Comme il fallait s’y attendre, la visite de travail effectuée la semaine dernière par notre chef d’Etat-major général des armées (CEMA) à Bamako n’a pas manqué de susciter un concert de réactions sur la toile. Le Général Salifou Mody a fait le déplacement de la capitale malienne pour échanger avec ses collègues maliens sur les relations de coopération entre les deux armées qui se battent contre les groupes terroristes qui se sont implantés au Sahel depuis dix ans aujourd’hui au Sahel pour semer gratuitement la mort et la désolation au sein des populations civiles et militaires. Cette visite de travail du Général Mody vise, indique-t-on, la redynamisation du partenariat entre les deux armées dans le cadre de la lutte, les deux pays partageant une frontière longue d’un peu plus de 800km, zone de prédilection des groupes terroristes. Il s’agit de mettre les actions de deux armées en synergie pour mieux combattre l’ennemi tentaculaire commun. Après la séance de travail avec la hiérarchie des forces armées maliennes (FAMA), Salifou Mody a été reçu en audience par le chef d’Etat malien, le Colonel Assimi Goïta, à qui il a transmis ‘’les salutations fraternelles’’ du président Bazoum Mohamed. Ce tweet du Colonel Goïta résume les sujets autour desquels l’entretien a porté : ‘’J’ai reçu cet après-midi le Général Mody, CEMA Niger. Notre entretien a porté sur des sujets d’intérêt commun, notamment la situation sécuritaire dans la sous-région et la coopération militaire entre le Niger et le Mali’’. Pourquoi cette visite de travail de notre CEMA au Mali suscite tant d’intérêt au sein de l’opinion ? La réponse coule comme l’eau de source.
La cause du froid
C’est parce que tout simplement les relations diplomatiques entre le Mali et notre pays ont pris un sérieux coup de froid ces dernières années, du fait notamment de la posture va-t’en guerre de nos autorités au plus sommet contre la junte militaire de Assimi Goïta, à la tête du Mali depuis août 2020 dans le cadre d’un processus de transition dont la durée irrite au plus haut point la communauté internationale. Du fait du refus de la junte militaire [qui jouit d’un soutien massif et inconditionnel des populations maliennes] de se plier à la volonté de ladite communauté internationale, le colonel Goïta et ses compagnons sont devenus indésirables, vilipendés à longueur de rencontres sur la crise sécuritaire au Sahel par des dirigeants africains et occidentaux sur des médias locaux et internationaux. Dans cette cabale hargneuse contre le Mali et ses autorités de transition, Niamey est en ligne de front, le président Bazoum et certains de ses ministres, ne ratant –pour ainsi dire- aucune occasion pour tirer à boulets rouges sur Goïta et ses camarades. Le recours de ces derniers à l’entreprise paramilitaire russe ‘’Wagner’’ pour les aider à lutter efficacement contre les terroristes, devant l’échec cuisant de la force française Barkhane à accomplir cette mission, a exacerbé l’animosité de Niamey vis-à-vis de Bamako. Alignés sur la position du président français Emmanuel Macron qui est foncièrement hostile à la présence de Wagner, le régime de la renaissance et ses thuriféraires n’ont eu cesse d’accuser le Mali d’être le ventre mou dans la lutte, accusant l’armée malienne de tous les noms d’oiseaux. Chaque fois que nous essuyons une attaque terroristes, ils la pointent systématiquement du doigt, allant jusqu’à soutenir que c’est parce qu’elle a abandonné la partie septentrionale du Mali aux terroristes que nous sommes vulnérables. Ce qui est totalement discutable et qui procède tout simplement d’une campagne de dénigrement contre les autorités maliennes pour faire plaisir à Macron. A force d’être vilipendée par Paris et ses suppôts de la CEDEAO, Bamako a finalement chassé, comme un vulgaire malpropre, la force Barkhane de son territoire, avant de suspendre purement et simplement sa participation à la force du G5 Sahel. L’effondrement total du Mali pronostiqué par Paris et ses inconditionnels africains suite à ces décisions courageuses prises par la junte ne s’est pas réalisé. Bien au contraire, le Mali se porte relativement mieux aujourd’hui, et mène la lutte contre le terrorisme avec beaucoup plus de succès grâce au renforcement soutenu des capacités opérationnelles de son armée dans le cadre du nouveau partenariat stratégique avec la Russie. C’est indéniable. Depuis le départ de la force Barkhane, Bamako a acquis de nombreux moyens aériens et terrestres très performants permettant aux Famas de contrôler désormais la situation dans les airs comme au sol.
Le retour à la raison
Après l’intense campagne de dénigrement systématique menée par Niamey contre la junte du Colonel Goïta et l’armée malienne, nul n’aurait cru que le président Bazoum Mohamed pouvait un jour dépêcher son chef d’Etat-major général des armées à Bamako pour prendre langue avec la hiérarchie des Famas en vue d’un réchauffement de la coopération militaire entre les deux pays ? Car c’est bien cela que le Général Mody est allé faire au Mali, même si c’est avec la casquette du CEMOC aussi. Il l’a personnellement confié à la presse malienne, au sortir de l’audience que lui a accordée le Colonel Goïta. Malgré cela, certains thuriféraires du régime tentent de montrer le Général Mody a fait le déplacement de Bamako en tant que président en exercice du Comité d’Etat-major opérationnel conjoint (CEMOC) qui regroupe l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger ‘’afin d’échanger sur des méthodes de collaboration structurées dont, entre autres, le droit de poursuite de part et d’autres des frontières communes’’, comme nous avons pu le lire ces jours-ci sur les réseaux sociaux. La question qu’on est en droit de se poser est la suivante : la junte militaire de Goïta est-elle devenue subitement fréquentable encore aux yeux de Niamey, malgré la présence de la force paramilitaire Wagner au Mali ? N’est-ce pas à cause de l’attitude paternaliste du président Bazoum et de certains de ses ministres, consistant notamment à vouloir chaque fois sermonner la junte militaire de Bamako par rapport à ses décisions souveraines, que la coopération militaire entre nos deux pays s’est refroidie ? Sinon, elle avait de tout temps était excellente. M’enfin, des erreurs d’appréciation peuvent être commises en matière de diplomatie. Mais il n’est jamais tard pour les corriger lorsqu’on s’en rend compte. Surtout sur un sujet aussi délicat et préoccupant comme l’insécurité terroriste dans lequel est installé le Sahel. Nous ne pouvons pas gagner seul la lutte, en faisant fi du Mali et du Burkina qui sont autant sinon plus affectés que nous pour des considérations dictées par l’extérieur. Cette visite de travail du CEMA Mody à Bamako est le signe que Niamey est en train de revenir à des meilleurs sentiments vis-à-vis de la junte de Goïta.
O.I