douter de sa prétendue rigueur quand il fait montre de légèreté dans sa gestion administrative à travers cette décision. Le fondateur lésé, fort de la légalité qu’il croit être celle qui fonde toute sa démarche depuis la création jusqu’à la gestion de son Institut, est donc allé devant le juge pour redresser le tort qui lui a été fait. L’arrêt rappelle à juste titre d’ailleurs qu’avant d’aller à cette démarche judiciaire, « […] il saisit le Premier Ministre Chef de gouvernement d’un recours hiérarchique en date du 20 octobre 2022 avant d’introduire la présente procédure ».
Et fort de suivre la procédure consacrée, le Conseil d’Etat souligne que « Considérant qu’au soutien de sa requête, le sieur Akomili Mohamed invoque les dispositions de l’article 124 de la loi organique sur le Conseil d’Etat au terme duquel : «Tout requérant qui justifie avoir introduit un recours administratif en vue de demander à l’administration l’annulation d’une décision peut demander, en cas d’urgence au juge des référés la suspension de ladite décision ».
Une décision sans appel…
La décision du Conseil d’Etat frise presque l’humiliation pour un ministre qui, gonflé de vanité, ne peut saisir la brèche que les fondateurs lui tendaient en sollicitant de sa part une solution à l’amiable. En effet, jugeant que « Considérant cependant qu’on ne saurait parler de voie de fait en l’espèce : […] » et « Considérant que la correspondance ici querellée, prise par méprise par le Ministre en charge de la Formation Professionnelle, ne saurait être assimilée à une voie de fait au sens où elle est entendue par jurisprudence » et que, sans aller à tous les « considérant » évoqués, il souligne également que « Considérant que, dans le cas d’espèce, il s’agit d’un acte pris par méprise, par une administration qui croit pouvoir détenir le pouvoir de le prendre légalement alors qu’elle s’est trompée de la forme de l’acte, objet de la contestation » et « Que dans ces conditions, il s’agit ici d’un acte administratif dont l’examen de la régularité relève exclusivement de la compétence du Conseil d’Etat », le conseil juge la requête au fond.
Le ministre peut-il ne pas avoir mesuré les conséquences que peut avoir une telle décision pour ne pas s’en soucier avant de se décider ? On comprend que le Conseil d’Etat, appréciant « […] qu’au soutien de la requête le sieur Akomili invoque l’urgence et péril en la demeure justifiant la suspension de la décision attaquée » et que « Considérant qu’au regard des investissements effectués par le requérant et l’arrêt de processus de formation des apprenants, l’urgence est caractérisée dans le cas d’espèce dans la mesure où la fermeture de l’établissement, si elle est maintenue, va inévitablement engendrer un préjudice difficilement réparable pour le requérant » et surtout que, en plus, « Considérant qu’il ressort ainsi que la décision attaquée est prise en violation de la loi et mérite de ce fait suspension ». Et la sentence est tombée sur le ministère de la santé comme un couperet de guillotine : le Conseil d’Etat, par la force de la loi « Dit que la requête est recevable » et arrête, en l’ « Article 2 [de l’arrêt rendu que] ladite décision est suspendue ». Cet arrêt, comme on le voit, par la similitude à tous les cas de fermeture d’instituts qui sont reconnus et ont une autorisation d’ouverture, la même sentence pourrait s’appliquer. Et ce d’autant plus que la décision du ministre de la Santé divise les ministères concernés par la gestion de ces établissements et parmi lesquels celui de la Santé, seul, fait preuve d’une inflexibilité que rien ne donne à comprendre quand, rappelons le, il ne peut pas reprocher aux écoles de ne pas avoir l’environnement pédagogique adéquat pour assurer des formations de qualité. N’est-ce pas d’ailleurs le ministère qui organise l’examen d’Etat de certification en santé à l’occasion duquel bien de ces écoles ont souvent donné les meilleurs résultats tant en pratique qu’en théorie sans que le « défaut de plateau technique » que relève le ministre dans des départements, n’affecte la qualité des apprentissages. D’ailleurs quelle loi peut, pertinemment défendre qu’une école, fût-elle de santé, ne puisse s’ouvrir dans un département ? L’alibi ne convainc personne ! Et le Juge a tranché !
Aidons nos entrepreneurs à se construire au lieu de cultiver ce défaitisme foncièrement nigérien par lequel des aigris souffriraient de voir un autre réussir.
Mairiga