A l’ouverture de la session inaugurale de la troisième mandature du Conseil Economique Social et Culturel (CESOC) en février dernier, le Président de la République, a exprimé ses attentes vis-à-vis de cette assemblée consultative. Quelle démarche comptez-vous adopter pour arriver aux résultats ainsi attendus ?
Avant tout je dois rappeler que le  CESOC  est une assemblée consultative dont la mission première est d’assister le Président de la République et l’Assemblée Nationale. En cette qualité, le CESOC est compétent pour conduire des études et des enquêtes sur toute question d’intérêt national portant sur le développement économique, social et culturel et recommander les réformes qui s’imposent. Il est également compétent pour contribuer à l’évaluation des politiques publiques.
Je dois aussi rappeler que  le processus de mise en place de la mandature se fait en  trois étapes à savoir : première étape : les organisations de la société civile procèdent à l’élection en leur sein des personnalités qui vont les représenter au niveau de l’institution ; seconde étape : les listes sont transmises au Gouvernement à travers le Ministère en charge des relations avec les institutions qui les fait passer en conseil de ministre. Les conseillers de la république sont alors nommés par décret du président de la République. La troisième étape est celle relative à la cérémonie d’installation solennelle de la mandature par son excellence, Monsieur le président de la République  à l’occasion d’une session dite inaugurale. C’est donc à l’occasion  de son discours d’installation officielle de la mandature que le président de la République donne ses principales orientations et énumère les dossiers prioritaires sur lesquels il souhaite qu’un travail de réflexion prospective soit mené par le CESOC. En l’occurrence pour cette troisième mandature qui couvrira la période 2023–2027 le président de la république a comme vous le dites, exprimé ses attentes vis-à-vis de l’institution. Ces attentes s’articulent autour de six points essentiels. Il s’agit du secteur de l’éducation, de la montée en puissance de l’agriculture, de la question du climat, de l’hydraulique, du secteur privé et de l’énergie.
Notre démarche est toute simple. Comme vous le savez, nous disposons de commissions permanentes qui sont chargées chacune dans son domaine de travailler sur les thèmes qui seront examinés par la session dans le but d’en tirer des recommandations à adresser aux plus hautes autorités de la République. Parallèlement nous allons organiser des consultations des acteurs pour outiller les commissions permanentes et leur permettre de formuler un travail cohérent, crédible et pertinent. En effet c’est sur les commissions permanentes que repose l’essentiel de notre travail.
À court terme quels sont principalement les domaines sur lesquels le CESOC va faire des propositions ou entreprendre des études ?
A ce sujet, et fidèle à son discours programme prononcé lors de sa cérémonie d’investiture en tant que président de la république,  le chef de l’Etat  a mis en tête de peloton de ses priorités l’éducation. Pour preuve,  il a dit dans son discours d’ouverture de la session inaugurale du CESOC  je cite « L’éducation est au cœur de nos préoccupations et elle doit être pour vous un objet d’attention continue … L’Etat a donc le devoir de l’améliorer et de soutenir la croissance cognitive, l’inclusion scolaire, l’éducation des jeunes filles, en améliorant les formations et les formateurs, afin de soutenir l’éducation totale, dans tous les secteurs, pour que le pays ait les cadres et les techniciens requis pour soutenir sa croissance et faire un saut qualitatif  irréversible… Je fais de l’éducation une priorité majeure, parce que je sais que sans le capital humain, une société ne peut pas se développer, s’enrichir, progresser et améliorer son bien-être ».
 Vous voyez donc à quel point le Président de la République tient à ce secteur et c’est pour cette raison que nous en ferons notre priorité pendant toute cette mandature.
Notre objectif au niveau du CESOC sera de tenir des assises nationales sur la question de l’éducation. Lors de ces assises qui mettront en présence les ministères sectoriels en charge du domaine de l’éducation, les techniciens et les experts en la matière, les organisations de la société civile et les partenaires techniques et financiers impliqués dans le secteur de l’éducation, il sera question de la carte scolaire, de la qualité et du niveau de l’enseignement, de l’éducation de la jeune fille mais aussi et surtout de la question de débouchés après les études. Il est évident que les autorités en charge de ce secteur ont mis en place des reformes importantes. Il s’agira de passer à la loupe ces reformes afin de mettre en exergue leurs forces et leurs faiblesses et formuler à l’endroit du CESOC des pistes d’amélioration. Le CESOC va s’approprier ces propositions pour que lors de la session du conseil celles-ci soient examinées pour en tirer des recommandations et des avis à l’endroit du président de la république. Le CESOC à travers la commission en charge de cette question se fera le devoir de faire un suivi permanent des politiques mises en œuvre à ce sujet.
