Au Niger, s’il y a un homme qui étonne, c’est bien l’ancien ministre de la Défense, aujourd’hui député national. Depuis que Bazoum Mohamed est au pouvoir, l’on ne peut compter le nombre de fois qu’il s’est livré aux journalistes tant de la presse que des télévisions pour les entretenir sur des questions qui l’intéressent et qu’il croit être les plus importantes pour le pays. Et comme il fallait s’y attendre, toutes les fois, il a pu, dans ses logorrhées, trouver la connexion pour parler de l’armée, et des efforts de son régime à faire face à la menace faisant souvent des comparaisons qui n’ont lieu d’être au nom de plusieurs paramètres qui différencient les cas qu’il compare. Et depuis, les Nigériens se demandent qu’est-ce qui presse tant l’homme, à vouloir, par moment, intervenir sur les médias pour se faire entendre. Cherche-t-il, la sympathie du peuple ? Si c’est le cas, peut-il avouer ses erreurs et demander pardon aux Nigériens ? En tout cas, l’on ne comprend pas pourquoi il éprouve ce besoin immense de communiquer.
Pourtant, même s’il est du parti présidentiel, il reste qu’il ne répond pas de l’exécutif quand même son zèle le pousse à plus communiquer pour défendre le gouvernement que pour défendre des positions qui relèvent de l’institution dont il répond. D’ailleurs, dans sa dernière déclaration la semaine dernière, l’on se demande même qui pouvait- il défendre dans son interview qu’il a pu s’arranger pour tenter de soigner son image et d’apparaître aux yeux des Nigériens comme un homme très soucieux de la situation du pays. Les Nigériens, eux, n’ont jamais oublié de ces scandales qui ont émaillé la gestion du ministère de la Défense nationale, et ce jusqu’à ce que, confié à la justice, le dossier dans lequel des sources le citent et pour lequel les Nigériens demandent la comparution de bien d’acteurs, soit épluché par la Justice pour situer les responsabilités car, en vérité, il n’est pas seul à avoir géré ce ministre à sous en temps de guerre, et surtout à avoir commis des actes peu recommandables pour lesquels l’on demande justice car, quand même, il y a eu, par ces pratiques, énormément de mort d’hommes. Il ne faut pas oublier pour son cas que c’est même un journal proche du pouvoir et du parti, qui dénonçait la gestion au ministère de la Défense alors qu’il était à sa tête. On se rappelle que l’indignation de Feu Mamane Abou était d’autant au comble qu’il disait ne s’en revenir de voir comment, le ministère était devenu une officine d’affaires, de business où une certaine clientèle politique prospère. On se rappelle aussi, comment après l’enquête diligentée par le ministre Issoufou Katambé qui lui succédait, ce dernier avait été profondément choqué de prendre connaissance des crimes économiques, disant même que si les Nigériens devraient apprendre comment ce ministère avait été géré, ils leur tireront dessus. C’est ainsi que le vaste crime avait été baptisé «MDN-Gate», une grosse affaire qui n’a toujours pas été tirée au clair pour situer les responsabilités.
On ne comprend donc rien au grand verbiage de l’ancien ministre de la Défense qui ne doit pas oublier que, quoi qu’on fasse, un jour ou l’autre, l’on répondra de sa gestion. Son intervention a ainsi tourné entre éloge et satisfecit. L’on l’entend ainsi dire que jamais un régime ne s’est occupé de ses populations comme le leur l’avait fait. Peut-il déjà oublier comment, des soldats nigériens, mal équipés alors que l’on prétendait mobiliser pour leur guerre des fonds immenses – des centaines de milliards – avaient été massacrés au front et combien de fois, tant dans la région de Diffa que dans celle de Tillabéri ? Peut-il aller dire ça à des populations de la zone du Zarmaganda, d’Inatès, d’une partie de la région de Tahoua, de Bankilaré, du Gorouol, du département de Gothèye, de Torodi, pour ne citer que ces exemples et croire que son discours pourrait être audible au coeur de tant de mélancolies ? Quand on est obligé de quitter ses terres, et que ses enfants ne peuvent plus aller à l’école, est-ce donc ça, réussir à protéger les populations ? Non, ce discours, au Niger ne passe et Bazoum en est d’autant conscient qu’il se bat, avec sa stratégie et ses moyens pour combattre le terrorisme et redonner le sourire à des populations durement éprouvées.
Cette parole, «frelatée» qui n’est d’ailleurs pas la première chez l’homme, les Nigériens n’en ont que faire et M. Kalla fera mieux de trouver mieux à dire aux Nigériens. Sait-il que des familles de soldats, de chefs traditionnels, et de nombreux autres anonymes, aujourd’hui encore sont désemparées, ne pouvant plus bien dormir quand, dans ce qui est arrivé à leurs enfants, ils n’ont souvent eu aucune explication officielle, souvent, même pas une compassion ?