Le second sujet sur lequel nous allons très vite travailler, est la montée en puissance de notre agriculture. D’ores et déjà nous menons des réflexions sur le mécanisme d’accès des agriculteurs au crédit, aux engrais et au machinisme agricole. Cette question est pour nous essentielle au regard du projet du chef de l’Etat de créer des unités agro industrielles au niveau des régions. Nous avons enclenché des discutions avec les organisations de filières à haut potentiel économique qui ont besoin d’un encadrement et un accompagnement. Il est plus que nécessaire qu’ils soient compétitifs dans le cadre de la ZLECAF. 
Le troisième point est relatif au climat. Comme vous le savez, la question du climat a un caractère transversal sur la vie de nos concitoyens. La sècheresse et la désertification ont un impact très significatif sur l’agriculture et l’élevage qui sont les secteurs piliers de notre économie. Ceci a pour conséquence la progression de la pauvreté et la mobilité des populations. C’est entre autre ce qui est à la base du phénomène de la mendicité dans les centres urbains et même à l’extérieur du pays ainsi que l’enrôlement des jeunes dans les organisations terroristes et les trafics en tout genre. A ce sujet, nous avons déjà entrepris un travail de fond avec l’union des conseils économiques et sociaux d’Afrique pour zoomer sur l’impact de ce phénomène sur la vie des populations et en particulier sur la mobilité liée au climat. Nous envisageons également d’entreprendre des études approfondies sur la question de l’habitat rural face au changement climatique.
S’agissant de l’hydraulique le Président de la République estime que la maîtrise du réseau hydrique d’irrigation, des forages, des assainissements des fleuves et des rivières, des lacs et des retenues d’eau, doit permettre au Niger de ne plus être dépendant des saisons des pluies et des aléas climatiques. Il y a là un travail de fond à faire notamment une enquête qui permettra de dépoussiérer toutes les études réalisées dans ce domaine et faire des propositions de réformes pour que  le potentiel hydraulique existant soit rationnellement exploité et devienne un véritable levier de développement.
Le secteur privé est aussi une priorité du président de la République. Il dit je cite « Le rôle du CESOC est de participer également au soutien du secteur privé car les PME sont à ce jour limitées par leur possibilité de financement ». A ce sujet nous entendons continuer l’offensive que nous avons déjà enclenchée et qui consiste à mobiliser les organismes de garantie pour épauler nos PME dans leur quête  de financement au niveau des banques. Nous allons continuer également les consultations des acteurs pour comprendre les difficultés auxquelles font face nos entrepreneurs afin de formuler de propositions de politiques allant dans le sens de l’amélioration de leur condition de travail. Je rappelle que nous avons créé une dynamique dans ce sens en partenariat avec le Fonds de Solidarité Africain FSA et qui a abouti à la déclaration dite de Niamey. En effet, le 22 Novembre 2023, sous l’impulsion du FSA, les institutions financières Africaines de garantie (FSA, FAGAS, ATI-ACA, AGF) et la banque arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) ont signé une déclaration  à travers laquelle elles expriment leur ferme volonté d’accompagner l’initiative prise par le CESOC consistant à fédérer les différentes parties prenantes du soutien aux PME nigériennes. Pour cette phase pilote, une enveloppe de cent milliards de Francs CFA de garantie est mise à la disposition du dispositif mis en place par le CESOC pour l’année 2023.
Le dispositif dont il est question  est un comité inclusif  composé des faitières des PME, des banques de la place, du FAS, du ministère des finances,  du représentant de la primature et du CESOC. Le dispositif a pour mission de créer un dialogue permanent entre les différentes parties pour créer un climat de confiance et de coopération entre les acteurs, indispensable au financement des PME.
Ces dernières années, l’insécurité  préoccupe énormément les populations. Face à cette situation qu’est-ce que le CESOC peut recommander aux Président de la République ou de l’Assemblé Nationale, que l’institution est appelée à assister de par sa vocation ?
S’agissant de l’insécurité, nous nous ferons le devoir de mener un travail prospectif pour comprendre les causes structurelles et même conjoncturelles qui la sous-tendent. C’est d’ailleurs pour cette raison que pour la première fois de l’histoire du Conseil économique social et culturel la plénière a créé au niveau du règlement intérieur de l’institution une nouvelle commission permanente dénommée commission paix, sécurité et cohésion sociale. Je rappelle que notre démarche consiste à mener des réflexions, des enquêtes et des études sur les sujets du moment et à l’issue desquelles nous allons formuler des recommandations de loi ou de reformes à mettre en place. Je dois juste réaffirmer que la question de sécurité et de cohésion sociale réside au cœur de l’agenda de cette troisième mandature. Notre créneau en tant que chambre consultative avertie, reste le dialogue inclusif. Nous tenterons en continue de mettre face à face les différents acteurs pour un débat sans tabou qui mettra uniquement en avant, l’intérêt du Niger pour aboutir à des solutions consensuelles et nationales.
Faisant partie de votre champ de compétences, la culture est considérée par la plupart des acteurs du domaine comme le parent pauvre des politiques publiques au Niger. Que peut-on espérer du CESOC en matière d’avis pertinents, de reformes afin que les pouvoirs exécutif et législatif posent des actions concrètes pour la valorisation de tout le potentiel culturel ?
Comme le précise l’appellation même de notre institution, la question de la culture figure en tête des missions du conseil économique social et culturel. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons une commission permanente qui s’occupe spécifiquement de la culture et du sport (la CACS ; Commission des affaires culturelles et  sportives).   L’état à travers le ministère sectoriel  en charge de la culture met  œuvre sa propre politique de protection et de promotion de la culture en fonction de nos réalités.
Aujourd’hui, au regard du contexte géopolitique  marqué par des défis sécuritaires, sanitaires et climatiques majeurs qui mettent à mal nos populations dans leur vie de tous les jours, la question de la culture est plus que jamais d’actualité. Comme on dit, face à la désolation, la culture devient le seul repère mais aussi demeure le seul  rempart véritable  contre le rejet du prochain, l’intolérance et l’extrémisme.
Aussi, au-delà de la place qu’occupe la culture dans les rapports humains, les relations entre les peuples et la qualité de la vie en général, nous ne devons pas perdre de vue qu’une partie  importante de nos populations vit de la culture et de l’industrie culturelle. Il est donc nécessaire que nos artistes et artisans ne soient pas les oubliés de l’économie nationale et mondiale et pour cela nous leur devons protection et promotion.  C’est pour toutes ces raisons que la protection et la promotion de la culture nationale requièrent l’implication de toutes les compétences du pays. Le CESOC assurera sa partition dans ce domaine.
Niamey a abrité en février dernier la rencontre qui a abouti à la création d’un réseau des CESOC de l’espace UEMOA. Qu’est-ce qu’une telle initiative peut apporter aux institutions membres dans leurs missions ?
Vous savez, la mise en réseau, que ce soit au niveau des Etats ou des institutions est une démarche toujours bénéfique pour les participants. La volonté d’union et de solidarité permet d’agir de manière concertée face aux défis communs. Les pays de l’UEMOA partagent en l’occurrence les même réalités socioéconomiques et il nous a paru important de créer une faitière à travers laquelle  nous nous retrouvons tous en tant que conseils économiques et sociaux pour échanger et partager sur nos défis politiques, économiques et socioculturels, envisager au besoin des projets communs au profit de nos populations.
Monsieur le président, concernant le CESOC,  ne pensez-vous pas que l’institution a besoin d’être davantage connue quant à sa mission dans la vie de la nation ?   
 Ce que je souhaite dire, c’est que nous sommes conscients que le CESOC est une institution très peu connue du grand publique. La raison est toute simple. Le CESOC n’est pas dans la mise en œuvre des politiques publiques qui relève des ministères sectoriels, ni dans le vote des lois qui relève du parlement. Le CESOC a une mission transversale de proposition de loi ou de réforme de loi, de proposition de politique publique ou de réforme des politiques publiques et enfin d’évaluation des politiques publiques mises en œuvres dans le pays.
Nous sommes une assemblée consultative composée de 99 personnalités  élues par les organisations de la société civile ou désignées par les hautes autorités de la République. Ces personnalités sont d’abord reconnues pour leur sagesse, leur engagement et leur parfaite maitrise de nos terroirs. Nous sommes donc un véritable outil à la disposition de la politique nationale et nous ferons en sorte de jouer pleinement ce rôle.
Notre ambition est de jouer pleinement notre partition dans la vie démocratique participative et des débats publics en donnant la parole à tous les acteurs du développement économique et social de notre pays. Cela participe de la bonne gouvernance à laquelle aspirent le Niger et son peuple et qui est le cheval de batail de son excellence M. Bazoum Mohamed Président de la République chef de l’Etat.
Par Souley Moutari(onep)
 Source : http://www.lesahel.org