Peut-il donc croire, encore une fois, que les Nigériens ont oublié tout ce que fut sa gestion au Ministère de la Défense, où justement, l’on avait relevé les cas les plus ahurissants de mauvaise gestion ? Qu’a-t-il pu justifier de ce que l’on reprochait de cette gestion, ne serait-ce ce qui relève du temps qu’il a passé à la tête du ministère pour au moins tenter de se blanchir. Pourquoi éprouve-t-il tant ce besoin obsessionnel de parler, de polémiquer, d’avoir cette envie de trop spéculer plus qu’un autre, au nom du système, plus qu’un ministre et donc plus qu’un autre acteur de l’Exécutif, même plus qu’un autre député du parti sur de tels sujets, sans être pour autant l’un des plus proches des proches de Bazoum ? Son passage à la tête du ministère, peutil justifier chez lui cette obsession ? Y a-t-il quelques inquiétudes qui puissent justifier chez l’ancien ministre de la Défense quelques appréhensions pour aimer tant parlementer sur les questions de sécurité ?
Mais pour une fois, au moins peut-on noter quelques lucidités dans ce qu’il dit à propos du Niger et notamment de la délicatesse de la lutte contre le terrorisme. Autant il est bien heureux qu’il comprenne que la coopération avec les voisins est une nécessité impérieuse dans la lutte contre le terrorisme, autant, il est lucide à dire que les Nigériens ont intérêt à s’entendre pour faire front commun contre la menace qui devient préoccupante. Kalla Moutari, on l’imagine, par ce qu’il a pu dire sur une des télévisions de la place la semaine dernière, a compris une part importante du mal et du malaise nigériens.
En effet, l’on ne peut qu’être surpris de l’entendre dire que pour régler les problèmes auxquels le pays fait face il faut que les Nigériens se réconcilient et surtout que l’on promeuve la bonne gouvernance, en évitant autant que possible ces injustices sociales qui créent des frustrations, aiguisent les colères et les ressentiments. Il n’a pas tort. Une société faite d’injustices, à la longue, ne peut qu’exploser car un jour ou l’autre, lorsque les hommes n’auront pas d’autres issus, et mis dos au mur, ils ne peuvent que se révolter pour refuser leurs conditions. Les Nigériens, sont égaux, c’est un principe constitutionnel auquel, par les actes qu’on pose dans la gouvernance, l’on donne sens. Mais est-ce le cas dans ce pays avec ce dernier événement, la mort du Professeur et chirurgien émérite Yacouba Harouna dit YAC, auquel, l’Etat, pour tous ceux que sa main experte a soignés et guéris, et tous ces jeunes médecins qu’il a aidé à former, devrait rendre hommage officiellement. Mais, ce ne fut pas le cas ainsi que le déplore de nombreux Nigériens. Faut-il être d’un camp pour mériter les hommages de la République reconnaissante ? Pourtant, lui n’a soigné dans sa brillante carrière que des patients dont il ne demande jamais la provenance, et donc jamais des partisan et ce tout au long de sa brillantissime carrière. Il était un homme humble sans façon. Et on imagine parce que, par ses choix politiques, il ne devrait pas être du bon camp pour mériter que l’on salue officiellement sa mémoire. Dans un pays où d’autres qui ont moins fait pour la République et la nation, recevaient à leur mort les honneurs de la République, pourquoi pas lui s’indignent bien de Nigériens ? Comment peuton vouloir que dans un tel pays, les hommes puissent s’aimer, s’accepter ? Professeur Yac, entre nous, mérite-t-il ça ? C’est ça aussi une part des injustices dans le pays.
Peut-être qu’avec le recul, regardant dans une autre position son pays, l’ancien ministre de la Défense pourrait avoir compris les vrais malaises desquels le Niger souffre, mettant en première ligne les problèmes d’injustice. Mais peut-il savoir – et avoir le courage de le dire – que d’autres hommes de son parti, travaillent justement, à ne pas rendre possible, cet effort de pardon et de réconciliation qui puisse permettre aux enfants du pays, enfin, de se parler pour taire leurs rancunes et cultiver dans les coeurs, l’amour de l’autre ?
Ce pays est malade, et on peut en convenir avec Kalla. Si on ne change la gouvernance, si on ne répare pas les injustices, on le conduira inévitablement à sa perte. C’est pour cela qu’un autre, en d’autres temps, alertait les socialistes à faire attention face à l’Histoire pour que le pays ne s’effondre pas entre leurs mains.
A.I